30/11/2019

Novembre (b)

Politique
- L'accord transversal qui a fixé les étapes pour l'élaboration de la nouvelle constitution a reçu diverses opinions de la part des membres des partis représentés dans l'accord, tant en sa faveur comme contre, menant même à des divisions, mais il n'est pas question de revenir en arrière. Chacun s'exprimera par le vote lors du plebiscite. Plusieurs précisions devront encore être apportées, vu qu'il faut une loi pour mettre en oeuvre cet accord. Mais on a célébré que "le monde politique est sorti de ses tranchées" (sauf une exception: le PC, et avec une division dans le Front Ample).
- 67% des gens trouvent positif cet accord et 57% sont d'accord avec le quorum de 2/3 des constituants pour approuver les articles de la future constitution. 85% croient maintenant qu'une nouvelle constitution est nécessaire.
- Les enquêtes démontrent que ceux qui s'informent par la TV sont ceux qui protestent (manifestations) le moins et que ceux qui le font le plus s'informent par les réseaux sociaux. Malheureusement, les fausses informations abondent là (et sont aussi reproduites souvent à l'étranger).
- Les membres de la contituante seraient élus de la même façon que les membres du parlement (avec candidats des partis et indépendants). La critique de la légitimité du fait que les partis devraient choisir les acteurs et les difficultés que le système impose aux candidats indépendants suscite l'intérêt de tous pour discuter de propositions d'intégration de la société civile dans le processus.
- Le sénat a approuvé la loi qui interdira la réélection consécutive des sénateurs plus d'une fois et plus de deux fois pour les députés et pour plus de 12 ans pour les maires. Le projet passe à la chambre.
- Un dirigeant du parti communiste, tout en condamnant [du bout des lèvres] la violence a reconnu qu'il "n'écartait aucun moyen pour arriver au pouvoir".
- Il y a eu des grèves d'un ou deux jours dans la fonction publique et quelques autres grands syndicats en appui aux réclamations sociales.
- Le Parti Communiste a promu une accusation constitutionnelle contre l'ex-ministre de l'Intérieur pour sa responsabilité politique dans les infractions aux droits humains, accusation acceptée et discutée à la Chambre, passant au sénat qui devra résoudre en dernière instance. [Le PC est toujours, ici, le principal "défenseur des droits humains"!!] Des parlementaires d'opposition ont aussi présenté une accusation constitutionnelle contre le président Piñera comme responsable ultime des infractions des droits humains durant les manifestations. Cela devrait être abordé par la Chambre dans les prochains jours.
* EN SYNTHÈSE: Il n'y a toujours pas de proposition qui touche la structure du pouvoir, l'inégalité de patrimoine, ni l'agenda anticorruption, qui semblent être une partie importante des réclamations sociales. L'exécutif est toujours à la chasse d'un accord avec tous les partis non-extrémistes pour établir un plan "de paix et justice sociale".

