31/10/2020

Octobre (b)

 

Santé
- A ce jour (31/10), au total: 508.571 contagiés depuis le début, 9.176 contagiés actifs actuels, 14.158 décédés. Le taux de résultats positifs des tests PCR est en moyenne de 4%. Punta Arenas, Arica et Puerto Montt sont les communes où il y a le plus de contagiés actifs mais le nombre dans le pays avait baissé lentement pour remonter un peu (effet des élections?) et on commence à avoir peur d'une 2e vague.
Statistiques dynamiques ici.
- Le ministère de la Santé a défini de nouvelles normes pour l'utilisation des plages et des piscines cet été.

Politique et administration
- L'approbation de la gestion du président Piñera est retombée à 16%.
- Referendum: 78% d'approbation pour la rédaction d'une nouvelle constitution mais seulement 50% des électeurs sont allés voter (mais c'est la plus haute participation depuis que le vote est volontaire). Seulement dans 3 communes (riches) de Santiago a gagné le refus. Un tiers de ceux qui s'identifient avec la droite et 44% de ceux qui avaient voté pour Piñera ont voté "J'approuve". La quantité de gens dans les locaux de vote étant limitée pour raisons sanitaires, de grandes aglomérationns se sont produites au dehors (photo ici).
Nombreuses manifestations massives de joie dans la soirée. Quelques incidents isolés ont mené à l'arrestation de 62 personnes. Les principales raisons pour l'approbation: l'inclusion des droits sociaux (pensions, éducation et santé). En avril aura lieu l'élection des 155 membres de la convention chargée de la rédaction, dont 50% devront être des femmes et le parlement propose 24 sièges de plus pour les "peuples originaires" (18% des habitants). Le système d'Hondt sera appliqué.
- Le Parti Communiste a annoncé qu'il intensifiera les manifestations de protestation.
- A peine passé le referendum a commencé la course de candidats à l'élection présidentielle de fin 2021.

Economie
- Un nouveau programe de subsides aux PME a été annoncé (3 millions de CLP, soit 3.200 €)
- Dans les iles du sud du pays, les hommes-grenouilles pêchent des fruits de mer et les vendent sur place à 60 CLP le kg; à Santiago, ils coûtent 1000 CLP le kg!
- Selon Bloomberg, les investisseurs auraient peur que la rédaction de la constitution élimine les lois "pro-marché". La Bourse est tombée de 2,68% le lendemain du referendum.
- La moitié des travailleurs gagne 400.000 CLP ou moins (480€).
- Le parlement discute une nouvelle autorisation de retirer encore 10% des fonds de pensions, mais le problème est que les moins nantis ont déjà épuisé leurs épargnes avec le premier retrait et que ce seraient donc les classes moyennes et les plus riches qui se bénéficieraient. Mais le gouvernement n'est plus en condition d'offrir aucun nouvel apport à la place de cela.
- Plus de 800.000 clients sont en retard de paiement des services de gas et électricité.

Sécurité et justice
- Araucanie: Les mêmes faits ont continué à se produire; même une école a été incendiée. Un carabinier a été assassiné avec balle de guerre.
- Une bande, avec 10 personnes identifiées, qui a attaqué des dizaines de fois un même commissariat de Santiago à coups de feu et cocktails molotov a été arrêtée.
- 18/10: Anniversaire de l'explosion sociale: de nouvelles manifestations ont eu lieu (25.000 personnes au centre de Santiago), toujours suivies d'actes de vandalisme (atribués à des groupes anarchistes). 2 églises incendiées à Santiago (sans intervention de la police!) L'analyse postérieure des images a démontré que ce fut une action planifiée. 6 commissariats attaqués à coups de feu et cocktails molotov; 5 supermarchés et 5 autres magasins mis à sac. Plus de 700 arrestations. Un mort.
- Sept bus ont été incendiés à Santiago durant la première quinzaine de ce mois.
- Les nanifestations suivies de bagarres avec la police ont repris les vendredi. Selon un maire communiste, c'est le gouvernement qui "infiltre le mouvement et pousse à ataquer les casrabiniers"!
- 90.000 doses de cocaïne ont été saisies par la police civile.

Education
- La moitié des parents demandent que les enfants ne retournent aux écoles qu'une fois vaccinés. Seulement 10% les y enverraient dès leur ouverture (que quelques communes demandent déjà).

