31/12/2019

Décembre (b)

Politique
- Selon la police, en décembre il y a eu une baisse de 89% d'assistance à des manifestations en relation à novembre et de 97% en relation à octobre.
- Un peu plus de 2,4 millions de chiliens ont participé à une "consultation civique" organisée par 225 communes (de 350) au sujet de la possible nouvelle constitution, des priorités pour celle-ci et, dans quelques cas, au sujet de projets communaux. Dans plusieurs communes, les habitants pouvaient voter à partir de 14 ans et, dans quelques unes aussi, le vote pouvait être émis par internet mais avec difficulté car les serveurs étaient noyés par les accès et une même personne pouvait voter plusieurs fois. Plus de 80% désirent une nouvelle constitution mais celle-ci n'est pas la première prioririté des demandes: elle passe après un meilleur service de santé, de meilleures pensions, plus de sécurité et une meilleure éducation publique.
- L'approbation du cabinet de ministres est actuellement de 15% et la réprobation de 78%, comme aussi de 80% de réprobation pour la conduction de Piñera, pour 13% d'approbation.
- Le Parti Communiste veut commencer une enquête sur un supposé transfert de fonds du président Piñera aux Îles Vierges. Le gouvernement a rappelé que le président a déclaré tous ses biens avant d'assumer, qu'il en a transféré la gestion et qu'aucun mouvement n'a été fait depuis. Le PC a clairement exprimé qu'il cherche la destitution du président par tous les moyens possible. Il s'est aussi opposé à l'"accord de paix" entre la droite et la gauche modérée autour des mécanismes pour générer la nouvelle constitution et a même voté contre la loi sur le plebiscite qui ouvrira le chemin vers la rédaction d'une nouvelle constitution
- Le Front Ample s'est divisé: les uns se sont approchés de la gauche modérée, cherchant des accords, les autres faisant cause commune avec le PC pour rejetter les accords entre cette gauche et la droite.
- Le parlement a approuvé la loi qui habilite le processus d'élaboration de la nouvelle constitution, partant par un plebiscite le 26 avril, qui demandera si l'on est d'accord ou non avec ce changement, et la loi a été promulguée par le président. Lors de la promulgation, il a mentionné quelques concepts qui devraient être inclus dans la constitution, ce qui a été critiqué par l'opposition.
- Depuis le 18 octobre (début de la crise), 116 projets de lois ont été envoyés au parlement (et certains disent encore que le gouvernement n'a rien fait).
- Le gouvernement a engagé une agence de publicité pour faire une campagne de communication tendant à "apaiser le pays".
- Des médias étrangers ont dit que le président Piñera avait inculpé des institutions et gouvernements étrangers d'avoir influencé l'explosion sociale, mais il a seulement mentionné qu'il avait observé sur les réseaux sociaux des vidéos et messages provocateurs provenant de l'étranger, mais a dû préciser cela après une déclaration un peu confuse.
De fait, selon une étude reçue par le gouvernement, entre le 18 octobre et le 21 novembre, il y a eu sur les réseaux sociaux 60 millions de commentaires, de la part de 5 millions d'auteurs, au sujet de la crise sociale et la politique locale. 19% provenaient d'hors du pays, entr'autres de Russie, Vénézuéla et Argentine, qui appuyaient les manifestations, mais aussi d'autres critiquant les partis de gauche. Mais le groupe le plus grand a été celui des jeunes chiliens, qui ont surtout questionné le gouvernement pour la violence contre les manifestants.

Sécurité
- La police civile a identifié 14 nouveaux impliqués dans les incendies du métro en octobre passé. Elle accumule aussi de plus en plus d'indices d'intervention d'étrangers.
- La fiscalie de Santiago enregistre 1.000 enquêtes pour atteinte aux droits humains depuis le début de l'explosion sociale.

Economie
- Seulement 54% des acheteurs des supermarchés ont repris leurs habitudes d'avant la crise. Dans les centres commerciaux, les visites ont baissé de 35%.
- Les 3 grandes chaînes de pharmacies qui dominent le marché national ont été condamnées à payer une amende de 5 millions de dollars et une compensation de 2.000 millions de CLP (2,35 M d'€) aux clients pour un accord illégal d'augmentation de prix de 206 médicaments en 2007-2008. [On ne voit pas comment cette compensation pourrait être payée.] Les 4 principaux producteurs de saumons ont aussi été accusés de fixation commune de prix entre 2003 et 2015.
- 143.000 emplois ont été perdus depuis le 18 octobre.
- Des suites de la crise sociale et mise à sac de ses locaux, une chaîne de magasins de ligne blanche a fait faillite.
- La dette publique a atteint 27,3% du PIB.
- La rentabilité des fonds de pension serait cette année la meilleure de la décade, des suites de la hausse du dollar et le bon rendement des investissements à l'extérieur. 94% des chiliens considèrent nécessaire une réforme du système.
- La bourse de Santiago a reculé de 8,5% en 2019.

Science et environnement
- On a découvert ici des restes d'occupation humaine d'il y a 7.000 ans.
- Les incendies de forêt, intentionnels, se sont multipliés près de Valparaiso et en région métropolitaine. Un incendie de forêt provoqué a affecté 253 maisons dans des colines de Valparaiso. Dans le pays, il y a déjà 18.000 ha de bois détruits.

Climat
- La température a monté jusqu'à 37° dans plusieurs communes de la région métropolitaine et 35° dans la région centrale.
- Les barrages ont 20% de moins de contenu.

Bonne Année 2020!

14/12/2019

Décembre (a)

Politique
- Le président Piñera n'a que 13% d'appui aux enquêtes (Il a récupéré 3% à la fin novembre). 82% réprouvent sa gestion. 79% croient que le pays "va par mal chemin".
- 41% des citoyens disent avoir participé aux manifestations et l'appui aux manifestations a baissé de 67 à 59%. 67% des gens ont vu affectée leur routine et 58% ont dû adapter leur journée de travail. 72% demandent une "main dure" pour les violentistes. 27% sont d'accord avec des barricades sur les routes ou avenues. 49% croient qu'il faudra des mois pour revenir à la normalité et 38% que ce sera très difficile.
- Après la chambre, le sénat a approuvé le projet de loi qui augmente de 50% les pensions solidaires (pensions de l'Etat pour les seniors qui n'ont pas cotisé), inmédiatement pour les plus de 80 ans et par fractions, d'ici 2022, pour les autres.
- Le président Piñera a annoncé une série de projets "anti-abus", qui augmentera les peines pour les délits de collusion et la protection des consommateurs et des travailleurs.
- Le sénat a approuvé par majorité de 23 votes contre 18 l'accusation constitutionnelle contre l'ex-ministre de l'Intérieur, pour avoir ommis d'empêcher les infractions aux droits humains de la part de la police. En conséquence, il lui sera interdit d'occuper une fonction publique pendant 5 ans. L'ex-ministre considère cette accusation "infondée, injuste et politisée". Le président Piñera a courru le même risque (et la destitution), une accusation semblable ayant été présentée contre lui à la chambre mais n'a pas eu assez d'appui.

Sécurité
- La Banque Interaméricaine de Développement (BID) a donné un prêt de 48 millions de dollars pour un "Programme de Renforcement de la Gestion Stratégique de la Sécurité Publique", d'un coût estimé de 96 millions, auquel participeront le ministère de l'Intérieur, les carabiniers et la police civile.
- Les forces armées ont représenté à l'exécutif qu'elles ne sont pas préparées pour intervenir dans la protection de l'ordre interne.
- 1.753 nouveaux policiers sont sortis de l'école des carabiniers.
- La police civile a saisi 204 véhicules de pilleurs.
- La Garde Civile espagnole et la police fédérale d'Allemagne conseillent ici la police en matière de contrôle de multitudes et d'armes non-létales plus modernes et moins dangereuses que les utilisées jusqu'ici.
- Au sein des carabiniers, près de 400 enquêtes internes sont réalisées pour violations des droits humains. Le gouvernement a installé un conseil pour définir endéans 50 jours une réforme de cette police uniformée. Leur général-directeur a mis à la pension le chef des Forces Spéciales (qui répriment les troubles) et 3 autres généraux pour leur responsabilité, sanctionnant aussi plusieurs subalternes pour abus de force et blessures causées.
- La chambre a approuvé avec grande majorité le projet de loi qui augmente les peines pour les pillages et désordres violents, avec l'opposition du parti communiste et de membres du Front Ample car, selon eux, "cela criminalise la protestation sociale". Le sénat a reformulé complètement le projet, y trouvant de multiples erreurs.
- Des experts du Collège des Médecins ont dénoncé maintenant que l'eau lancée par les carabiniers lors de manifestations violentes brûle la peau à cause d'un contenu chimique. Le ministre de la Santé a demandé des explications aux carabiniers et une cour d'Appel en a interdit l'usage.
- Le Pouvoir Judiciaire devra investir 3.000 millions de CLP (350.000€) pour réparer les dommages causés à ses installations durant les troubles.

Economie
- Le président Piñera a promis un bon d'une moyenne de 100.000 CLP (120 €) pour 1,3 million de familles.
- On estime que 63% des gens diminueront leurs dépenses de Noël.
- 81% considèrent mauvaise la situation de l'emploi et 61% qu'est mauvaise la situation économique des consommateurs.
- Le gouvernement a lancé un plan de réactivation économique de 5.500 millions de dollars.
- 100.000 emplois ont été perdus à cause des troubles. Le gouvernement espère les récupérer l'an prochain, mais plus de la moitié des entreprises annoncent encore une réduction de personnel en 2020.
- L'activité économique d'octobre a diminué de 3,4%. Novembre serait aussi négatif. Les investissements publicitaires ont diminué de 31% en octobre. La crise économique actuelle serait la plus grave depuis 2009 (caso international "subprime").
- Les commerces détruits sont remplacés par des foules de marchands ambulants illégaux, qui ont profité pour un temps de ce que la police était occupée à autre chose. Beaucoup de produits offerts sont ceux qui ont été volés lors des pillages.
- Selon les projections de la Banque centrale, l'an prochain le pays retrouverait le niveau d'inégalité sociale (GINI) de 1990.
- La vente de nouveaux véhicules a baissé de 28% en novembre.

Science et environnement
- Le Chili est le 11e pays qui agit le mieux face au changement climatique. (La France est 18e et la Belgique 35e.)
- COP25: Le Chili a pris l'engagement de se baser sur 70% d'énergies renouvelables d'ici 2030.

Santé
- Suite aux troubles, 10.000 opérations chirurgicales ont été remises à plus tard dans le système public, ainsi que 30.000 consultations de spécialistes (où l'attente peut maintenant atteindre plus d'un an!).
- A partir d'avril 2020, hommes et femmes payeront les mêmes tarifs pour les assurances privées de santé. (Actuellement, c'est beaucoup plus cher pour les femmes, en considération des possibilités d'enfantement.)