Sécurité
- Alors que les manifestations pacifiques ont diminué, les violentes ont augmenté en intensité et en coordination avec des attaques aux commissariats et véhicules policiers, les empêchant de se rendre sur les lieux de pillages et incendies. Depuis le 18/10, plus de 180 commissariats et des véhicules ont été attaqués à coups de feu, de pierres et de cocktails molotov, et 2.200 policiers ont été blessés. Même une ambulance et des hôpitaux ont été attaqués et des pompiers empêchés de se rendre à des incendies.
- Des fausses nouvelles sur des réseaux sociaux (comme la réalistion de tortures par des policiers dans un centre commercial) sont utilisées pour pousser des attaques incendiaires contre les établissements. Le président Piñera y a aussi été menacé d'assassinat.
- Les commerces du centre de Valparaiso sont pratiquement tous détruits; dans plusieurs quartiers de Santiago et de plusieurs autres villes il n'y a plus aucun commerce disponible. Mais le maire de Valparaiso (du Front Ample) a demandé aux tribunaux d'interdire non seulement les fusils anti-émeutes mais aussi l'emploi de gas lacrymogène. En effet, une étude faite par l'Université de Santiago assure que les lacrymogènes peuvent causer des blessures aux yeux et même la cécité, à cause de l'acide clorhydrique qui se forme en contact avec de l'eau, ainsi que des mutations de l'ADN lorsque certains composants pénètrent par contact avec la peau. "Que devons nous utiliser?" demande le chef de police de la ville, "il ne nous reste que l'eau" (ce qui n'est pas très efficace contre les pillages). L'université n'a pas demandé de les interdire mais de ne les utiliser "qu'en dernière instance".
- Par décision du chef de la police, les fusils anti-émeutes ne pourront plus être utilisés qu'en légitime défense en cas de péril de mort et il assure que, dans les derniers jours, elles n'ont été utilisées que dans ces cas. On vient de savoir que le fournisseur avait donné en 2011 des instructions sur leur emploi -avertissant des dangers- qui n'ont pas été suivies. Les forces spéciales n'ont eu que 6 heures d'entraînement avec ellles.
- Le gouvernement a rejeté le rapport d'Amnesty International sur la "répression systématique" des manifestants: "Le gouvernement a fourni depuis le début toute sa collaboration avec les institutions autonomes de défense des droits de l'homme". L’armée de terre, la marine et l’armée de l’air, avec l'appui du ministre de la Défense, ont déclaré "rejeter catégoriquement les affirmations du rapport d'Amnesty International", car "il n’existe aucune politique des FF.AA. visant à diriger des attaques généralisées ou systématiques contre la population civile". Le ministre a ajouté que les forces de l'ordre sont intervenues pour défendre les civils et non pour les attaquer, et que ce rapport est totalement injuste et tendencieux.
- Le rapport de Human Rights Watch est plus pondéré: il indique les graves infractions et les attribue au manque de formation et de contrôle des carabiniers, et recommande une réforme de l'institution et une meilleure formation (ce avec quoi on est d'accord).
- Le directeur de la police civile a aussi répondu que lorsque la police répond à une attaque directe cela ne peut pas être considéré une atteinte aux droits humains.
- Ce dernier mois, le Ministère Public a fait plus de 25.000 audiences de contrôle d'arrestations, qui se sont soldées avec plus de 17.000 personnes formalisées pour pillajes, lésions et désordres, mais seulement 15% en ont été mis en prison préventive, la loi ne considérant pas le pillage de façon différente qu'un simple vol. (Les autres retournent à faire de même). La police civile est aussi à la recherche de commerçants ambulants qui vendent des catapultes pendant les manifestations (employées pour attaquer la police). Le Ministère Public et les tribunaux sont saturés par les arrestations de délinquants (dévaliseurs et "combattants", mais les incendiaires sont encore rarement identifiés). Un premier clan de narcotrafiquants-pilleurs a été arrêté (On parle maintenant de "narco-pillage").
- Le président Piñera a envoyé au parlement un projet de loi qui permettrait de charger l'armée de protéger les infrastructures critiques (hôpitaux, ports, aéroports, centrales électriques, etc.) car il n'y a pas assez de policiers pour s'occuper de cela et, en même temps, d'être dans les rues (cela ne plait pas à la gauche) et aussi des projets qui augmenteraient les peines pour les pilleurs, incendiaires et constructeurs de barricades, évitant aussi qu'ils soient rapidement remis en liberté par les juges d'instruction. Se cacher le visage lors d'une manifestation serait aussi pénalisé. Il a dit que "le moment est venu de dire que cela suufit" et a demandé la "discussion inmédiate" de ces projets au parlement.
- Des incendies de forêts ont été provoqués simultanément a plusieurs endroits à proximité de Valparaiso, ce qui a obligé à diviser les équipes d'extinction, indices d'un plan prémédité. Sept maisons ont été détruites.
- 80 membres du Parti Socialiste ont enfin reconnu "le risque que court la démocratie", du fait des attaques de délinquants, bandes criminelles liées au trafic de drogue et "groupes anti-systémiques", "organisés en vue de détruire les institutions publiques et privées, l'état de droit et la démocratie". "La gauche démocratique doit commencer une campagne idéologique, culturelle et politique contre cette menace."
* EN SYNTHÈSE: La police est complètement débordée et les policiers réclament qu'ils ne peuvent plus utiliser leurs armes pour se défendre.
- Selon plusieurs sociologues, il existe ici une importante masse de jeunes qui ne croient pas à la démocratie ni à la coexistence pacifique, car ils n'y voient aucune valeur. Ils ont peu étudié, ont vécu dans les rues ou dans des résidences pour enfants abandonnés ou séparés de leurs parents par la justice (où ils ont souvent été maltraités). Ainsi, "ils ne voient pas que la démocratie soit capable de les protéger ou qu’elle ait la capacité de les promouvoir. Ils voient les règles de la coexistence pacifique comme de l’hypocrisie et réagissent à la violence avec la violence", a déclaré le sociologue Daniel Chernilo à BBC News.

Economie
- Le peso chilien (CLP) s'est fortement dévalué face au dollar et à l'euro. La bourse locale est celle qui a le plus baissé dans le monde en novembre. La Banque Centrale a annoncé la liquidation de 20.000 millions de dollars dans le marché national pour tenter de freiner la chute du dollar.
- Avant les troubles, la Banque Centrale avait fait une estimation de la croissance du PIB pour 2019 de 2,5%, mais elle vient de la baisser à 1,9%.
- La dette externe du pays atteint déjà 72% du PIB. (Et la gauche en demande plus, pour financer des prestations sociales.)
- La récupération du mobilier urbain (parcs, bancs, grilles, luminaires, etc.) détruit par les vandales aura un coût de 1.000 millions de CLP (16 M d'€).
- Le prix de la viande augmente, vu les difficultés pour en importer (70% en proviennent de l'extérieur), la Chine augmentant ses achats à nos fournisseurs.
- Le gouvernement donnera des subsides d'entre 500.000 CLP (575€) et 4 millions de CLP (4.600€) aux PME affectées de destruction lors des troubles. Un montant total de 500.000 dollars y sera destiné. On compte plus de 20.000 PME affectées, beaucoup au bord de la faillite, et 100.000 employés pourraient passer au chômage. L'industrie du tourisme calcule une perte de plus de 900 millions de dollars.
- Les ventes par internet ont baissé de 70% depuis le début de la crise.
- L'exécutif est arrivé à un accord avec les parlementaires pour augmenter le montant des "pensions solidaires" [pour les seniors qui n'ont pas cotisé] de 50% pour les plus de 80 ans et de 35% pour les plus de 75 ans en 2020. Elle sera augmentée de 50% pour tous d'ici 2022. Les seniors auront aussi une ristourne de 50% dans les transports en commun à partir de juillet 2020.
- La chambre a approuvé une baisse de 50% des salaires des parlementaires (actuellement de 11.700 dollars, mais équivalent à 23.000 dollars en pouvoir d'achat comparatif, les plus hauts de la région) et autorités de l'Etat. (Le projet passe au sénat.) Les fonctionnaires du parlement ont fait une manifestation contre cette réduction, pensant qu'elle les concernerait aussi, alors qu'ils gagnent de 10 à 20 fois moins. Les juges seraient aussi visés dans ce projet, ce qui est rejetté tant par le pouvoir judiciaire comme par l'exécutif.
- La Fiscalie Nationale Economique a proposé une réforme structurelle du marché des médicaments pour accroître la concurrence et promouvoir la réduction des prix. Le rapport préliminaire établi par l'agence constate que 80% des médicaments enregistrés n'ont pas de bioéquivalents (plus économiques) et que les laboratoires investissent plus de 200 millions de dollars par an pour promouvoir leurs marques auprès des médecins. Le gouvernement étudie des possibles mécanismes de contrôle des prix.
- Walmart a commencé un procès contre l'Etat pour manque de protection de ses investissements (supermarchés). Des maires projettent de faire de même pour le manque de protection dans leurs communes.