EXTRA: Quatre clés pour comprende ce qui est en jeu avec le changement de constitution (Extraits)
(BBC, 25/10/2020; actualisé en fonction des résultats)
Pour la première fois dans l'histoire du Chili, on a demandé ce dimanche aux citoyens s'ils approuvaient ou rejetaient la rédaction d'une nouvelle Constitution. Le résultat a été écrasant: 78% de la population a voté pour le changement. Ce sera aussi la première fois depuis 1833 que la Constitution est rédigée par une convention citoyenne élue au suffrage populaire.
Qu'est-ce qui est en jeu, au-delà du «approuvé» et du type de convention qui la rédigera?
1. Générer une Constitution "sans traumatisme" (libre du défaut de sa génération sous Pinochet). Pour cela, il était nécessaire que l'une des deux options l'emporte à une majorité suffisamment large [ce qui s'est produit].
2. Récupérer la légitimité de la politique, car le plébiscite est apparu comme une réponse à la mobilisation sociale, "symptôme de la crise de représentation du système politique". Selon Vicky Murillo, directrice de l'Institut d'études latino-américaines de l'Université de Columbia à New York, il est important "d'assurer l'entrée de nouveaux acteurs en tant qu'agents de représentation citoyenne et, en même temps, que les anciens et les nouveaux représentants garantissent leur attention aux citoyens même lorsqu'ils ne crient pas dans la rue" [Ce ne sera pas facile car les conditions pour l'inscription de candidats indépendants leur sont extrêmement défavorables!]
3. Changer les règles du jeu sur la répartition du pouvoir et des biens publics précieux pour l'existence de toute la société. Non seulement les droits civils, les libertés, mais aussi les droits sociaux, comme l'eau, le logement, l'éducation.
4. Créer un processus constitutif unique en Amérique Latine marque un différence avec les autres expériences latino-américaines. Plusieurs processus latino-américains ont été marqués par l'existence de forces politiques très prépondérantes, où prévaut une majorité. Cela ne se produit pas au Chili parce que les forces sont fragmentées. [Ce qui n'est pourtant pas sûr: la gauche fait des efforts pour se regrouper et tenter d'avoir les 2/3 qui lui assureraient d'imposer ses vues.]
 

14/10/2020

Octobre (a)

 

Santé
- A ce jour (14/10), au total: 485.372 contagiés,  13.884 contagiés actifs actuels, 13.415 décédés. Le taux de résultats positifs est en moyenne de 4%, mais avec des communes à taux beaucoup plus haut, dans l'extrême nord (à cause de l'émigration illégale) et l'extrême sud (Punta-Arenas, où on ne respecte pas les restrictions et une autre variante -rare- du virus semble être présente; 47 patients graves ont dû être transportés à des hôpitaux d'autres régions), ce qui les oblige à maintenir le confinement.
Statistiques dynamiques: https://www.biobiochile.cl/mapacoronavirus/
- Il y a de grandes difficultés pour le dépistage: les nouveaux contagiés se résistent à dénoncer leurs contacts récents, pour éviter qu'ils soient mis en quarantaine.
- Dans quelques jours devraient arriver les vaccins chinois destinés aux tests qui seront conduits par l'Université Catholique. Les résultats sont prévus pour janvier et un accord a été fait avec le laboratoire pour l'achat de 20 millions de vaccins si les résultats sont favorables.

Politique et administration
- L'aprobation du président Piñera est de 24% (la plus haute depuis juin).
- 63% promettent voter au plebiscite sur la redaction d'une nnouvelle constitution.

Economie
- L'activité économique est tombée de 11,3% en août. La dette publique est de 38,2% du PIB.
- La crise économique a obligé l'importante institution philanthropique jésuite "Foyer du Christ" à suprimer 28 de ses programmes et remercier 450 travailleurs.
- Selon la Banque Centrale, le niveau des dettes des familles a monté à 76,4% des rentrées.