Transports et Communications
- La télévision est le média le moins bien évalué pour l'information sur les manifestations et troubles d'octobre-novembre (note 3/7), la radio ayant la meilleure évaluation (4,7/7). 32% des gens ont cru à des fausses nouvelles.
- Une étude de l'Université Catholique de Santiago a montré que les jeunes entre 18 et 24 ans ont été les plus disposés à croire aux fausses nouvelles durant la période de troubles. En novembre, 86% des gens qui désiraient que les manifestations continuent l'informaient par les réseaux sociaux.
- 107 des 136 stations du métro sont maintenent en opération.
- Un avion C-130 de la Force Aérienne, avec 38 personnes a bord, a disparu en vol à mi-chemin entre Punta-Arenas et l'Antartique sans lancer aucun signal d'alerte. Des restes ont été trouvés en mer. Il semblerait qu'il ait explosé en vol et il y a une piste qui signale une faille électrique.


EXTRA: Comment a changé la vie des chiliens (Extraits)
(La Tercera, 7/12/2019)
Temps de trajet plus longs dans les transports publics, réapprentissage des conducteurs de véhicules privés en raison de la destruction des sémaphores et de la signalisation, et changements dans la façon dont des milliers de personnes se récréent après leur journée de travail ou leurs études. Ce ne sont que quelques-uns des virages auxquels les habitants des quartiers, des communes, des villes et des cités ont dû faire face, tout au long des jours de l'explosion sociale.
Le manque de conducteurs a un impact sur la fréquence des bus, surtout après 20 heures, car ils craignent pour leur sécurité.
L'augmentation de la consommation de tranquillisants et d'antidépresseurs est l'une des préoccupations des autorités liées au domaine de la santé. Le nombre de personnes qui ingèrent ce type de médicaments a augmenté d'environ 30%, selon le ministère de la Santé. Les permis médicaux associés aux troubles mentaux ont augmenté de 22% depuis le 21 octobre 2019, en comparant le même nombre de jours des semaines précédentes.
Pour janvier et février, il y a un niveau de réservation de 33,8% parmi les hébergements touristiques de Valparaíso et Viña del Mar. A Iquique, les petits hôtels enregistrent une baisse de près de 80% de leur activité et, dans le cas des grands, elle avoisine les 50%.
La crise a fortement impacté la vie nocturne. En raison de problèmes de transport et d'un sentiment d'insécurité, les gens sortent moins. Cela a fortement impacté le nombre de clients dans les locaux [bars et restaurants]. Il y a une baisse du commerce proche de 70% dans certains quartiers. Il est beaucoup plus sûr de se retrouver entre amis dans une maison que dans un local. La situation est critique pour le commerce de détail et menace la viabilité de nombreux petits magasins.
Les dommages causés aux espaces publics, tels que les places et les parcs, font partie des effets secondaires des manifestations et marches enregistrées depuis le 18 octobre. Seulement dans la commune de Santiago, selon les chiffres de la municipalité, plus de 270 espèces végétales, comme les arbres, les fleurs et les arbustes, ont été endommagées ou détruites et plus de 700 mètres carrés d'herbe ont disparu. Quatre parcs et trois places ont été vandalisés au cours de ces 50 jours de mobilisations. Dans la commune de Providencia, où se trouve la Place d'Italie, l'épicentre des mobilisations, environ un camion quotidien avec 7.000 kilos de gravats est enlevé. La réparation de ces espaces à l'échelle nationale a conduit le ministère du Logement à financer 44 projets, situés dans 29 communes, dans sept régions, allouant environ 3.600 millions de CLP (4,5 millions d'€) à ces fins.
Note: Le Chili est cependant leader en Amérique Latine en matière de "développement humain" (et n°42 sur l'indice mondial).

Le "classisme" des familles chiliennes (Extraits)
Par (El Observador, 8/12/2019)
La société chiliennes est classiste en 2019 parce que les chiliens sont très clairs sur la façon dont le niveau socioéconomique d'un groupe de personnes est déterminé, comment ils sont placés dans cette classification et ce que cela implique. De plus, il est consanguin, il fonctionne comme des castes, en particulier à des niveaux moyens-élevés, qui sont prêts à emprunter ce qui est nécessaire pour que le système ne les expulse pas et que leurs enfants connaissent les bonnes personnes aux bons endroits, ce qui peut être le quartier, l'école ou le lieu où ils passent leurs vacances, et répéter le cycle.
Deux études récentes le corroborent: celle du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD, 2017), intitulée "Inégaux", et une autre réalisée par un doctorant de l'Université de Cambridge, qui a étudié l'incidence des réseaux familiaux dans l'élite politique chilienne (1600-2018). Tous deux concluent qu'au Chili, il existe une "concentration des noms de famille" - un indicateur statistique qui n'est connu qu'ici - dans les professions les plus prestigieuses et les mieux rémunérées ainsi qu'au Congrès national.
Les chercheurs du PNUD ont travaillé avec une base de 8 millions de données. Ils ont calculé la fréquence des noms de famille qui ont le pourcentage de représentation le plus élevé en médecine, en droit et en génie, les professions les plus prestigieuses et les mieux rémunérées. Ils ont obtenu une liste de noms de famille qui atteignent une fréquence significative et  elles sont 50. La majorité appartient à l'aristocratie chilienne, descendants des Castillans et des Basques, ainsi qu'à ceux de la deuxième vague d'immigrants, anglais, allemands, français et italiens, qui ne sont pas aristocratiques mais qui ont triomphé dans le monde des affaires. Ce sont les Matte, Larraïn, Délano, Zegers, Soffia, Risopatrón, Vial, Edwards, Errázuriz, Ariztía, Tagle, Solari, Walker, Undurraga, Irarrázaval et 35 autres.
Cependant, aucun de ceux-ci ne figure parmi les trois noms de famille les plus courants au Chili, selon le registre de l'état civil. Les plus nombreux sont les González (411.000 personnes), puis viennent les Muñoz (322.902) et troisièmement les Rojas (230.741) et il n'y a que 4.300 Larraïnes, soit près de 1 Larraín pour 100 González. Bien que dans l'histoire démocratique du Chili, 107 Larraïnes aient été parlementaires. Entre les ministres nommés par Piñera en 2018, il y avait 2 Larraïn y 5 autres étaient aussi descendants de cette famille, Piñera lui-même en étant un descendant en 10e génération.
De là qu'on a chanté "Le bal de ceux qui sont de trop" lors de certaines manifestations.

Transformation structurelle: un nouvel horizon économique (Extraits)
Par César Hidalgo, physicien (Pulso, 12/12/2019)
Dignité, inégalité et méritocratie sont trois concepts que la population a répétés d'innombrables fois durant cette crise. Le mécontentement des citoyens, cependant, émane non seulement d'une classe politique discréditée ou d'un État inefficace, mais aussi d'une économie primitive et statique, concentrée dans peu de secteurs et peu de mains. Cette crise nous oblige à repenser l'économie chilienne. D'une part, nous devons financer l'agenda social dont le Chili a besoin. De l'autre, nous avons besoin d'une économie qui soit organiquement digne.
Deux concepts clés dans la nouvelle littérature sur le développement sont les idées de «complexité économique» et «espace produit». Les deux expliquent la richesse ou la stagnation des économies. Pris dans les données, ces concepts montrent que le Chili devra entrer dans de nouveaux secteurs s'il veut atteindre le développement. En termes techniques, le Chili doit accélérer sa transformation structurelle.
La complexité économique est un nouvel horizon de développement, différent du PIB, et plus important dans le stade de développement dans lequel nous entrons. Au Chili, nous ne voulons pas être riches comme le Qatar ou le Koweït, mais comme Singapour ou la Suisse. Ce type d'économie permet de créer une large classe moyenne, travaillant dans un travail créatif et productif à un niveau élevé de compétence et de qualité. Les économies complexes sont celles qui réalisent simultanément la richesse, de faibles inégalités et des institutions inclusives que nous attendons au Chili.
Depuis les années 1970, les économies du Chili et de la Corée ont beaucoup changé. Aujourd'hui, la Corée se classe sixième en termes de complexité économique, tandis que le Chili se classe 61e, un endroit similaire à ce qu'il avait en 1970.
Au cours des 50 dernières années, le développement du Chili a également été limité par la structure de l'espace de produits. Nous sommes allés d'exporter du poisson congelé au poisson frais. Des fruits aux jus et confitures. Le saumon, les kiwis et les airelles sont célèbres. Mais ces petits sauts n'ont pas bougé l'aiguille de la complexité économique. Nous restons au milieu du tableau, près de la 60e place; nous avons pu déplacer la barre du PIB, mais pas la complexité nécessaire pour le créer. Maintenant, nous demandons plus du même modèle. Un modèle qui n'a plus rien à donner.
Nous avons 50 ans de gouvernements mesquins dans leur soutien à la science et à la technologie, un secteur privé extrêmement conservateur et une population très peu informée sur les processus de développement économique. Au Chili, on lève une pierre et on trouve quelqu'un qui pontifie l'idée d'ajouter de la valeur aux matières premières, comme si la Corée était entrée dans le secteur automobile parce qu'elle avait beaucoup de pétrole et de minerai de fer. Le développement suit les voies de la connaissance, pas celle des atomes, car les atomes sont plus faciles à déplacer.
Le Chili pourra-t-il s'engager sur la voie d'une transformation structurelle? Pourrons-nous mettre la complexité économique comme objectif? L'élite économique développera-t-elle une idée d'impact qui l'amènera à soutenir des activités créatives? Conduiront-ils la transformation structurelle avec leurs projets et investissements? Ou vont-ils continuer avec la même histoire, que «si je mets de l'argent dans cette mine ou dans cette centrale thermoélectrique», j'ai un meilleur rendement (bien que sans développement ni gloire)?
En fait, la complexité économique aide non seulement à prévoir la croissance économique. Il explique également les variations des niveaux d'inégalité des pays. La redistribution par l'État est importante. Mais elle ne peut pas lever tout le poids des inégalités. La meilleure façon de redistribuer est de créer de meilleurs emplois, tels que ceux demandés par les secteurs les plus complexes de l'économie mondiale. Sans la transformation structurelle, tout effort de redistribution, basé uniquement sur le politique, sera insuffisant.
Le gouvernement chilien deviendra-t-il un gouvernement entrepreneurial? Ou va-t-il continuer à croire que le marché résout les problèmes? Allons-nous comprendre que la richesse vient de la connaissance? Serons-nous capables de générer une culture qui favorise la créativité et l'innovation? Ou continuerons-nous d'être des importateurs de culture et de technologie?