Science et environnement
- Le mois de novembre a été le plus chaud des 10 dernières années à Santiago.

Santé
- Selon l'OCDE, les chiliens sont ceux qui dépensent le plus de leur poche pour leur santé.
- Le ministre de la Santé a déclaré que le système chilien est "un des meilleurs et des plus efficients de la planète". Les enquêtes [et la réalité] montrent que presque personne n'y croit!

Transports et Communications
- La ligne 4a du métro a recommencé à opérer, mais seulement avec 3 stations. Suite au coût des réparations dans les lignes existentes, les travaux pour les nouvelles lignes seront retardés d'un an.
- La compagnie espagnole Telefonica, qui s'était installée ici en 1989, profitant de la privatisation de la compagnie nationale de téléphones, a decidé de se retirer de toute l'Amérique Latine excepté le Brésil. Il est probable de les directeurs aient décidé cela parce qu'ils croient que la sécurité juridique est en danger dans la plupart de ces pays, et aussi parce qu'ils n'obtiennent pas le rendement espéré, alors que la concurrence a fortement augmenté.

EXTRA: Une crise de cohésion sociale
par Eduardo Valenzuela, Doyen de la Faculté de Sciences Sociales UC(20/11/2019)
Le libéralisme n'est pas seulement un programme économique et un principe d'organisation politique, mais aussi un régime de cohésion sociale, c'est-à-dire un certain moyen de maintenir une société unie.
Qu'est-ce qu'un tel modèle et pourquoi n'a-t-il pas été en mesure de s'installer dans notre pays? Le premier pilier cohérent est la conviction répandue dans la valeur du mérite et de l'effort personnel. Les régimes libéraux produisent des inégalités parfois très prononcées, mais qui peuvent être acceptées sur la base du mérite que chacun a mis à posséder ce qu'il a. Le mérite ne peut prospérer que dans un contexte d'égalité des chances généralement offert par le système éducatif, mais un système éducatif trop stratifié et séparé comme celui que notre pays n'a pas réussi à mettre en place l'exigence fondamentale de crédibiliser une idéologie méritocratique. Nous avons permis à l'éducation publique d'être pratiquement synonyme d'échec scolaire, tandis que l'enseignement privé offre, parfois en toute impunité, des avantages indépendants du mérite de l'étudiant.
Un deuxième pilier des régimes de cohésion sociale libéraux est la capacité associative de la population, qui repose à son tour sur un degré raisonnable de confiance généralisée. Quand on s'attend à ce que l'État n'intervienne pas dans tous les domaines de la vie, il faut que les gens soient capables de résoudre collectivement leurs propres problèmes. On a l'impression erronée que le libéralisme n'est qu'un individualisme (la capacité de chacun à prendre soin de lui-même), alors qu'en réalité les sociétés libérales ont produit de très hauts niveaux de confiance sociale et d'activité civique (capacité à s'associer à des inconnus pour résoudre des problèmes communs ). Dans notre pays la prospérité économique et la mobilité de l’éducation ne se sont pas accompagnées d’une augmentation de la confiance sociale. La confiance envers les inconnus et la capacité associative sont restées très faibles (à l'exception des pompiers) et l'articulation par la communauté d'intérêts communs ne va pas assez loin. Les gens sont emprisonnés dans des liens familiaux et dans des formes d'association inciviques, telles que les "fans" de clubs de football ou les clubs de golf, où la confiance n'est expressément cultivée qu'entre ceux qui se ressemblent.
Dans certaines sociétés libérales, les entreprises ont joué un rôle compensatoire en tant que sources de cohésion sociale. Dans celles-ci, il est possible de trouver des entreprises socialement responsables qui offrent de meilleures conditions de protection du travail, prennent en charge la formation de leurs travailleurs et fournissent une assurance complémentaire pour des biens essentiels tels que la santé et le bien-être. Dans notre pays, toutefois, un programme libéral a été mis en place, qui fonctionne avec des marchés du travail flexibles et des entreprises orientées vers une rentabilité à court terme pour ses actionnaires, avec un mépris évident pour les intérêts des travailleurs et des consommateurs.
Dans les sociétés libérales, l'État joue un rôle mineur, mais efficace, au travers de politiques de dépenses sociales ciblées qui protègent ceux qui ne peuvent se procurer des biens essentiels. Dans ce domaine on n’a pas fait preuve de diligence et on n’a pas agi efficacement dans les vastes domaines de l’exclusion sociale où l’abandon et la criminalité se sont multipliés.
Dans toutes les sociétés libérales, la liberté individuelle et les droits individuels, une participation avant tout politique et la représentation démocratique, revêtent une importance particulière. Comme pour nous, le Parlement et les partis ne jouissent d'aucune crédibilité publique et le système politique fonctionne avec une très grande abstention électorale, mais tout est compensé par une forte confiance en la justice et en la loi constitutionnelle, garantes des libertés et des droits des personnes.
Une caractéristique de notre système politique, cependant, est que les deux institutions - le parlement et les tribunaux - sont également discréditées et que nous avons laissé les mécanismes de protection des droits individuels se dégrader au point que personne ne présume que justice sera rendue de façon pertinente pour tout grief et que nous soupçonnons tous que la loi ne sera pas respectée.
Les fondements libéraux de la cohésion sociale ont été mal placés et, en l'absence de plein emploi et de croissance économique soutenue, ils ont fini par faire éclater une société trop faiblement cohésive.