Sécurité et justice
- Araucanie: Les mêmes faits ont continué à se produire, avec augmentation de la violence (assassinat inclu). Seulement 3 personnes, portant armes, munitions et drogue, y ont été arrêtées. Les victimes continuent à se plaindre de "l'abandon du gouvernement" et de l'inaction de la police. Mais il y a eu descente de police dans une communauté indigène, où armes et drogues ont été trouvées (Selon la communauté ce fut "un montage"). Des coups de feu ont été tirés contre un commissariat proche, peut-être en représailles, et un carabinier y fut blessé.
- Les manifestations -de centaines de personnes alors que le maximum autorisé est de 50- avec graves incidents (destruction de biens publics et bus incendiés) ont repris à la fameuse "place d'Italie". Le président du Parti Communiste a refusé de condamner la violence car ce serait "demander qu'on ne sorte pas se manfester" . 70% des chiliens croient que les protestations continueront avec autant ou plus de force.
- Au premier semestre 2020, les homicides furent 1.356, une augmentation de 43% en relation à la même période de 2019, selon le Ministère Public.
- En 3 ans, la saisie de cannabis colombienne ("Creepy") s'est multipliée par 700, la police découvrant aussi 15 laboratoires clandestins de fabrication de drogues synthétiques comme l'extasis.
- Le Service des Taxes a détecté que 437.703 personnes ont obtenu l'allocation spéciale pour la classe moyenne de manière frauduleuse (en falsifiant l'information sur leurs rémunérations). Elle devront rembourser et payer amande. 37.000 fonctionnaires publics ont aussi demandé l'allocation spéciale pour chômeurs alors qu'ils sont restés à leuir travail!
- Après 7 ans d'enquête sur le financement illégal de la politique lors de l'élection antérieure il y a enfin 23 condamnés.
- Au cours d'une manifestation, un jeune carabinier a lancé un jeune de 16 ans dans la rivière qui traverse Santiago. Il a été formalisé, accusé de tentative d'assassinat. Ce cas a causé à nouveau la demande de démission du général-directeur (voir commentaire en "Extra") et une accusation du ministre de l'Intérieur au parlement, ce qui pourrait conduire à sa destitution (considérant aussi son inaction en Araucanie).
- Le président Piñera a annoncé la formation d'une commission spéciale qui proposera una réforme de la police dans 3 mois.

Transports et Communications
- Toutes les stations du métro sont enfin ouvertes, après les réparations rendues nécesssaires par les destructions de l'explosion sociale d'octobre passé. Elles auront une protection spéciale le prochain 18 octobre, aniversaire des incidents, car on craint de nouvelles attaques.

Education
- 71.000 élèves ont abandonné les classes à distance. Le ministère de l'Éducation fait des plans pour les récupérer. Dans bien des cas, les parents n'avaient plus les moyens de payer la connection à internet.

Science et environnement
- Un arbre endémique d'Araucanie offre des éléments utilisés dans le vaccin préparé par Novavax: le quillay. Son écorce est utilisée depuis longtemps ici pour se laver les cheveux ou du linge ou, dans les tiroirs, pour protéger la laine. En fait, on lui a découvert 50 types différents de saponines et Novavax utilise les SQ7 et SQ21, qui sont extraites par une entreprise locale, car elles démultiplient les antigènes.

EXTRA: Violence et répression au Chili: une nouvelle police est-elle nécessaire? (Extraits)  (Deutsche Welle, 5/10/2020)
Après les manifestations massives qui ont eu lieu dans l'après-midi du vendredi 2 octobre, sur la place Baquedano de Santiago ["place d'Italie"], les Carabiniers ont déployé leurs voitures de jet d'eau pour disperser la foule. Lorsqu'un grand nombre de manifestants ont traversé le pont Pío Nono, la vidéo montre un policier qui pousse un garçon de 16 ans, qui tombe à sept mètres dans les eaux de la rivière Mapocho.
D'autres jeunes sont descendus dans le lit de la rivière pour en sortir le blessé et l'empêcher de se noyer, vu de désintérêt apparent de la police. Les images ont provoqué stupeur et consternation, car elles revivent divers traumatismes, comme ceux de la répression violente des manifestations après l'explosion sociale d'octobre 2019.
[Diverses déclarations, en partie contradictoires, des autorités policières ont eu lieu par après.]
A présent, les réactions politiques s'accumulent. L'opposition a exigé le départ immédiat du directeur général des Carabiniers, Mario Rozas. La sénatrice démocrate-chrétienne Ximena Rincón a déclaré que les ressources pour la police en uniforme ne seront pas approuvées dans le budget 2021 tant que ce qui s'est passé ne sera pas clarifié. Même la députée Ximena Ossandón, du parti de centre-droit Rénovation Nationale, a déclaré qu '"il y a des choses qui vont au-delà des positions politiques, et ce qui est arrivé à cet enfant doit être condamné".
Le Gouvernement, pour sa part, a évoqué la question le lendemain après-midi avec une brève déclaration condamnant toutes sortes de violences.
Mario Álvarez, docteur en communication politique et professeur de l'Université Alberto Hurtado, estime que ce qui s'est passé aura des effets sur le plan social. «Après tous les mois de pandémie, cela ravive la flambée sociale dans le discours public. Ce qui avait été suspendu en mars revient avec force et colère, et revient aussi au niveau de la sensation, avec l'indignation contre les Carabiniers, cette même institution avec laquelle nous avons vécu pendant la pandémie en acceptant qu’ils nous donne les sauf-conduits». Pour l'expert, cette relation renouvelée est en danger «car le cas de ce jeune homme ravive la flamme de la douleur et de la colère face à l'impunité avec laquelle agit cette police».
Jorge Saavedra, professeur du Département de sociologie de l'Université de Cambridge, partage une idée exprimée par différents acteurs politiques: une restructuration profonde de la police militarisée est nécessaire. "Un épuisement du modèle de la police chilienne a été révélé, qui dans chaque situation de protestation sociale ou de mécontentement réagit par une violence brutale." En tous cas, il est peu probable que cela se produise de si tôt. Le gouvernement a récemment acquis de nouvelles machines pour les carabiniers, dont l'objectif principal est la répression, comme les voitures à jet d'eau, pour un coût de plus de huit millions de dollars. "Le gouvernement actuel, et la droite chilienne en général, ne va pas faire de changement majeur dans Carabiniers".
Mario Álvarez voit les choses de la même manière. "Ce président s'est risqué pour défendre les Carabiniers et, d'après ce que l'on peut voir, les Carabiniers se sont risqués pour défendre ce président. Piñera s'améliorait dans les sondages et ce problème lui impose désormais un fardeau qu'il doit assumer à nouveau pour défendre la police. Après l'abandon qu'il a subi de la part des forces armées, qui lui ont dit qu'elles n'étaient pas en guerre avec les citoyens, Carabiniers est ce qui lui reste pour réprimer. Il est peu probable que Piñera laisse tomber l'institution." Jorge Saavedra, quant à lui, pense que ce qui s'est passé va réactiver les troubles sociaux.