30/11/2019

Novembre (b)

Politique
- L'accord transversal qui a fixé les étapes pour l'élaboration de la nouvelle constitution a reçu diverses opinions de la part des membres des partis représentés dans l'accord, tant en sa faveur comme contre, menant même à des divisions, mais il n'est pas question de revenir en arrière. Chacun s'exprimera par le vote lors du plebiscite. Plusieurs précisions devront encore être apportées, vu qu'il faut une loi pour mettre en oeuvre cet accord. Mais on a célébré que "le monde politique est sorti de ses tranchées" (sauf une exception: le PC, et avec une division dans le Front Ample).
- 67% des gens trouvent positif cet accord et 57% sont d'accord avec le quorum de 2/3 des constituants pour approuver les articles de la future constitution. 85% croient maintenant qu'une nouvelle constitution est nécessaire.
- Les enquêtes démontrent que ceux qui s'informent par la TV sont ceux qui protestent (manifestations) le moins et que ceux qui le font le plus s'informent par les réseaux sociaux. Malheureusement, les fausses informations abondent là (et sont aussi reproduites souvent à l'étranger).
- Les membres de la contituante seraient élus de la même façon que les membres du parlement (avec candidats des partis et indépendants). La critique de la légitimité du fait que les partis devraient choisir les acteurs et les difficultés que le système impose aux candidats indépendants suscite l'intérêt de tous pour discuter de propositions d'intégration de la société civile dans le processus.
- Le sénat a approuvé la loi qui interdira la réélection consécutive des sénateurs plus d'une fois et plus de deux fois pour les députés et pour plus de 12 ans pour les maires. Le projet passe à la chambre.
- Un dirigeant du parti communiste, tout en condamnant [du bout des lèvres] la violence a reconnu qu'il "n'écartait aucun moyen pour arriver au pouvoir".
- Il y a eu des grèves d'un ou deux jours dans la fonction publique et quelques autres grands syndicats en appui aux réclamations sociales.
- Le Parti Communiste a promu une accusation constitutionnelle contre l'ex-ministre de l'Intérieur pour sa responsabilité politique dans les infractions aux droits humains, accusation acceptée et discutée à la Chambre, passant au sénat qui devra résoudre en dernière instance. [Le PC est toujours, ici, le principal "défenseur des droits humains"!!] Des parlementaires d'opposition ont aussi présenté une accusation constitutionnelle contre le président Piñera comme responsable ultime des infractions des droits humains durant les manifestations. Cela devrait être abordé par la Chambre dans les prochains jours.
* EN SYNTHÈSE: Il n'y a toujours pas de proposition qui touche la structure du pouvoir, l'inégalité de patrimoine, ni l'agenda anticorruption, qui semblent être une partie importante des réclamations sociales. L'exécutif est toujours à la chasse d'un accord avec tous les partis non-extrémistes pour établir un plan "de paix et justice sociale".

Sécurité
- Alors que les manifestations pacifiques ont diminué, les violentes ont augmenté en intensité et en coordination avec des attaques aux commissariats et véhicules policiers, les empêchant de se rendre sur les lieux de pillages et incendies. Depuis le 18/10, plus de 180 commissariats et des véhicules ont été attaqués à coups de feu, de pierres et de cocktails molotov, et 2.200 policiers ont été blessés. Même une ambulance et des hôpitaux ont été attaqués et des pompiers empêchés de se rendre à des incendies.
- Des fausses nouvelles sur des réseaux sociaux (comme la réalistion de tortures par des policiers dans un centre commercial) sont utilisées pour pousser des attaques incendiaires contre les établissements. Le président Piñera y a aussi été menacé d'assassinat.
- Les commerces du centre de Valparaiso sont pratiquement tous détruits; dans plusieurs quartiers de Santiago et de plusieurs autres villes il n'y a plus aucun commerce disponible. Mais le maire de Valparaiso (du Front Ample) a demandé aux tribunaux d'interdire non seulement les fusils anti-émeutes mais aussi l'emploi de gas lacrymogène. En effet, une étude faite par l'Université de Santiago assure que les lacrymogènes peuvent causer des blessures aux yeux et même la cécité, à cause de l'acide clorhydrique qui se forme en contact avec de l'eau, ainsi que des mutations de l'ADN lorsque certains composants pénètrent par contact avec la peau. "Que devons nous utiliser?" demande le chef de police de la ville, "il ne nous reste que l'eau" (ce qui n'est pas très efficace contre les pillages). L'université n'a pas demandé de les interdire mais de ne les utiliser "qu'en dernière instance".
- Par décision du chef de la police, les fusils anti-émeutes ne pourront plus être utilisés qu'en légitime défense en cas de péril de mort et il assure que, dans les derniers jours, elles n'ont été utilisées que dans ces cas. On vient de savoir que le fournisseur avait donné en 2011 des instructions sur leur emploi -avertissant des dangers- qui n'ont pas été suivies. Les forces spéciales n'ont eu que 6 heures d'entraînement avec ellles.
- Le gouvernement a rejeté le rapport d'Amnesty International sur la "répression systématique" des manifestants: "Le gouvernement a fourni depuis le début toute sa collaboration avec les institutions autonomes de défense des droits de l'homme". L’armée de terre, la marine et l’armée de l’air, avec l'appui du ministre de la Défense, ont déclaré "rejeter catégoriquement les affirmations du rapport d'Amnesty International", car "il n’existe aucune politique des FF.AA. visant à diriger des attaques généralisées ou systématiques contre la population civile". Le ministre a ajouté que les forces de l'ordre sont intervenues pour défendre les civils et non pour les attaquer, et que ce rapport est totalement injuste et tendencieux.
- Le rapport de Human Rights Watch est plus pondéré: il indique les graves infractions et les attribue au manque de formation et de contrôle des carabiniers, et recommande une réforme de l'institution et une meilleure formation (ce avec quoi on est d'accord).
- Le directeur de la police civile a aussi répondu que lorsque la police répond à une attaque directe cela ne peut pas être considéré une atteinte aux droits humains.
- Ce dernier mois, le Ministère Public a fait plus de 25.000 audiences de contrôle d'arrestations, qui se sont soldées avec plus de 17.000 personnes formalisées pour pillajes, lésions et désordres, mais seulement 15% en ont été mis en prison préventive, la loi ne considérant pas le pillage de façon différente qu'un simple vol. (Les autres retournent à faire de même). La police civile est aussi à la recherche de commerçants ambulants qui vendent des catapultes pendant les manifestations (employées pour attaquer la police). Le Ministère Public et les tribunaux sont saturés par les arrestations de délinquants (dévaliseurs et "combattants", mais les incendiaires sont encore rarement identifiés). Un premier clan de narcotrafiquants-pilleurs a été arrêté (On parle maintenant de "narco-pillage").
- Le président Piñera a envoyé au parlement un projet de loi qui permettrait de charger l'armée de protéger les infrastructures critiques (hôpitaux, ports, aéroports, centrales électriques, etc.) car il n'y a pas assez de policiers pour s'occuper de cela et, en même temps, d'être dans les rues (cela ne plait pas à la gauche) et aussi des projets qui augmenteraient les peines pour les pilleurs, incendiaires et constructeurs de barricades, évitant aussi qu'ils soient rapidement remis en liberté par les juges d'instruction. Se cacher le visage lors d'une manifestation serait aussi pénalisé. Il a dit que "le moment est venu de dire que cela suufit" et a demandé la "discussion inmédiate" de ces projets au parlement.
- Des incendies de forêts ont été provoqués simultanément a plusieurs endroits à proximité de Valparaiso, ce qui a obligé à diviser les équipes d'extinction, indices d'un plan prémédité. Sept maisons ont été détruites.
- 80 membres du Parti Socialiste ont enfin reconnu "le risque que court la démocratie", du fait des attaques de délinquants, bandes criminelles liées au trafic de drogue et "groupes anti-systémiques", "organisés en vue de détruire les institutions publiques et privées, l'état de droit et la démocratie". "La gauche démocratique doit commencer une campagne idéologique, culturelle et politique contre cette menace."
* EN SYNTHÈSE: La police est complètement débordée et les policiers réclament qu'ils ne peuvent plus utiliser leurs armes pour se défendre.
- Selon plusieurs sociologues, il existe ici une importante masse de jeunes qui ne croient pas à la démocratie ni à la coexistence pacifique, car ils n'y voient aucune valeur. Ils ont peu étudié, ont vécu dans les rues ou dans des résidences pour enfants abandonnés ou séparés de leurs parents par la justice (où ils ont souvent été maltraités). Ainsi, "ils ne voient pas que la démocratie soit capable de les protéger ou qu’elle ait la capacité de les promouvoir. Ils voient les règles de la coexistence pacifique comme de l’hypocrisie et réagissent à la violence avec la violence", a déclaré le sociologue Daniel Chernilo à BBC News.

Economie
- Le peso chilien (CLP) s'est fortement dévalué face au dollar et à l'euro. La bourse locale est celle qui a le plus baissé dans le monde en novembre. La Banque Centrale a annoncé la liquidation de 20.000 millions de dollars dans le marché national pour tenter de freiner la chute du dollar.
- Avant les troubles, la Banque Centrale avait fait une estimation de la croissance du PIB pour 2019 de 2,5%, mais elle vient de la baisser à 1,9%.
- La dette externe du pays atteint déjà 72% du PIB. (Et la gauche en demande plus, pour financer des prestations sociales.)
- La récupération du mobilier urbain (parcs, bancs, grilles, luminaires, etc.) détruit par les vandales aura un coût de 1.000 millions de CLP (16 M d'€).
- Le prix de la viande augmente, vu les difficultés pour en importer (70% en proviennent de l'extérieur), la Chine augmentant ses achats à nos fournisseurs.
- Le gouvernement donnera des subsides d'entre 500.000 CLP (575€) et 4 millions de CLP (4.600€) aux PME affectées de destruction lors des troubles. Un montant total de 500.000 dollars y sera destiné. On compte plus de 20.000 PME affectées, beaucoup au bord de la faillite, et 100.000 employés pourraient passer au chômage. L'industrie du tourisme calcule une perte de plus de 900 millions de dollars.
- Les ventes par internet ont baissé de 70% depuis le début de la crise.
- L'exécutif est arrivé à un accord avec les parlementaires pour augmenter le montant des "pensions solidaires" [pour les seniors qui n'ont pas cotisé] de 50% pour les plus de 80 ans et de 35% pour les plus de 75 ans en 2020. Elle sera augmentée de 50% pour tous d'ici 2022. Les seniors auront aussi une ristourne de 50% dans les transports en commun à partir de juillet 2020.
- La chambre a approuvé une baisse de 50% des salaires des parlementaires (actuellement de 11.700 dollars, mais équivalent à 23.000 dollars en pouvoir d'achat comparatif, les plus hauts de la région) et autorités de l'Etat. (Le projet passe au sénat.) Les fonctionnaires du parlement ont fait une manifestation contre cette réduction, pensant qu'elle les concernerait aussi, alors qu'ils gagnent de 10 à 20 fois moins. Les juges seraient aussi visés dans ce projet, ce qui est rejetté tant par le pouvoir judiciaire comme par l'exécutif.
- La Fiscalie Nationale Economique a proposé une réforme structurelle du marché des médicaments pour accroître la concurrence et promouvoir la réduction des prix. Le rapport préliminaire établi par l'agence constate que 80% des médicaments enregistrés n'ont pas de bioéquivalents (plus économiques) et que les laboratoires investissent plus de 200 millions de dollars par an pour promouvoir leurs marques auprès des médecins. Le gouvernement étudie des possibles mécanismes de contrôle des prix.
- Walmart a commencé un procès contre l'Etat pour manque de protection de ses investissements (supermarchés). Des maires projettent de faire de même pour le manque de protection dans leurs communes.