L'objectif a été de couler le pays (Extraits)
Par Sergio Muñoz, analyste potitique (La Tercera, 21/11/2019)
La destruction de biens publics et privés est immense, des milliers de personnes ont perdu leur emploi, la fuite des capitaux est un fait, de nombreuses petites entreprises se sont effondrées, les investissements ont été stoppés, l'incertitude est très grande, etc. Il est obligé de répéter alors que la crise ne suffit pas à s'expliquer par la lecture socio-économique de l'inégalité. La dimension politique est déterminante: certains se sont efforcés de plonger le Chili dans le chaos pour provoquer un effondrement institutionnel!
Il faudrait être aveugle pour ne pas voir que la dévastation produite nécessitait de la planification, de la coordination et des ressources. Il est vrai que de nombreuses personnes ont manifesté pacifiquement pour réclamer des améliorations sociales, mais les ultras savaient déjà comment "utiliser" les marches et frapper fortement la communauté. Les églises pillées et incendiées prouvent le signe totalitaire de la violence.
Aux pires heures de la barbarie, il n’y a pas eu de réaction collective comparable à celle requise. Cela a été influencé par le fait que de nombreux politiciens, et bien sûr plusieurs commentateurs de télévision, ont déclaré que nous assistions à l'éclosion du désir de justice.
La condescendance «progressiste» envers le vandalisme et l'impudence de ceux qui ont cherché à exploiter la violence pour étendre le pouvoir qu'ils n'ont pas obtenu aux élections ne peut être qualifiée que de misérable. Il est très grave qu’une partie de la gauche parlementaire se soit jouée pour créer une instabilité maximale et, en bref, pour faire tomber le gouvernement. Malheureusement, beaucoup de jeunes furent convaincus que la violence crée les conditions d’une plus grande égalité. Ils ne peuvent attendre que l'égalité des débris!
La démocratie ne sera pas viable si nous vivons sous la menace, si la violence devient une forme de chantage politique et si l'État devient impuissant.

Les nouveaux médias comme scénario de transformation sociale (Extraits)
Par Julian Gomez (TechCetera, 26/11/2019)
Alors que nous avons de nouveaux moyens d’accéder à l’information et d’en produire, la sensibilisation des citoyens semble également grandir au sujet de notre capacité collective à reconfigurer les événements aux niveaux politique et social, ou du moins à nous exprimer massivement sur ce qui affecte nos droits fondamentaux.
Bien qu’une grande partie de l’information circulant dans les nouveaux médias soit fausse et partiale, et qu’elles servent également l’ignoble but de répandre des rumeurs et une panique collective, de manière irresponsable et sensationnelle, il semble également évident qu’aujourd’hui, plus que jamais, nous avons le pouvoir d’être les créateurs et les protagonistes de notre histoire, et on pourrait même parfois penser que sont passés les temps dans lesquels les puissants définissaient le cours des événements et leur récit.
Bien que les mobilisations aient une présence massive de personnes, des niveaux élevés de désinformation sont également remarqués et l'essence du mouvement citoyen et sa transcendance aux niveaux politique et social ne sont pas toujours compris. Cela nous impose, entre autres tâches, d’enquêter, de lire, de questionner, de valider l’information et de discerner, de sorte que notre pensée critique et notre capacité de transformation soient aussi puissantes que les espaces de communication quotidiens.
La croissance exponentielle de l'univers communicatif détermine le fait qu'aujourd'hui ni le monde ni les êtres humains ne sont pareils à une autre époque, même si habite toujours en nous l'intention de changer, les idéaux de liberté et de justice et la nécessité de progresser.