Le Chili et sa Constitution: le modèle néolibéral «contre les cordes» (Extraits)  (Deutsche Welle, 13/10/2020)
De nombreuses réformes ont été apportées à la Constitution de Pinochet. Mais ils n'ont pas mis fin aux problèmes qui ont déclenché les manifestations. Le Chili optera-t-il pour l'élaboration d'une nouvelle Charte fondamentale?
Un an après l'explosion sociale qui a fait éclater la bulle de la complaisance au Chili avec ses avancées au cours des dernières décennies, révélant cruellement une réalité sociale grossière et effervescente, le plébiscite sur la rédaction d'une nouvelle Constitution semble ouvrir une sortie de la crise.
Une quarantaine de réformes de la Charte fondamentale ont été menées [depuis sa promulgation]. Elles ont terminé, par exemple, avec des éléments comme la figure des sénateurs désignés [par l'exécutif] ou le système électoral binominal, mais elles ne remirent pas en cause un modèle articulé sur la base de postulats néolibéraux que les gouvernements de centre-gauche n'ont pas non plus remis en question.
Ce modèle est-il déjà mort ou survivra-t'il, mais il est clairement sur les cordes, dans le sens où les gens veulent des niveaux d'égalité plus élevés, et ce modèle, tel qu'il a été mis en œuvre au Chili, n'a pas été en mesure de produire rapidement cette diminution des inégalités que les gens attendaient.
Patricio Navia, sociologue et politologue chilien, professeur à l'Université de New York et à l'Université Diego Portales de Santiago, estime que les réformes sont nécessaires, mais soutient l'option de rejeter la rédaction d'une nouvelle Constitution, estimant que «cette idée de commencer par une page blanche est quelque peu dangereuse et inutile».
Selon Navia, les citoyens confondent la Constitution avec le chapitre sur les droits que les Chartes fondamentales contiennent généralement. «Les gens espèrent que la nouvelle Constitution améliorera leurs droits sociaux; ils associent la nouvelle Constitution à de meilleures retraites, une meilleure protection du système de santé, une meilleure qualité de l'éducation, moins d'abus, plus de droits des consommateurs», mais il souligne que ces droits dépendent dans une large mesure du développement économique: «Les gens du Chili croient à tort qu'en inscrivant des droits dans la Constitution, ces droits vont devenir réalité.»
Le problème est que la Constitution chilienne actuelle place les droits des particuliers, des acteurs économiques privés, au-dessus de l'intérêt public. Qu'elle a fait une protection totale de ces intérêts privés, d'accord avec les paramètres fondamentaux qui régissaient le Chili à l'époque de sa rédaction.
"Il me semble qu'il va y avoir une grande déception pour les gens qui espèrent très fortement que la nouvelle Constitution améliorera leurs pensions, alors qu'en réalité elle générera beaucoup d'incertitude pour les prochaines années, ce qui aura malheureusement un impact négatif sur la croissance économique", ajoute Navia. Et ette déception pourrait se transformer en plus de protestations, ou elle pourrait être canalisée vers l'élection de dirigeants autoritaires, comme cela s'est produit au Brésil.