Science et environnement
- Le mois de novembre a été le plus chaud des 10 dernières années à Santiago.

Santé
- Selon l'OCDE, les chiliens sont ceux qui dépensent le plus de leur poche pour leur santé.
- Le ministre de la Santé a déclaré que le système chilien est "un des meilleurs et des plus efficients de la planète". Les enquêtes [et la réalité] montrent que presque personne n'y croit!

Transports et Communications
- La ligne 4a du métro a recommencé à opérer, mais seulement avec 3 stations. Suite au coût des réparations dans les lignes existentes, les travaux pour les nouvelles lignes seront retardés d'un an.
- La compagnie espagnole Telefonica, qui s'était installée ici en 1989, profitant de la privatisation de la compagnie nationale de téléphones, a decidé de se retirer de toute l'Amérique Latine excepté le Brésil. Il est probable de les directeurs aient décidé cela parce qu'ils croient que la sécurité juridique est en danger dans la plupart de ces pays, et aussi parce qu'ils n'obtiennent pas le rendement espéré, alors que la concurrence a fortement augmenté.

EXTRA: Une crise de cohésion sociale
par Eduardo Valenzuela, Doyen de la Faculté de Sciences Sociales UC(20/11/2019)
Le libéralisme n'est pas seulement un programme économique et un principe d'organisation politique, mais aussi un régime de cohésion sociale, c'est-à-dire un certain moyen de maintenir une société unie.
Qu'est-ce qu'un tel modèle et pourquoi n'a-t-il pas été en mesure de s'installer dans notre pays? Le premier pilier cohérent est la conviction répandue dans la valeur du mérite et de l'effort personnel. Les régimes libéraux produisent des inégalités parfois très prononcées, mais qui peuvent être acceptées sur la base du mérite que chacun a mis à posséder ce qu'il a. Le mérite ne peut prospérer que dans un contexte d'égalité des chances généralement offert par le système éducatif, mais un système éducatif trop stratifié et séparé comme celui que notre pays n'a pas réussi à mettre en place l'exigence fondamentale de crédibiliser une idéologie méritocratique. Nous avons permis à l'éducation publique d'être pratiquement synonyme d'échec scolaire, tandis que l'enseignement privé offre, parfois en toute impunité, des avantages indépendants du mérite de l'étudiant.
Un deuxième pilier des régimes de cohésion sociale libéraux est la capacité associative de la population, qui repose à son tour sur un degré raisonnable de confiance généralisée. Quand on s'attend à ce que l'État n'intervienne pas dans tous les domaines de la vie, il faut que les gens soient capables de résoudre collectivement leurs propres problèmes. On a l'impression erronée que le libéralisme n'est qu'un individualisme (la capacité de chacun à prendre soin de lui-même), alors qu'en réalité les sociétés libérales ont produit de très hauts niveaux de confiance sociale et d'activité civique (capacité à s'associer à des inconnus pour résoudre des problèmes communs ). Dans notre pays la prospérité économique et la mobilité de l’éducation ne se sont pas accompagnées d’une augmentation de la confiance sociale. La confiance envers les inconnus et la capacité associative sont restées très faibles (à l'exception des pompiers) et l'articulation par la communauté d'intérêts communs ne va pas assez loin. Les gens sont emprisonnés dans des liens familiaux et dans des formes d'association inciviques, telles que les "fans" de clubs de football ou les clubs de golf, où la confiance n'est expressément cultivée qu'entre ceux qui se ressemblent.
Dans certaines sociétés libérales, les entreprises ont joué un rôle compensatoire en tant que sources de cohésion sociale. Dans celles-ci, il est possible de trouver des entreprises socialement responsables qui offrent de meilleures conditions de protection du travail, prennent en charge la formation de leurs travailleurs et fournissent une assurance complémentaire pour des biens essentiels tels que la santé et le bien-être. Dans notre pays, toutefois, un programme libéral a été mis en place, qui fonctionne avec des marchés du travail flexibles et des entreprises orientées vers une rentabilité à court terme pour ses actionnaires, avec un mépris évident pour les intérêts des travailleurs et des consommateurs.
Dans les sociétés libérales, l'État joue un rôle mineur, mais efficace, au travers de politiques de dépenses sociales ciblées qui protègent ceux qui ne peuvent se procurer des biens essentiels. Dans ce domaine on n’a pas fait preuve de diligence et on n’a pas agi efficacement dans les vastes domaines de l’exclusion sociale où l’abandon et la criminalité se sont multipliés.
Dans toutes les sociétés libérales, la liberté individuelle et les droits individuels, une participation avant tout politique et la représentation démocratique, revêtent une importance particulière. Comme pour nous, le Parlement et les partis ne jouissent d'aucune crédibilité publique et le système politique fonctionne avec une très grande abstention électorale, mais tout est compensé par une forte confiance en la justice et en la loi constitutionnelle, garantes des libertés et des droits des personnes.
Une caractéristique de notre système politique, cependant, est que les deux institutions - le parlement et les tribunaux - sont également discréditées et que nous avons laissé les mécanismes de protection des droits individuels se dégrader au point que personne ne présume que justice sera rendue de façon pertinente pour tout grief et que nous soupçonnons tous que la loi ne sera pas respectée.
Les fondements libéraux de la cohésion sociale ont été mal placés et, en l'absence de plein emploi et de croissance économique soutenue, ils ont fini par faire éclater une société trop faiblement cohésive.

L'objectif a été de couler le pays (Extraits)
Par Sergio Muñoz, analyste potitique (La Tercera, 21/11/2019)
La destruction de biens publics et privés est immense, des milliers de personnes ont perdu leur emploi, la fuite des capitaux est un fait, de nombreuses petites entreprises se sont effondrées, les investissements ont été stoppés, l'incertitude est très grande, etc. Il est obligé de répéter alors que la crise ne suffit pas à s'expliquer par la lecture socio-économique de l'inégalité. La dimension politique est déterminante: certains se sont efforcés de plonger le Chili dans le chaos pour provoquer un effondrement institutionnel!
Il faudrait être aveugle pour ne pas voir que la dévastation produite nécessitait de la planification, de la coordination et des ressources. Il est vrai que de nombreuses personnes ont manifesté pacifiquement pour réclamer des améliorations sociales, mais les ultras savaient déjà comment "utiliser" les marches et frapper fortement la communauté. Les églises pillées et incendiées prouvent le signe totalitaire de la violence.
Aux pires heures de la barbarie, il n’y a pas eu de réaction collective comparable à celle requise. Cela a été influencé par le fait que de nombreux politiciens, et bien sûr plusieurs commentateurs de télévision, ont déclaré que nous assistions à l'éclosion du désir de justice.
La condescendance «progressiste» envers le vandalisme et l'impudence de ceux qui ont cherché à exploiter la violence pour étendre le pouvoir qu'ils n'ont pas obtenu aux élections ne peut être qualifiée que de misérable. Il est très grave qu’une partie de la gauche parlementaire se soit jouée pour créer une instabilité maximale et, en bref, pour faire tomber le gouvernement. Malheureusement, beaucoup de jeunes furent convaincus que la violence crée les conditions d’une plus grande égalité. Ils ne peuvent attendre que l'égalité des débris!
La démocratie ne sera pas viable si nous vivons sous la menace, si la violence devient une forme de chantage politique et si l'État devient impuissant.

Les nouveaux médias comme scénario de transformation sociale (Extraits)
Par Julian Gomez (TechCetera, 26/11/2019)
Alors que nous avons de nouveaux moyens d’accéder à l’information et d’en produire, la sensibilisation des citoyens semble également grandir au sujet de notre capacité collective à reconfigurer les événements aux niveaux politique et social, ou du moins à nous exprimer massivement sur ce qui affecte nos droits fondamentaux.
Bien qu’une grande partie de l’information circulant dans les nouveaux médias soit fausse et partiale, et qu’elles servent également l’ignoble but de répandre des rumeurs et une panique collective, de manière irresponsable et sensationnelle, il semble également évident qu’aujourd’hui, plus que jamais, nous avons le pouvoir d’être les créateurs et les protagonistes de notre histoire, et on pourrait même parfois penser que sont passés les temps dans lesquels les puissants définissaient le cours des événements et leur récit.
Bien que les mobilisations aient une présence massive de personnes, des niveaux élevés de désinformation sont également remarqués et l'essence du mouvement citoyen et sa transcendance aux niveaux politique et social ne sont pas toujours compris. Cela nous impose, entre autres tâches, d’enquêter, de lire, de questionner, de valider l’information et de discerner, de sorte que notre pensée critique et notre capacité de transformation soient aussi puissantes que les espaces de communication quotidiens.
La croissance exponentielle de l'univers communicatif détermine le fait qu'aujourd'hui ni le monde ni les êtres humains ne sont pareils à une autre époque, même si habite toujours en nous l'intention de changer, les idéaux de liberté et de justice et la nécessité de progresser.