15/11/2019

Novembre (a)

Politique
- L'approbation du président Piñera est tombée à 13% et sa réprobation se monte à 79%. Il a déclaré "qu'un problème qui a été construit pendant 30 ans ne peut pas se résoudre en 30 jours". "Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il y a des abus dans notre pays. Il y a des entreprises, pas toutes, qui abusent de leurs clients, de leurs travailleurs, de l'environnement et cette culture doit changer. C’est l’un des signaux les plus puissants que les citoyens nous ont transmis. Mais aucune nouvelle agenda sociale ne sera suffisante pour ceux qui ne veulent pas de solution". Au sujet des actes de violence et destruction, il a déclaré avoir "la conviction personnelle que ce n'est pas la chose traditionnelle que nous avions au Chili, derrière cela il y a des groupes organisés prêts à tout détruire", que l'Agence d'Intelligence tente d'identifier. Il a envoyé au parlement de multiples projets de lois qui répondent aux demandes sociales et aussi qui augmenteraient les peines pour les pillages et les attaques à la police [ce qui a été parfois (mal)interprété par des médias étrangers comme une "augmentation de la répression"; ils préfèrent souvent informer des troubles causés à la fin des défilés et de l'action, alors, de la police, et non du pacifisme qui les précède ni des concessions annoncées par le gouvernement et approuvées par le parlement. Sur les réseaux sociaux beaucoup de photos dites de ces bagarres ne correspondent pas au moment ni à l'endroit signalés et parfois même pas au pays.].
- Les manifestations ont continué. Le nombre d'assistants a diminué quelques jours mais a été massif le 12, jour de grève générale où -en plus de pillages de commerces (283)- la violence et la destruction ont été extrêmes, se dirigeant vers des services publics (comme le registre civil), des commissariats, les sémaphores et luminaires, une ambassade, des sièges universitaires (en incendiant même un) et même des églises (dont une incendiée), et aussi des barricades dans les avenues et sur les autoroutes. Seuls les sièges des partis de droite ont été attaqués. La gauche s'est enfin prononcée contre cette violence, en réponse à un appel à la paix fait par le président en télévision, qui a aussi demandé un accord de tous "pour la justice sociale" et un autre pour définir comment élaborer une nouvelle Constitution.
- Selon enquête, 78% des citoyens seraient d'accord avec la création d'une nouvelle Constitution et 54% préfèreraient une assemblée constituante. Les recteurs des universités recommendent aussi une nouvelle Constitution. Le mécanisme des cabildes (conversations des citoyens) proposé initialement par le ministre du Développement Social, pourrait être abandonné suite aux conversations entre le gouvernement et tous les partis pour définir le mécanisme d'élaboration de la nouvelle charte. Beaucoup de communes insistent cependant à consulter leurs habitants en décembre.
- Le parlement est finalement arrivé à un accord -appelé "historique"- de tous les secteurs, sauf le PC, pour convoquer en avril 2020 à un plebiscite où il faudra exprimer son accord (ou non) avec l'élaboration d'une nouvelle constitution et, si on est d'accord, choisir comme mécanisme une convention mixte (50% de parlementaires et 50% d'élus spécialement) ou une convention "pure" (assemblée) élue complètement à cette fin. Les membres élus le seraient lors des élections communales de novembre 2020 et la convention aurait de 9 à 12 mois pour rédiger le texte et le soumettre ensuite à un référendum avec vote obligatoire et majorité simple. [Cela pourra mettre fin aux manifestations? Une manifestation "pour la paix" a déjà été convoquée. Elle se terminera en paix?] Le PC demandait une assemblée qui approuve les articles par majorité simple et non par les 2/3 des participants comme accordé (ce qu'il trouve "anti-démocratique"!).

[En synthèse: Le gouvernement -minoritaire au parlement- a été vaincu par la gauche au moyen d'une stratégie qui a eu recours "à la rue" -et à la destruction, prévisible en partie (plannifiée par certains??)-, et a dû abandonner son programme pour adopter le programme de la gauche modérée.]

Sécurité
- 65 maisons communales ont été attaquées depuis le début des manifestations.
- Deux femmes agents de police ont été brûlées au visage par des cocktails molotov quand elles tentaient de contrôler une manifestation. [Je n'ai vu cela que sur un seul des canaux internationaux que je suis!] Plusieurs commissariats de police ont été attaqués à coups de pierres et de cocktails molotov, blessant des policiers.
- Depuis le 18 octobre, la police a arrêté plus de 22.000 personnes durant les manifestations. De nombreux responsables de pillage ont aussi été arrêtés. On compte plus de 500 blessés par armes de la police, dont 187 affectés aux yeux (malgré que le "protocole" est de ne tirer que dans les jambes). Il y a un reportage du New York Times. 14 uniformés ont été formalisés pour mauvais traitements. On condamne constamment la réaction de la police mais moins souvent des violents qui les attaquent et détruisent des installations publiques et privées. Pour les observateurs étrangers cela ne semble avoir aucune importance! Mais le nombre de blessés irrite de plus en plus. On ne comprend pas pourquoi on n'a pas retiré les fusils anti-émeutes, qui sont prétendus "non-létals"! Le Collège des Médecins parle de "catastrophe sanitaire" et a aussi réclamé contre l'emploi constant de grenades lacrymogènes.
- Amnesty International déclare qu'il y a ici "une infraction systématique des droits humains" de la part de l'Etat. A ce sujet, le président a déclaré que "Rarement un gouvernement a tant collaboré de manière à ce que tout excès, abus, atteinte aux droits des personnes ne reste impuni (…) Tout carabinier ou militaire qui ne s'est pas conformé aux règles du recours à la force, aux protocoles, qui se ont excédés dans l'usage de la force, qui ont commis des abus, feront également l'objet d'une enquête et seront sanctionnés. Ces cas doivent faire l’objet d’une enquête de la part du Bureau du Procureur, connus et jugés par les tribunaux et non par des juges autoproclamés qui déterminent ce qui constitue ou non une violation des droits de l’homme."
- Le ministère de l'Intérieur a invité des experts de polices de l'étranger à exposer leurs procédés de contrôle des émeutes.
- 17 drones survolent maintenant la région métropolitaine pour alerter la police des endroits où se produisent des faits violents.
- Enquête: 42% des gens disent ressentir de l'insécurité, 35% de l'espérance, 28% de l'anxiété et 22% de la frustration pour ce qui se passe. L'appui des femmes aux manifestations est de 52% et des hommes de 45%.

