16/07/2012

Juillet (a)

Photo de la quinzaine:
Pont Loreto











2-07-2012 - La banque "Banco de Chile" (privée) a envoyé par erreur à un grand nombre de clients l'état de compte mensuel d'un autre client. La Superintendence des Banques lui a imposé une amende de 40 millions de CLP (environ 57.000€). On discute si cette erreur informatique signifie ou non une vulnération du secret bancaire.
9-07-2012 - Les chiens abandonnés ne sont pas seulement un grand problème dans les villes. Les gardes de divers parcs nationaux dénoncent qu'ils y sont aussi nombreux et attaquent la faune native la mettant en certains cas en sérieux péril. La loi actuelle, malheureusement, ne leur permet pas d'intervenir et la "protection des animaux" y termine ainsi avec l'effet contraire.
10-07-2012 - Il n'y a ici actuellement que 70 médecins gériatres pour tout le pays, soit un pour 60.000 seniors, alors qu'il en faudrait un pour 5.000. Le temps de formation de ces spécialistes est ici de 12 ans, car il leur faut d'abord obtenir le titre de médecin-chirurgien (7 ans), puis d'interniste (3 ans) et enfin de gériatre (2 ans de plus!). La Comission de Certification étudie avec les Facultés de médecine la possibilité de supprimer l'exigence de la spécialité de médecine interne avant celle de gériatrie, combinant les études, afin d'obtenir plus rapidement les médecins qui manquent.
- La contamination atmosphérique de Santiago ha diminué de 60% en deux décades. Ainsi (bien que nous nous plaignons encore), les politiques de décontamination de Santiago sont considérées un exemple pour la région.
- La 2° vague de grand froid de cette année a porté à 16 le nombre de morts par hypothermie, des vagabonds qui refusaient de se rendre aux auberges spéciales pour eux.
15-07-2012 - Dans l'OCDE, le Chili est le 2° pays avec le moins de lits d'hôpital: 2,4 par mil habitants (contre 6,6 en France et 6,5 en Belgique). 74% des gens dépendent ici de la prévision de santé publique et 16,5% de systèmes privés (nettement plus chers).
- Des 31.000 rues de la Région Métropolitaine, 11.000 n'ont aucune plaque indiquant leur nom et seuls leurs habitants le connaissent.
- 80% des communes de Santiago ont les plus mauvais indices de qualité de vie du pays (manque de zones vertes, problèmes de transport, insécurité, etc.)
- Il y a dans le pays 370.000 étrangers, dont environ la moitié sont péruviens. 65% résident dans la Région Métropolitaine (Santiago et environs).


Supplément

Pourquoi tant de différence entre les États-Unis et les pays latinoaméricains?

(Extrait d'un commentaire du sociologue chilien Eugenio Tironi, qui applique des idées du livre "Why Nations Fail: The Origins of Power, Prosperity, and Poverty" de Daron Acemoglu et James Robinson)

La thèse, dans ce livre, est que les pays qui ont du succès ont des institutions solides et "inclusives" -comme les États-Unis- alors que ceux qui "ratent" -comme les latinoaméricains- en manquent. Pourquoi les pays latinoaméricains ont-ils une situation si différente?
Acemoglu et Robinson font valoir que les Britanniques qui sont venus en Amérique, comme les espagnols et les portugais, ne prétendaient pas travailler eux-mêmes, comme ils le faisaient en Europe, sinon que d'autres le fassent pour eux. Ces derniers y ont réussi. Ils ont trouvé une haute densité de population indigène qui avait, en outre, des cultures centralisées et hiérarchisées. Ceci a facilité la tâche de les maîtriser par le biais de tromper et de co-opter leurs dirigeants (et puis souvent de les tuer) et prendre le contrôle des impôts et des méthodes d'utilisation du travail forcé qui existait déjà. L'Eglise catholique et le ministère public ont eu la tâche d'évangéliser la population indigène, mais son bénéfice a été trouvé avec la possibilité de l'utiliser comme une main-d'œuvre, car il y en avait en abondance et toute prête à être encadrée et disciplinée. Ainsi, le stimulus était au moins aussi important que la religion pour exploiter les indigènes plutôt que de les exterminer.
Les Britanniques sont arrivés en Amérique près d'un siècle plus tard. Et ils ne pas arrivés entraînés par le culte du travail qui est attribué à «l'esprit protestant». Leur modèle de colonisation était le même que l'espagnol et le portugais: capturer les chefs indigènes pour que leurs sujets travaillent pour eux en échange de nourriture et de sécurité. Mais cela ne marchait pas. Les colonies britanniques étaient peu peuplées, avec des cultures autochtones et indigènes qui ne disposaient pas d'un contrôle politique centralisé, ce qui les rendait inaptes à soutenir le travail en vertu de la discipline et inutile comme force de travail. "Le modèle de la colonisation qui avait si bien travaillé pour Cortès et Pizarro, disent les auteurs, ne pouvait tout simplement pas travailler en Amérique du Nord."
Que durent faire les colons britanniques pour survivre? Un enfer: travailler eux-mêmes! Sinon tous, au moins certains d'entre eux, à cause de l'élite coloniale. Pour cette raison, leur politique de colonisation visait à rassembler des gens de l'Europe qui pourraient travailler, pas des soldats ou des aventuriers qui voulaient se "faire l'Amérique" en exploitant les indigènes. Les britanniques qui travaillaient pour d'autres britanniques exigèrent des primes et des conditions d'équité, comme dans leur pays natal, l'Europe. Cela a donné lieu à cette société de type égalitaire gouvernée par des institutions que les auteurs mettent en exemple: les Etats-Unis. Dans l'Amérique Ibérique, au contraire, l'exploitation de la population indigène a créé un type de société très inégalitaire et aristocratique, dont l'ombre se projette encore aujourd'hui.
Si les latino-américains sont des «États défaillants», ce n'est pas parce qu'ils ont été colonisés par les catholiques espagnols et non par les britanniques protestants, comme on dit souvent avec une certaine frustration, mais parce qu'il y avait des cultures autochtones avec lesquelles le colon a dû vivre. Cela nous a laissé en héritage des institutions fragiles, mais aussi une culture de métissage que l'Amérique du Nord n'a pas eu. Acemoglu et Robinson ne le mentionnent pas, mais ce n'est pas peu de chose.
(Original publié dans "El Mercurio", mardi 3 juillet 2012 sous le titre "Ce n'est pas peu de chose")