15/11/2019

Novembre (a)

Politique
- L'approbation du président Piñera est tombée à 13% et sa réprobation se monte à 79%. Il a déclaré "qu'un problème qui a été construit pendant 30 ans ne peut pas se résoudre en 30 jours". "Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il y a des abus dans notre pays. Il y a des entreprises, pas toutes, qui abusent de leurs clients, de leurs travailleurs, de l'environnement et cette culture doit changer. C’est l’un des signaux les plus puissants que les citoyens nous ont transmis. Mais aucune nouvelle agenda sociale ne sera suffisante pour ceux qui ne veulent pas de solution". Au sujet des actes de violence et destruction, il a déclaré avoir "la conviction personnelle que ce n'est pas la chose traditionnelle que nous avions au Chili, derrière cela il y a des groupes organisés prêts à tout détruire", que l'Agence d'Intelligence tente d'identifier. Il a envoyé au parlement de multiples projets de lois qui répondent aux demandes sociales et aussi qui augmenteraient les peines pour les pillages et les attaques à la police [ce qui a été parfois (mal)interprété par des médias étrangers comme une "augmentation de la répression"; ils préfèrent souvent informer des troubles causés à la fin des défilés et de l'action, alors, de la police, et non du pacifisme qui les précède ni des concessions annoncées par le gouvernement et approuvées par le parlement. Sur les réseaux sociaux beaucoup de photos dites de ces bagarres ne correspondent pas au moment ni à l'endroit signalés et parfois même pas au pays.].
- Les manifestations ont continué. Le nombre d'assistants a diminué quelques jours mais a été massif le 12, jour de grève générale où -en plus de pillages de commerces (283)- la violence et la destruction ont été extrêmes, se dirigeant vers des services publics (comme le registre civil), des commissariats, les sémaphores et luminaires, une ambassade, des sièges universitaires (en incendiant même un) et même des églises (dont une incendiée), et aussi des barricades dans les avenues et sur les autoroutes. Seuls les sièges des partis de droite ont été attaqués. La gauche s'est enfin prononcée contre cette violence, en réponse à un appel à la paix fait par le président en télévision, qui a aussi demandé un accord de tous "pour la justice sociale" et un autre pour définir comment élaborer une nouvelle Constitution.
- Selon enquête, 78% des citoyens seraient d'accord avec la création d'une nouvelle Constitution et 54% préfèreraient une assemblée constituante. Les recteurs des universités recommendent aussi une nouvelle Constitution. Le mécanisme des cabildes (conversations des citoyens) proposé initialement par le ministre du Développement Social, pourrait être abandonné suite aux conversations entre le gouvernement et tous les partis pour définir le mécanisme d'élaboration de la nouvelle charte. Beaucoup de communes insistent cependant à consulter leurs habitants en décembre.
- Le parlement est finalement arrivé à un accord -appelé "historique"- de tous les secteurs, sauf le PC, pour convoquer en avril 2020 à un plebiscite où il faudra exprimer son accord (ou non) avec l'élaboration d'une nouvelle constitution et, si on est d'accord, choisir comme mécanisme une convention mixte (50% de parlementaires et 50% d'élus spécialement) ou une convention "pure" (assemblée) élue complètement à cette fin. Les membres élus le seraient lors des élections communales de novembre 2020 et la convention aurait de 9 à 12 mois pour rédiger le texte et le soumettre ensuite à un référendum avec vote obligatoire et majorité simple. [Cela pourra mettre fin aux manifestations? Une manifestation "pour la paix" a déjà été convoquée. Elle se terminera en paix?] Le PC demandait une assemblée qui approuve les articles par majorité simple et non par les 2/3 des participants comme accordé (ce qu'il trouve "anti-démocratique"!).

[En synthèse: Le gouvernement -minoritaire au parlement- a été vaincu par la gauche au moyen d'une stratégie qui a eu recours "à la rue" -et à la destruction, prévisible en partie (plannifiée par certains??)-, et a dû abandonner son programme pour adopter le programme de la gauche modérée.]

Sécurité
- 65 maisons communales ont été attaquées depuis le début des manifestations.
- Deux femmes agents de police ont été brûlées au visage par des cocktails molotov quand elles tentaient de contrôler une manifestation. [Je n'ai vu cela que sur un seul des canaux internationaux que je suis!] Plusieurs commissariats de police ont été attaqués à coups de pierres et de cocktails molotov, blessant des policiers.
- Depuis le 18 octobre, la police a arrêté plus de 22.000 personnes durant les manifestations. De nombreux responsables de pillage ont aussi été arrêtés. On compte plus de 500 blessés par armes de la police, dont 187 affectés aux yeux (malgré que le "protocole" est de ne tirer que dans les jambes). Il y a un reportage du New York Times. 14 uniformés ont été formalisés pour mauvais traitements. On condamne constamment la réaction de la police mais moins souvent des violents qui les attaquent et détruisent des installations publiques et privées. Pour les observateurs étrangers cela ne semble avoir aucune importance! Mais le nombre de blessés irrite de plus en plus. On ne comprend pas pourquoi on n'a pas retiré les fusils anti-émeutes, qui sont prétendus "non-létals"! Le Collège des Médecins parle de "catastrophe sanitaire" et a aussi réclamé contre l'emploi constant de grenades lacrymogènes.
- Amnesty International déclare qu'il y a ici "une infraction systématique des droits humains" de la part de l'Etat. A ce sujet, le président a déclaré que "Rarement un gouvernement a tant collaboré de manière à ce que tout excès, abus, atteinte aux droits des personnes ne reste impuni (…) Tout carabinier ou militaire qui ne s'est pas conformé aux règles du recours à la force, aux protocoles, qui se ont excédés dans l'usage de la force, qui ont commis des abus, feront également l'objet d'une enquête et seront sanctionnés. Ces cas doivent faire l’objet d’une enquête de la part du Bureau du Procureur, connus et jugés par les tribunaux et non par des juges autoproclamés qui déterminent ce qui constitue ou non une violation des droits de l’homme."
- Le ministère de l'Intérieur a invité des experts de polices de l'étranger à exposer leurs procédés de contrôle des émeutes.
- 17 drones survolent maintenant la région métropolitaine pour alerter la police des endroits où se produisent des faits violents.
- Enquête: 42% des gens disent ressentir de l'insécurité, 35% de l'espérance, 28% de l'anxiété et 22% de la frustration pour ce qui se passe. L'appui des femmes aux manifestations est de 52% et des hommes de 45%.

Economie
- Amazon a confirmé un investissement ici pour sa plateforme de services en "nuage" (Amazon Web Service).
- La banque a fait un bénéfice de 2.700 millions de dollars durant le 3e trimestre.
- La violence depuis fin octobre et la suspension des importantes réunions internationales (APEC et COP25) ont provoqué d'importantes pertes pour le secteur du tourisme (annulation de réserves d'hôtels, etc.). Les donations pour aider à financer la COP25 avaient atteint près de 100 millions de dollars et le gouvernement étudie comment les rembourser.
- Le ministère des Finances estime que le coût total de réparation des destructions serait de 3.000 millions de dollars.
- Le président de la Chambre Nationale de Commerce a demandé (au début du mois) de mettre fin aux manifestations et laisser travailler les autorités, du contraire "nous mèneront le pays à l'abîme". La Chambre calcule que 100.000 emplois ont été perdus du fait de la crise et le ministère de l'Economie estime que cela pourrait arriver au triple. Les PME affectées par le vandalisme et les pillages seraient 6.800. Les commerçants sont désespérés par les pertes. Les ventes de vêtements sont tombées de 50% dans le pays et 70% à Santiago depuis le début des troubles. La vente de logis a baissé de 40%. Dans l'île de Chiloé, 800.000 saumons attendent d'être alimentés et pêchés, 320 tonnes étant déjà en décomposition dans les industries, les travailleurs ne pouvant s'y rendre.
- Le président Piñera a signé la loi qui garantit un salaire minimum de 350.000 CLP (376 €). Les mesures tributaires annoncées sont: nouvel impôt de 40% sur la rente de ceux qui gagnent le plus (84.000 personnes) et des contributions foncières plus hautes pour les immeubles de valeur d'un million de dollars ou plus (pour compenser de nouvelles exemptions de contributions pour les seniors).
- De janvier à septembre, les administrateurs de fonds de pension ont obtenu un bénéfice de 550 millions de dollars (sur la base des commissions qu'ils touchent). Si ces bénéfices étaient versés aux cotisants, ils obtiendraient chacun 34.400 CLP (43€).
- Beaucoup de communes ont annoncé qu'elles ne réaliseraient pas las habituelles festivités de l'An Nouveau, pour consacrer les fonds à aider les habitants affectés par la violence.
- Le gouvernement est arrivé à un accord avec l'opposition pour le budget de 2020, avec une réforme tributaire qui devrait permettre d'obtenir 2.000 millions de dollars de plus, qui seraient destinés aux programmes sociaux.
- Les désemployés de Santiago sont 8,3% mais pourraient arriver à 10% en décembre suite aux pertes commerciales.
- La bourse de Santiago est tombée de 12,5% depuis le début des troubles et le peso (CLP) a perdu plus de 10% de sa valeur face au dollar et à l'euro.

Science et environnement
- Pour contribuer à la réduction du CO2, le gouvernement se propose de planter 200.000 ha de bois, mais seulement 70.000 seraient de forêt native, ce qui est critiqué par les scientifiques car, d'une par, cela absorbera beaucoup d'eau (ce qui est critique à cause de la sécheresse) et l'exploitation des espèces exotiques dérivera en émission de CO2. La plantation, de plus, dépendrait de financement international, mais le Chili ne fait pas partie de la liste de zones prioritaires à cette fin.
- Selon une mesure réalisée par le ministère des Biens Nationaux en collaboration avec l'Institut Géographique Militaire il existe actuellement au Chili 43.471 îles, d'une superficie totale de 8.278.411 hectares, soit 11% de la superficie totale du territoire national.

Santé
- En 6 ans, 235.000 millions de CLP (294 millions d'€) seraient investis pour couvrir l'assurance face aux maladies [économiquement] catastrophiques.
- Le ministre de la Santé a annoncé un programme spécial pour traiter et aider les personnes blessées aux yeux par les fusils anti-émeutes. Ceux qui ont perdu un oeil recevront gratuitement un prothèse dans un centre spécialisé de l'Université du Chili.

Transports et Communications
- 93 stations du métro ont souffert des dégâts, dont 7 totalement détruites par le feu. Actuellement 81 stations fonctionnent, de 135.  La ligne 4 du métro arrivera enfin à son terminus de Puente Alto le lundi 18, avec 5 de ses 7 stations ouvertes, mettant fin à un grand problème pour des dizaines de milliers de travailleurs. Vu les investissements nécessaires pour les réparations, la construction des lignes 7, 8 et 9 se verra retardée.
- Au total, les dégâts à des oeuvres publiques se montent à 18.700 millions de CLP (23 millions d'€).
- Google a annoncé que son cable de fibre optique qui unit les Etats-Unis et le Chili est terminé et fonctionne parfaitement.

Education
- Le siège central de l'Université Catholique a été attaqué, avec rupture de vitres et vol de mobilier pour faire des barricades dans l'avenue, et un édifice de l'Université Pedro de Valdibvia a été complètement détruit par une attaque incendiaire.
- 600 collèges privés et subventionnés ont demandé au ministère de l'Eductaion de mettre fin à l'année scolaire vu les menaces d'attaques directes ou à proximité.

Climat
- Le sommet du climat COP25 se réalisera à Madrid au lieu de Santiago, mais le Chili en maintiendrait la présidence.
- Le centre du pays souffre déjà de températures de plus de 30°.