Economie
- Amazon a confirmé un investissement ici pour sa plateforme de services en "nuage" (Amazon Web Service).
- La banque a fait un bénéfice de 2.700 millions de dollars durant le 3e trimestre.
- La violence depuis fin octobre et la suspension des importantes réunions internationales (APEC et COP25) ont provoqué d'importantes pertes pour le secteur du tourisme (annulation de réserves d'hôtels, etc.). Les donations pour aider à financer la COP25 avaient atteint près de 100 millions de dollars et le gouvernement étudie comment les rembourser.
- Le ministère des Finances estime que le coût total de réparation des destructions serait de 3.000 millions de dollars.
- Le président de la Chambre Nationale de Commerce a demandé (au début du mois) de mettre fin aux manifestations et laisser travailler les autorités, du contraire "nous mèneront le pays à l'abîme". La Chambre calcule que 100.000 emplois ont été perdus du fait de la crise et le ministère de l'Economie estime que cela pourrait arriver au triple. Les PME affectées par le vandalisme et les pillages seraient 6.800. Les commerçants sont désespérés par les pertes. Les ventes de vêtements sont tombées de 50% dans le pays et 70% à Santiago depuis le début des troubles. La vente de logis a baissé de 40%. Dans l'île de Chiloé, 800.000 saumons attendent d'être alimentés et pêchés, 320 tonnes étant déjà en décomposition dans les industries, les travailleurs ne pouvant s'y rendre.
- Le président Piñera a signé la loi qui garantit un salaire minimum de 350.000 CLP (376 €). Les mesures tributaires annoncées sont: nouvel impôt de 40% sur la rente de ceux qui gagnent le plus (84.000 personnes) et des contributions foncières plus hautes pour les immeubles de valeur d'un million de dollars ou plus (pour compenser de nouvelles exemptions de contributions pour les seniors).
- De janvier à septembre, les administrateurs de fonds de pension ont obtenu un bénéfice de 550 millions de dollars (sur la base des commissions qu'ils touchent). Si ces bénéfices étaient versés aux cotisants, ils obtiendraient chacun 34.400 CLP (43€).
- Beaucoup de communes ont annoncé qu'elles ne réaliseraient pas las habituelles festivités de l'An Nouveau, pour consacrer les fonds à aider les habitants affectés par la violence.
- Le gouvernement est arrivé à un accord avec l'opposition pour le budget de 2020, avec une réforme tributaire qui devrait permettre d'obtenir 2.000 millions de dollars de plus, qui seraient destinés aux programmes sociaux.
- Les désemployés de Santiago sont 8,3% mais pourraient arriver à 10% en décembre suite aux pertes commerciales.
- La bourse de Santiago est tombée de 12,5% depuis le début des troubles et le peso (CLP) a perdu plus de 10% de sa valeur face au dollar et à l'euro.

Science et environnement
- Pour contribuer à la réduction du CO2, le gouvernement se propose de planter 200.000 ha de bois, mais seulement 70.000 seraient de forêt native, ce qui est critiqué par les scientifiques car, d'une par, cela absorbera beaucoup d'eau (ce qui est critique à cause de la sécheresse) et l'exploitation des espèces exotiques dérivera en émission de CO2. La plantation, de plus, dépendrait de financement international, mais le Chili ne fait pas partie de la liste de zones prioritaires à cette fin.
- Selon une mesure réalisée par le ministère des Biens Nationaux en collaboration avec l'Institut Géographique Militaire il existe actuellement au Chili 43.471 îles, d'une superficie totale de 8.278.411 hectares, soit 11% de la superficie totale du territoire national.

Santé
- En 6 ans, 235.000 millions de CLP (294 millions d'€) seraient investis pour couvrir l'assurance face aux maladies [économiquement] catastrophiques.
- Le ministre de la Santé a annoncé un programme spécial pour traiter et aider les personnes blessées aux yeux par les fusils anti-émeutes. Ceux qui ont perdu un oeil recevront gratuitement un prothèse dans un centre spécialisé de l'Université du Chili.

Transports et Communications
- 93 stations du métro ont souffert des dégâts, dont 7 totalement détruites par le feu. Actuellement 81 stations fonctionnent, de 135.  La ligne 4 du métro arrivera enfin à son terminus de Puente Alto le lundi 18, avec 5 de ses 7 stations ouvertes, mettant fin à un grand problème pour des dizaines de milliers de travailleurs. Vu les investissements nécessaires pour les réparations, la construction des lignes 7, 8 et 9 se verra retardée.
- Au total, les dégâts à des oeuvres publiques se montent à 18.700 millions de CLP (23 millions d'€).
- Google a annoncé que son cable de fibre optique qui unit les Etats-Unis et le Chili est terminé et fonctionne parfaitement.

Education
- Le siège central de l'Université Catholique a été attaqué, avec rupture de vitres et vol de mobilier pour faire des barricades dans l'avenue, et un édifice de l'Université Pedro de Valdibvia a été complètement détruit par une attaque incendiaire.
- 600 collèges privés et subventionnés ont demandé au ministère de l'Eductaion de mettre fin à l'année scolaire vu les menaces d'attaques directes ou à proximité.

Climat
- Le sommet du climat COP25 se réalisera à Madrid au lieu de Santiago, mais le Chili en maintiendrait la présidence.
- Le centre du pays souffre déjà de températures de plus de 30°.

EXTRA: Le Vénézuéla derrière les incidents au Chili (Extrait)
Déclaration de Andrès Pastrana, ex-président de Colombie (FayerWayer, 31/10/2019)
Ce que nous constatons très clairement, c’est qu’il existe une stratégie de déstabilisation, ce que nous avons constaté en Équateur il ya quelques semaines et que nous continuons à observer au Chili. Ceux d’entre nous qui connaissent la région savent que ni les Équatoriens ni les Chiliens ne sont ceux qui utilisent ce type d’agression et de violence.
Le métro au Chili était son symbole, sa fierté, et qui peut penser qu’un chilien lui-même, après tant d’efforts, s’attaque au métro et pour quelque chose pour lequel ils se sont battus si durement? Il y a une stratégie là-bas: on ne peut pas penser que 19 stations sont détruites en même temps.

L'échec de l'Etat (Extraits)
Par Álvaro Ortúzar, avocat (La Tercera, 12/11/2019)
Le 17 septembre 2005, le président Ricardo Lagos signait ce qu'il appela "la Constitution démocratique du Chili", qui introduisait 54 réformes à la Charte fondamentale qui avait été publiée par Pinochet et comptait maintenant avec l'approbation du parlement.
Cependant, on veut se passer de cet avancement. Partir de zéro. L’opposition réclame un référendum immédiat en vue de l’élaboration d’une nouvelle constitution et une assemblée constituante, sans avertir les citoyens que ces mécanismes ne sont ni envisagés ni valides. C'est un premier échec de l'Etat. Le Chili fut déjà victime d'une démagogie irrationnelle dans les années 1960-1970, qui avait conduit à la plus grande crise de la démocratie. Le phénomène actuel montre des similitudes avec ce populisme.
Un autre échec de l'État est lié à l'inefficacité de l'exécutif pour assurer la sécurité des habitants par la contrainte légitime. Cela fait 22 jours et le mutisme de l’opposition est inquiétant en ce qui concerne le vandalisme et l’ordre social.
Les parlementaires sont perçus comme responsables des retards dans la résolution des problèmes rencontrés par la population, se méprennant sur les priorités exigées par le pays, alors qu'ils devraient être à l'avant-garde des changements sociaux et législatifs et pour protéger le développement économique établi par la Constitution elle-même. La violation de ces obligations est observée dans le fait que sur plus de 20 initiatives gouvernementales dans ce domaine, [à ce jour] seules deux ont été légiférées.
Enfin, devant un pays assommé par les excès, les pillages et les incendies, des groupes d'autodéfense commencent à émerger. L'inefficacité de la force publique en la matière est dangereuse face à la paix sociale nécessaire et constituerait l'échec le plus grave de l'État.

Rage déchaînée chez les carabiniers: incontrôlable et sans pilote (Extraits)
Par M.Gonzalez, journaliste (Ciper, 12/11/2019)
24 jours après le début d'une explosion sociale sans précédent, 23 morts et plus de 2 000 blessés, il ne fait aucun doute qu'au Chili les droits de l'homme sont violés. Et qui apparaissent en tant qu'exécuteurs de la plupart des actes de violence sont des efectifs policiers. Ce qui est grave, c’est qu'il ne s'agit pas d'ignorance des protocoles, comme ont insisté le gouvernement et les autorités policières.
Le directeur général des carabiniers, Mario Rozas, n'a reçu aucune remontrance du président ou du nouveau ministre de l'Intérieur. Ni le nombre de morts et de tortures, ni les violations commises, ni les blessures oculaires massives et récurrentes, qui indiquent que les troupes des Forces Spéciales tirent à bout portant et à la tête, ne l’ont déplacé de son confortable fauteuil.
Ni le président Piñera ni le sous-secrétaire à l'Intérieur, Rodrigo Ubilla, n'ignorent que le chef de la police, le général Mario Rozas, qui a assumé il y a seulement 11 mois, ne garantit pas le commandement de son institution. Ils savent que le général n'a occupé que des postes administratifs assimilés par les jeunes officiers et sous-officiers au cœur de la corruption du haut commandement [dénoncée il ya trois ans]. De ce fait, il n'est ni respecté ni obéi dans les postes de police.
Les autorités du ministère de l'Intérieur sont également conscientes qu'il est impossible pour cet officier qui est général depuis 2017 et qui manque d'une solide expérience en contrôle opérationnel, d'imposer son autorité devant les hommes des Forces Spéciales. Ces forces sont sans commandement, sans cohésion, sans directives de renseignement et sans contrôle [??]. Et corrodées par la rage.
Cette décomposition trouve son origine, entre autres, dans l’explosion de la corruption [des fraudes qui ont atteint 29.000 millions de CLP -35 millions d'€- où était impliqué le haut commandement] et de la violence qui ont brisé la structure de ses services de renseignement et son haut commandement en provoquant le départ inopiné de plus de 35 généraux au cours des deux dernières années. Les allégations d'abus, de népotisme et de corruption, commises par de hauts responsables, se sont élevées à 837, accumulées au cours des trois dernières années.
Le manque de commandement et de conduction des Carabiniers pour mettre fin à la violence persistante des troupes dans les rues, a été confirmée par la révélation faite par [le journal] La Tercera de la vidéo que le général Rozas a envoyée à ses troupes dans la nuit du dimanche 10 avril novembre. Il y disait: "Je voudrais dire que tous ceux qui sont sous enquête administrative, que tous ceux qui sont portés à l'attention du ministère public doivent savoir que nous allons prendre toutes les mesures, toutes les garanties, afin qu'ils aient la procédure et la défense appropriées auxquelles tout le monde a droit Par conséquent, j’ai déjà disposé la Direction de Justice, avec tous nos avocats, et si nécessaire en coordination avec des avocats externes, pour offrir la meilleure défense et clarifier ces vérités du point de vue juridique et du point de vue administratif. C’est la raison pour laquelle l'annonce de l’usage limité du fusil anti-émeute n’est rien d’autre que l’adaptation optimale de nos protocoles. C'est pourquoi vous allez recevoir les instructions des responsables des unités, des responsables des répartitions supérieures, dans le sens d'une meilleure action pour éviter toute situation susceptible de nous être endossée."
Quelques heures plus tard, les vidéos montrant le passage à tabac brutal de jeunes gens et de femmes et l'entrée violente dans des domiciles privés sans ordre d'un tribunal indiquaient comment la police avait compris le message.
[Note personnelle: Je pense qu'il y a ici une certaine exagération.]