EXTRA: Le Vénézuéla derrière les incidents au Chili (Extrait)
Déclaration de Andrès Pastrana, ex-président de Colombie (FayerWayer, 31/10/2019)
Ce que nous constatons très clairement, c’est qu’il existe une stratégie de déstabilisation, ce que nous avons constaté en Équateur il ya quelques semaines et que nous continuons à observer au Chili. Ceux d’entre nous qui connaissent la région savent que ni les Équatoriens ni les Chiliens ne sont ceux qui utilisent ce type d’agression et de violence.
Le métro au Chili était son symbole, sa fierté, et qui peut penser qu’un chilien lui-même, après tant d’efforts, s’attaque au métro et pour quelque chose pour lequel ils se sont battus si durement? Il y a une stratégie là-bas: on ne peut pas penser que 19 stations sont détruites en même temps.

L'échec de l'Etat (Extraits)
Par Álvaro Ortúzar, avocat (La Tercera, 12/11/2019)
Le 17 septembre 2005, le président Ricardo Lagos signait ce qu'il appela "la Constitution démocratique du Chili", qui introduisait 54 réformes à la Charte fondamentale qui avait été publiée par Pinochet et comptait maintenant avec l'approbation du parlement.
Cependant, on veut se passer de cet avancement. Partir de zéro. L’opposition réclame un référendum immédiat en vue de l’élaboration d’une nouvelle constitution et une assemblée constituante, sans avertir les citoyens que ces mécanismes ne sont ni envisagés ni valides. C'est un premier échec de l'Etat. Le Chili fut déjà victime d'une démagogie irrationnelle dans les années 1960-1970, qui avait conduit à la plus grande crise de la démocratie. Le phénomène actuel montre des similitudes avec ce populisme.
Un autre échec de l'État est lié à l'inefficacité de l'exécutif pour assurer la sécurité des habitants par la contrainte légitime. Cela fait 22 jours et le mutisme de l’opposition est inquiétant en ce qui concerne le vandalisme et l’ordre social.
Les parlementaires sont perçus comme responsables des retards dans la résolution des problèmes rencontrés par la population, se méprennant sur les priorités exigées par le pays, alors qu'ils devraient être à l'avant-garde des changements sociaux et législatifs et pour protéger le développement économique établi par la Constitution elle-même. La violation de ces obligations est observée dans le fait que sur plus de 20 initiatives gouvernementales dans ce domaine, [à ce jour] seules deux ont été légiférées.
Enfin, devant un pays assommé par les excès, les pillages et les incendies, des groupes d'autodéfense commencent à émerger. L'inefficacité de la force publique en la matière est dangereuse face à la paix sociale nécessaire et constituerait l'échec le plus grave de l'État.

Rage déchaînée chez les carabiniers: incontrôlable et sans pilote (Extraits)
Par M.Gonzalez, journaliste (Ciper, 12/11/2019)
24 jours après le début d'une explosion sociale sans précédent, 23 morts et plus de 2 000 blessés, il ne fait aucun doute qu'au Chili les droits de l'homme sont violés. Et qui apparaissent en tant qu'exécuteurs de la plupart des actes de violence sont des efectifs policiers. Ce qui est grave, c’est qu'il ne s'agit pas d'ignorance des protocoles, comme ont insisté le gouvernement et les autorités policières.
Le directeur général des carabiniers, Mario Rozas, n'a reçu aucune remontrance du président ou du nouveau ministre de l'Intérieur. Ni le nombre de morts et de tortures, ni les violations commises, ni les blessures oculaires massives et récurrentes, qui indiquent que les troupes des Forces Spéciales tirent à bout portant et à la tête, ne l’ont déplacé de son confortable fauteuil.
Ni le président Piñera ni le sous-secrétaire à l'Intérieur, Rodrigo Ubilla, n'ignorent que le chef de la police, le général Mario Rozas, qui a assumé il y a seulement 11 mois, ne garantit pas le commandement de son institution. Ils savent que le général n'a occupé que des postes administratifs assimilés par les jeunes officiers et sous-officiers au cœur de la corruption du haut commandement [dénoncée il ya trois ans]. De ce fait, il n'est ni respecté ni obéi dans les postes de police.
Les autorités du ministère de l'Intérieur sont également conscientes qu'il est impossible pour cet officier qui est général depuis 2017 et qui manque d'une solide expérience en contrôle opérationnel, d'imposer son autorité devant les hommes des Forces Spéciales. Ces forces sont sans commandement, sans cohésion, sans directives de renseignement et sans contrôle [??]. Et corrodées par la rage.
Cette décomposition trouve son origine, entre autres, dans l’explosion de la corruption [des fraudes qui ont atteint 29.000 millions de CLP -35 millions d'€- où était impliqué le haut commandement] et de la violence qui ont brisé la structure de ses services de renseignement et son haut commandement en provoquant le départ inopiné de plus de 35 généraux au cours des deux dernières années. Les allégations d'abus, de népotisme et de corruption, commises par de hauts responsables, se sont élevées à 837, accumulées au cours des trois dernières années.
Le manque de commandement et de conduction des Carabiniers pour mettre fin à la violence persistante des troupes dans les rues, a été confirmée par la révélation faite par [le journal] La Tercera de la vidéo que le général Rozas a envoyée à ses troupes dans la nuit du dimanche 10 avril novembre. Il y disait: "Je voudrais dire que tous ceux qui sont sous enquête administrative, que tous ceux qui sont portés à l'attention du ministère public doivent savoir que nous allons prendre toutes les mesures, toutes les garanties, afin qu'ils aient la procédure et la défense appropriées auxquelles tout le monde a droit Par conséquent, j’ai déjà disposé la Direction de Justice, avec tous nos avocats, et si nécessaire en coordination avec des avocats externes, pour offrir la meilleure défense et clarifier ces vérités du point de vue juridique et du point de vue administratif. C’est la raison pour laquelle l'annonce de l’usage limité du fusil anti-émeute n’est rien d’autre que l’adaptation optimale de nos protocoles. C'est pourquoi vous allez recevoir les instructions des responsables des unités, des responsables des répartitions supérieures, dans le sens d'une meilleure action pour éviter toute situation susceptible de nous être endossée."
Quelques heures plus tard, les vidéos montrant le passage à tabac brutal de jeunes gens et de femmes et l'entrée violente dans des domiciles privés sans ordre d'un tribunal indiquaient comment la police avait compris le message.
[Note personnelle: Je pense qu'il y a ici une certaine exagération.]

L'abandon des zones périfériques de Santiago (Extraits) (BBC News, 4/11/2019)
Le week-end du 18 octobre, dans la commune de La Pintana, ses deux supermarchés ont été dévalisés. Les deux autres grossistes qui se trouvaient dans la commune, après avoir été pillés, ont été incendiés. Le même sort a connu la seule pizzeria installée là il y a seulement deux mois. La destruction de ces locaux est due en partie à l’absence de contingents militaires et policiers. "On a envoyé l'armée pour s'occuper des manifestations pacifiques et non pas dans les endroits où elle était vraiment nécessaire, et les quelques agents de police ne furent pas suffisants", a déclaré le maire.
Ce qui s'est passé ce week-end dans la commune de La Pintana s'est répété dans plusieurs autres communes périfériques comme Puente Alto, Renca, La Florida et Maipú. Elles eurent toutes quelque chose en commun: les quelques policiers destinés à contrôler les actes de violence dans ces zones étaient débordés, incapables de rétablir l'ordre public. De plus, beaucoup d'eux furent redirigés pour contrôler les attaques au métro et autres manifestations qui se sont déroulées dans le centre de Santiago, laissant ces zones complètement sans défense.
"L'inégalité au Chili a de multiples facettes et se voit aussi dans la sécurité avec laquelle l'État protège ses habitants. Dans la pratique, cela reflète un sentiment très important d'abandon", dit le maire de Renca.
Dans cette zone, les résidents vivent dans des logements sociaux en mauvais état, ils n'ont pas accès à Internet ni à des services de base tels que les notaires pour mener à bien les procédures légales. À La Pintana, par exemple, il n'y a qu'un seul bureau de banque. Sans parler de la possibilité d'avoir des cinémas ou des espaces de loisirs.
Selon l'enquête Casen, qui mesure la pauvreté, le revenu monétaire mensuel moyen d'un ménage à La Pintana est de 664.000 pesos (890 dollars), tandis que celui d'un ménage de la commune de Las Condes (l'une des plus riches du Chili) représente près de 3 millions de pesos (4.000 US$). Seuls 8% de la population communale ont obtenu un diplôme technique ou universitaire et la plupart des pensionnés ne perçoivent pas plus de 110.000 pesos (148 US$). Les enfants doivent donc normalement prendre soin de leurs parents [seniors].
Pour l'autorité, cela fait partie de la base de la rage qui a éclaté il y a deux semaines lorsque les voisins ont pillé tout ce qu'ils ont trouvé sur leur passage. Ensuite, au dehors des supermarchés, il y a plusieurs phrases en grafittis, telles que "Pourquoi vous occupez-vous des hommes d'affaire s’ils nous ont maltraités". "Les habitants de La Pintana ne se sentent pas heureux parce qu'ils n'ont rien, parce qu'ils envient ce que les autres ont", ajoute le maire de La Pintana.
Aujourd'hui, les voisins mettent en moyenne environ trois heures pour se rendre à leur travail. Ceci, car les stations de métro les plus proches ont toutes été incendiées. Le sentiment d'insécurité s'est accru. Les autorités de ces communes disent que c'est loin d'être terminé. Que la rage ne passera pas "avec quelques mesures gouvernementales" de Sebastián Piñera.

NOTE: Le "salaire minimum garanti" (376 €), une fois décomptées les cotisations pour la pension et la santé, permet à peine de payer le transport journalier au lieu de travail (à Santiago), le loyer d'une seule chambre et 1kg de pain par jour.

31/10/2019

Octobre (b)

Le soulèvement social, en bref

- Le 14 octobre ont commencé des manisfestations dans le métro, fomentées initialement par les associations d'étudiants (dominées par la gauche), suggérant de passer sans payer. Cela a continué et est devenu massif le jeudi 17.
- Le lendemain, une vingtaines de stations ont été partiellement détruites et plusieurs incendiées. Le samedi 19, le président Piñera a décrété l'état d'urgence dans la capitale, chargeant ainsi les militaires du contrôle de la sécurité, principalement des services névralgiques comme les centrales électriques et de télécommunications, et les services d'eau potable. Malgré le contrôle policier (surpassé), de nombreux supermarchés et des magasins de ligne blanche ont été mis à sac pendant plusieurs jours. Les attaques se sont étendues ensuite à des édifices publics. Ces "manifestations" à Santiago ce sont alors étendues à Valparaiso, puis à Concepcion et, par après dans d'autres villes, devenant visible qu'il y avait un plan d'escalade progressive tant en violence comme en extension géographique.
- Selon des sources anonymes, ce plan aurait été conçu lors de la dernière réunion annuelle au Brésil du Forum de Sao Paulo, qui regroupe les mouvements d'extrême gauche d'Amérique Latine. Il n'a pas été possible de confirmer cette information et elle est peut-être fausse dans son origine et contenu mais sûrement pas dans la mise-en-oeuvre. Ce qui aurait en partie été confirmé par un communiqué de l'OEA (Organisation des Etats Américains) qui signale que «Les courants actuels de déstabilisation des systèmes politiques du continent trouvent leur origine dans la stratégie des dictatures bolivarienne et cubaine, qui cherchent à se repositionner, non pas par un processus de réinstitutionnalisation et de redémocratisation, mais par leur ancienne méthodologie d'exportation de la polarisation et mauvaises pratiques, et essentiellement financer, soutenir et promouvoir les conflits politiques et sociaux».
- Le succès de la "mise-en-route" a été "garanti" par le mécontentement de la population suite à la hausse de tarif non seulement du métro mais aussi des combustibles et de nombreux services (comme les 20% de l'électricité), ce qui rend difficile aux 70% des chiliens qui gagnent moins de 700 € d'arriver à la fin du mois, et aussi renforcé par la délinquance et les vandales qui profitent de toute manifestation pour faire des dégâts, et aussi par l'habitude de beaucoup de chiliens de "profiter des occasions", comme pour la mise à sac des supermarchés. (Détail des causes et détonants dans les "Extras" publiés le 23)
- Le président Piñera a réagi le samedi 19 annonçant un rapide projet de loi pour annuler la hausse des tarifs des transports en commun, mais ce n'est que le mardi 22 qu'il a annoncé d'autres mesures de bénéfice social: augmentation des impôts de 35 à 40% pour ceux qui gagnent plus de 8 millions de CLP (10.000 €), augmentation du salaire minimum à 350.000 CLP (437 €) avec subside pour les PME, augmentation de 20 % des pensions payées par l'Etat et apport fiscal aux fonds de pension pour 500.000 travailleurs, annulation de la dernière hausse de l'électricité, diminution du traitement des parlementaires et hautes autorités de l'exécutif, application du mécanisme d'urgence pour la discussion au parlement de la loi sur l'assurance pour maladies catastrophiques, d'apports du Fond National de Santé pour réduire le prix des médicaments et de transformation du service de protection de l'enfance, augmenter l'équité dans le financement des communes au travers du fond commun (transfert de fonds des communes de haut standing et rentrées propres vers les autres), réduction du nombre de parlementaires et du nombre de possibles réélections. [L'extrême gauche voterait contre cette réduction du nombre de parlementaires, car elle en perdrait plusieurs.] Le tout coûtera au moins 1.200 millions de dollars, dont 500 millions pour les pensions, et pourrait atteindre 1% du PIB, mais n'aura d'effet réel -en général- qu'en 2020. Endetter le pays semble être la seule solution possible pour le moment.
- Plusieurs projets de loi pour appliquer ces mesures ont déjà été approuvés par le parlement (mais sans l'appui du PC).
- Cela ne semble pas avoir convaincu la population: 78% des gens déclarent qu'ils continueront à protester et les manifestations massives ont continué, surtout avec les concentrations massives du vendredi 25 (avec 1.200.000 personnes à Santiago et des dizaines de milliers en régions). Finalement, Piñera a annoncé le samedi 26 la démission de son cabinet.
- 83% des chiliens appuyent les manifestations et seulement 13,9% le gouvernement. 61,5% estiment que l'agenda social du gouvernement n'est pas suffisant. L'approbation de Piñera est tombée à 6,5%. La réprobation des parlementaires officialistes est de 64% et du Front Ample de 65%. Le Front Ample et le groupement des partis officialistes ont le même pourcentage d'appui: 16% (Aucun parti n'a plus.).
- Le président Piñera a invité à deux reprise les partis d'opposition a se réunir avec lui pour aborder les réformes sociales. Le PC et une partie du Front Ample ont chaque fois refusé d'y assister. Leur but est un autre: obtenir de nouvelles élections générales et changer le système politique.
- Le changement de quelques ministres (de l'intérieur et du secteur économique, le 28) ne semble pas avec convaincu la population: les manifestations et actes de vandalisme ont continué.
- En 10 jours, plus de 900 policiers et plus de 1.500 civils ont été blessés et on compte 22 morts (dont 5 seraient fruit de l'action de la force publique); plus de 2.800 civils ont été détenus (69% pour pillage, d'autres pour attaquer la police), et le Ministère Public conduit 840 enquêtes pour violation des droits humains. Il faut comparer cela avec les centaines de milliers de chiliens qui ont manifesté pacifiquement sans être inquiétés. Il est FAUX qu'il y ait eu des détentions massives.
Plus de 300 supermarchés et 200 pharmacies ont été détruits ou dévalisés. La police a compté 2.300 incidents dans le pays. 997 délinquants ont été déjà imputés devant la justice. Mais des milliers continuent encore à piller et incendier lorsqu'il y a une manifestation. Le ministre de la Défense a assuré que la police est arrivée "à la limite de sa capacité".
-L'Institut des Droits Humains a dénoncé l'existence de 84 blessés par armes à feu (mais rien n'est dit des auteurs) et a intenté procès pour 54 cas de torture et 18 d'agression sexuelle de la part de la force publique. La police enquête internement sur 14 cas.
- Les pertes pour le commerce ont atteint 1.400 millions de dollars. Un montant proche est celui du coût des réparations du métro.
- La situation a finalement obligé le gouvernement à suspendre la réalisation ici du sommet de l'Asie-Pacifique (APEC), de novembre, et de la conférence COP25, de décembre, sur le changement climatique.


Attention: Les fausses nouvelles abondes sur les réseaux sociaux et sont parfois reprises, malheureusement, par des médias internationaux et même des eurodéputés.

Note: J'ai omis le détail des évènements (que j'avais relevé jour après jour) vu son extension (imprévue!).


EXTRA: Virage historique du modèle (Extraits)
(La Tercera, 25/10/2019)

Tout a commencé bien avant les 30 pesos [d'augmentation du tarif du métro], au début des années 90, avec le retour de la démocratie, lorsque le Chili a connu une hausse historique de ses attentes en matière de qualité de vie, résultat des indicateurs positifs de croissance, de création d'emplois et de développement économique. réduction de la pauvreté La seule chose qui n'a pas progressé a été l'égalité et l'intégration sociale.
Le modèle économique imposé par la dictature a fait retomber l'énorme responsabilité de la croissance économique sur l'entrepreneuriat, ce qui en a fait la clé du bien-être des citoyens. Pour sa part, la classe politique renouvelée se chargea de réglementer le fonctionnement de l'économie et de générer des politiques publiques visant à promouvoir l'équité. À cette fin, des accords ont été conclus entre hommes politiques, hommes d’affaires et syndicalistes, et des critères techniques ont été appliqués, permettant de concentrer les dépenses sur les plus pauvres. Cependant, les classes moyennes émergentes promues par le même modèle ont été exclues des politiques sociales.
Peu à peu, un sentiment d'impuissance entre les groupes intermédiaires et d'abus s'est installé dans une partie importante de la citoyenneté. Cette déception muta en indignation suite aux scandales qui ont touché le cœur du monde des affaires et du monde politique au cours de la dernière décennie et qui s'est soldé par des sanctions très mineures concernant la gravité des crimes commis.
Mais cette même classe politique, fortement contestée, n'a pas hésité à augmenter progressivement sa rémunération et ses indemnités, ainsi que le nombre de représentants au parlement. Et l'entreprise n'a pas apporté de changements profonds pour recouvrer sa légitimité et ne pas être perçue comme de simples agents de capture de profit.
À l'exception de la gratuité universitaire approuvée à la suite de la forte mobilisation des étudiants, la plupart des demandes sociales ont été rejetées avec des arguments techniques ou avec des réponses très malheureuses, comme celle d'un ministre qui a recommandé aux utilisateurs du métro de se lever plus tôt pour accéder aux horaires les plus économiques.
Le moment actuel est critique, mais c’est aussi une formidable opportunité de générer un large accord politique qui, tout en conservant les plus grandes réalisations, modifie nos priorités et nous redonne un sens nouveau. Il est urgent de faire appel à la capacité de dialogue des hommes politiques, des hommes d'affaires, des syndicalistes, des universitaires et du grand public. Mais ce dialogue doit contenir une empreinte éthique capable d'ouvrir une voie certaine vers une plus grande justice sociale dans le pays.

Au sujet de la "répression"
Les uniformés de toutes les unités de police du pays sont autorisés à utiliser les fusils anti-émeute (à pellets) mais doivent diriger les tirs vers les jambes. Le général-directeur des carabiniers a exprimé que "Nous agissons dans le contexte de graves altérations de l'ordre public. La grande majorité des procédures que nous avons adoptées s'inscrivent dans le cadre juridique. Nous avons un mandat constitutionnel. À mon avis, nous avons bien fait." En ce qui concerne les plaintes pour violences policières, il a déclaré: "Ce sont les cas exceptionnels qui m'occupent et me préoccupent. Nous avons reçu les plaintes sérieuses et responsables, nous avons reçu les plaintes de l'Institut des Droits Humains et toutes ces plaintes sont acheminées, d'une part, au ministère public et, d'autre part, les enquêtes administratives ont été initiées".
[Plus haut ont été signalés le nombre de manifestants, le nombre de détenus et le nombre d'accusations.]

Autres Extras (causes, détonants, etc.): Voir post du 23/10/2019

23/10/2019

EXTRA: La crise chilienne

Les détonants de la crise nationale
(selon AFP, 20/10/2019)
Inégalités sociales chroniques, pensions basses, augmentations des tarifs métropolitains, coûts de l'électricité et de la santé. En outre, les cas bien connus de corruption au sein de la police et de l'armée, ainsi que la criminalisation croissante du mouvement étudiant [??], ont donné naissance à un cocktail qui a encouragé les plus grandes manifestations sociales depuis des décennies dans le pays.