L'abandon des zones périfériques de Santiago (Extraits) (BBC News, 4/11/2019)
Le week-end du 18 octobre, dans la commune de La Pintana, ses deux supermarchés ont été dévalisés. Les deux autres grossistes qui se trouvaient dans la commune, après avoir été pillés, ont été incendiés. Le même sort a connu la seule pizzeria installée là il y a seulement deux mois. La destruction de ces locaux est due en partie à l’absence de contingents militaires et policiers. "On a envoyé l'armée pour s'occuper des manifestations pacifiques et non pas dans les endroits où elle était vraiment nécessaire, et les quelques agents de police ne furent pas suffisants", a déclaré le maire.
Ce qui s'est passé ce week-end dans la commune de La Pintana s'est répété dans plusieurs autres communes périfériques comme Puente Alto, Renca, La Florida et Maipú. Elles eurent toutes quelque chose en commun: les quelques policiers destinés à contrôler les actes de violence dans ces zones étaient débordés, incapables de rétablir l'ordre public. De plus, beaucoup d'eux furent redirigés pour contrôler les attaques au métro et autres manifestations qui se sont déroulées dans le centre de Santiago, laissant ces zones complètement sans défense.
"L'inégalité au Chili a de multiples facettes et se voit aussi dans la sécurité avec laquelle l'État protège ses habitants. Dans la pratique, cela reflète un sentiment très important d'abandon", dit le maire de Renca.
Dans cette zone, les résidents vivent dans des logements sociaux en mauvais état, ils n'ont pas accès à Internet ni à des services de base tels que les notaires pour mener à bien les procédures légales. À La Pintana, par exemple, il n'y a qu'un seul bureau de banque. Sans parler de la possibilité d'avoir des cinémas ou des espaces de loisirs.
Selon l'enquête Casen, qui mesure la pauvreté, le revenu monétaire mensuel moyen d'un ménage à La Pintana est de 664.000 pesos (890 dollars), tandis que celui d'un ménage de la commune de Las Condes (l'une des plus riches du Chili) représente près de 3 millions de pesos (4.000 US$). Seuls 8% de la population communale ont obtenu un diplôme technique ou universitaire et la plupart des pensionnés ne perçoivent pas plus de 110.000 pesos (148 US$). Les enfants doivent donc normalement prendre soin de leurs parents [seniors].
Pour l'autorité, cela fait partie de la base de la rage qui a éclaté il y a deux semaines lorsque les voisins ont pillé tout ce qu'ils ont trouvé sur leur passage. Ensuite, au dehors des supermarchés, il y a plusieurs phrases en grafittis, telles que "Pourquoi vous occupez-vous des hommes d'affaire s’ils nous ont maltraités". "Les habitants de La Pintana ne se sentent pas heureux parce qu'ils n'ont rien, parce qu'ils envient ce que les autres ont", ajoute le maire de La Pintana.
Aujourd'hui, les voisins mettent en moyenne environ trois heures pour se rendre à leur travail. Ceci, car les stations de métro les plus proches ont toutes été incendiées. Le sentiment d'insécurité s'est accru. Les autorités de ces communes disent que c'est loin d'être terminé. Que la rage ne passera pas "avec quelques mesures gouvernementales" de Sebastián Piñera.

NOTE: Le "salaire minimum garanti" (376 €), une fois décomptées les cotisations pour la pension et la santé, permet à peine de payer le transport journalier au lieu de travail (à Santiago), le loyer d'une seule chambre et 1kg de pain par jour.