L'explosion de Santiago (Extraits)
Par A.Cavallo, journaliste (Journal La Tercera, 20/10/2019)
L'explosion sociale de vendredi a pris tout le monde par surprise. En conséquence, après l’orgie de destructions dans des centaines de lieux à Santiago, un carnaval de démagogie a été organisé par les dirigeants politiques. Cela fait partie du livret de ce type de phénomènes qui précipite plus tard les interprétations selon lesquelles on pouvait prévoir les faits, la tension se faire sentir dans l’air, les symboles se multiplier, la température monter, le mécontentement apparaitre et ainsi de suite, avec tous les lieux communs qu’il est possible d’accumuler.
Il faudra un certain temps avant de voir à quel point le choc de la semaine a été spontané. Une des choses les plus déroutantes est linguistique. Le mot "évasion", dans le sens précis de ne pas remplir une obligation, devrait avoir une connotation négative dans un environnement social où les droits et les devoirs sont respectés. De manière inattendue, «l’évasion» [resquille] dans les transports [autobus] de la ville a acquis la connotation d’un acte de justice (ou du moins de vengeance) contre un service qui a été une catastrophe pendant des années. "Éluder" a cessé d'être un acte répréhensible, l'autorité n'a pas réussi à en faire une imputation. Et la semaine dernière, il a tourné vers le slogan initial d'une insurrection collective soutenue par une cause juste.
Il n'était pas impensable que l'évasion dans le cas du métro porte à la destruction de ses installations. Il est vrai qu’il ya un long pas à faire pour brûler les stations et piller les commerces à proximité, même s’il est bien évident qu’une fois lancée, une telle perturbation ne s’arrêtera pas d'elle-même.
Ceux qui soutiennent la thèse de la spontanéité totale doivent rechercher une explication sociologique plus ou moins diffuse, une généralité avec laquelle sont décrites les conditions supposées qui l’ont produite, plutôt que le phénomène. La généralité la plus importante est la colère, mais cela décrit la conséquence, pas la cause.
La société chilienne semble sujette à des explosions périodiques, qu’il s’agisse d’un tournoi de football, d’une catastrophe naturelle ou de toute autre chose offrant un espace d’impunité. Mais il y a ceux qui croient que la spontanéité de l'explosion de Santiago n’est qu’une partie du phénomène et qu’il y a actuellement une agitation planifiée en cours.
Pour le moment, l'image de l'armée dans les rues de Santiago a peut-être ruiné le gouvernement Piñera, mais il n'est pas du tout clair que cela aide les partisans de la protestation sociale - de manière très générale, la gauche - ou, au contraire, encourage ceux qui promeuvent une discipline sociale plus énergique. C’est une autre de ces leçons oubliées de l’histoire: quand gagne l’ultra-gauche, gagne toujours l’ultra-droite.
Le sociologue Eugenio Tironi ajoute: "Le fait que les gens soient sortis pour protester et que nous soyons indolents face au vandalisme montre qu'il existe une crise des mécanismes de représentation. C’est-à-dire que la manière dont nous administrons la démocratie ne suffit pas. Et cela repose des questions qui ont été reportées, les questions de révision du fonctionnement de la démocratie, de révision de la Constitution et de lui donner plus de légitimité, de faire face à des canaux différents des traditionnels pour résoudre cette controverse."

Le dilemme de l'opposition
Le journal ajouta le lendemain:
Le sentiment d'abus de pouvoir a fini par accumuler un mécontentement qui ne pointe pas vers un domicile politique particulier, mais vers tout le monde. Le discrédit des institutions - dans sa gamme la plus large - ne fait qu'alimenter l'inconfort et l'explosion [sociale] qui ne semble pas vouloir céder.
Le sentiment que ni les autorités ni la politique ne prévoyaient ce scénario est une conclusion commune. Cependant, la capacité des institutions à contenir le phénomène est ce qui inquiète aujourd’hui. Certains craignent même que cette incapacité ne débouche sur un résultat autoritaire.
L'option de s'asseoir pour discuter avec le gouvernement afin de trouver une solution politique à la crise a de nouveau mis en évidence le manque de consensus au sein de l'opposition. Le slogan soulevé par les présidents de [quelques] partis selon lequel il n'y aura pas de dialogue tant que l'état d'urgence et le déploiement militaire dans les rues seront maintenus provoque des divergences au sein de leurs propres communautés. Mais il s'agit d'une condition impossible à remplir par le président Piñera, compte tenu des fortes convulsions vécues dans les rues, des pillages et d'autres actes de vandalisme.

Quatre clefs selon la BBC (extraits) (21/10/2019)
1. La brèche sociale démesurée: 50% des ménages vu leur faible revenu n'ont accès qu'à 2,1% de la richesse nette du pays. La moitié des travailleurs perçoivent un salaire égal ou inférieur à 400 000 pesos (562 USD) par mois. Le transport public au Chili est l’un des plus coûteux du monde en fonction du revenu moyen (arrivant à 30% du salaire minimum).
2. L'administration actuelle a réagi tardivement aux manifestations, qualifiant les manifestants de "criminels" à plusieurs reprises et démontrant son manque de capacités et de compétences face à la situation.
3. L'opposition n'a pas échappé aux critiques ayant réagi tardivement et n'ayant rien fait pour améliorer la qualité de vie des chiliens lorsqu'elle était au pouvoir, avec seulement des promesses d'amélioration de la qualité de vie des habitants du Chili, répétées par Piñera. [Les enquêtes en montrent aussi le discrédit de tous.]
4. Les manifestations ont principalement été menées par les étudiants, comme en 2006 et 2011. [Ils ont de fortes associations.]

Et 6 détonants (Résumé de BBC 21/10/2019)
1. Le système de pensions: Défini en 1982, il comptait sur 40 années de cotisations pour donner une pension de 70% des derniers salaires. Mais c'était sans considérer que pratiquement personne n'accumule ces 40 ans, que les lacunes -par perte du travail- sont nombreuses, et que beaucoup demandent à leur patron de ne cotiser que pour le minimum et non le traitement complet.
2. Santé: 80% des chiliens cotisent au Fond National (FONASA, public) et 20% à des assurances privées (Isapres), nettement plus chères. Ni les uns ni les autres ne sont contents. Les hôpitaux publics manquent de spécialistes et de fournitures médicales et ont de longues listes d'attente et, à part les consultations de médecins qui peuvent être faites hors des centres publics en payant une partie, les apports pour examens ou procédés permis dans le privé sont très faibles (et la différence très chère). Dans les Isapres, on réclame pour les hausses fréquentes des prix.
3. Transports en commun: La réorganisation faite à Santiago en 2007 a été un désastre et bien que l'organisation s'est beaucoup améliorée, se mécontentement s'est maintenu, surtout à cause des longs trajets et de la congestion dans le métro. Ce dernier a permis une notable amélioration (et il est déplorable que 5 de ses lignes aient été détruites, sans raison valable).
4. Privatisation de l'eau: Faite sous la dictature, il est incompréhensible que des privés aient obtenu des concessions perpétuelles, au préjudice des petits agriculteurs (surtout en période de sécheresse comme maintenant). Malheureusement, cela est inscrit dans la constitution, qu'il est difficile de changer.
5. Education et mobilité sociale: C'est un des secteurs où les apports de l'Etat ont été les plus hauts (avec, dernièrement, la gratuité de l'université pour 60% des étudiants), mais la ségrégation reste réelle depuis l'enseignement primaire.
6. Abus et corruption: Il y en a une liste presque interminable: collusion des fabriques dans la vente de papier de toilette et de couches, de producteurs de poulets et de chaînes de pharmacies, fraude dans le financement de partis politiques, dans les achats de l'armée et le paiement des chefs de la police uniformée, avec une sensation d'impunité car les procès durent des années.

Les élites du monde des affaires et les élites politiques ont resserré l'étau plus qu’elles ne devaient le resserrer (Extraits)
Par Paula Molina, journaliste (BBC, 21/10/2019)
Rien n'a arrêté la destruction des stations de métro de Santiago, le défi au couvre-feu imposé par l'armée, la frappe des caceroles répandue même dans les secteurs les plus riches de la ville, ainsi que le vandalisme et le pillage des supermarchés et des pharmacies ces derniers jours.
Pour la psychologue et docteur en études américaines Kathya Araujo, les attaques au métro sont un symbole. Le train souterrain, considéré comme l'un des plus modernes d'Amérique Latine, reproduit quotidiennement les inégalités de la société, la concurrence brutale et exige les mêmes efforts extraordinaires qu' impose à ses citoyens un modèle économique et social privilégiant l'individualisme et la libre concurrence.
Le métro est un endroit où on est obligé de fonctionner «comme dans une guerre contre les autres», où, pour grimper, nous devons nous battre contre tout le monde, où nous voulons ne pas être poussés mais où nous sommes obligés de pousser. Le métro sert également d'incarnation de l'inégalité lorsque vous voyez les stations de certaines lignes par rapport à d'autres. Le métro est comme notre société: on améliore les conditions de vie, mais pas la qualité de la vie.
Les salaires n’ont pas augmenté, l’endettement est très élevé et ce n’est pas une dette de consommation de luxe, mais de survie. C’est la tension dans laquelle nous nous trouvons au Chili.
Le problème est de savoir ce que nous allons faire dans le futur, ce qui est essentiel. La distance de l'élite politique chilienne est certes une partie de l'explication de cette crise, mais l'arrogance de l'élite chilienne est quelque chose qui n'appartient pas uniquement à l'élite politique, mais à l'élite en général: c'est comme s'ils ne s'étaient pas rendus compte qu'ils se trouvent dans un autre pays, avec d'autres personnes qui ont des idées beaucoup plus fortes qu'auparavant, qui ont d'autres attentes en matière de traitement, davantage d'attentes en ce qui concerne l'horizontalité.
C'est comme s'ils n'avaient pas découvert comment les gens avaient changé. Déjà en 2009, 2012 on pouvait voir que la société était de plus en plus en colère et avait de plus en plus tendance à réagir de manière excessive aux événements auxquels elle était confrontée. Les élites ne se sont pas rendu compte de l'ampleur du changement et, comme ils ne le réalisaient pas, continuaient avec ces tics de réaction comme s'ils parlaient au locataire de l'hacienda. Ils n'ont pas remarqué que le pays était en train de changer, qu'il demandait plus d'horizontalité, qu'il était plus conscient et que les bases de leur propre autorité devaient être différentes.
Je pense qu'il y a un secteur de personnes qui ne voudraient en aucun cas piller, ni tirer, ni se faire vandaliser. Mais je pense qu'il y a un secteur qui traverse les frontières. Il existe un groupe de personnes qui ne partagent pas certaines normes communes. Le pillage signifie que certains principes de la vie en commun ne semblent pas fonctionner pour un secteur de la population.
Et je pense que tout cela a à voir avec le fait que les élites commerciales et politiques, appliquant une certaine logique capitaliste dans le pays, ont resserré davantage l'étau plus qu’elles ne le devaient.
-
Un rappel: ceux qui votèrent pour Bachelet furent 26% des possibles électeurs; ceux qui votèrent pour Piñera furent 27%. Que pensent les autres?

15/10/2019

Octobre (a)

Politique
- Enquête du mois passé: 52,9% des citoyens estiment que le pays va par une route erronée; 48,5% réprouvent la gestion du président (une baisse de 10%) et seulement 15,5% l'approuvent (mais 33% selon une autre enquête!). 57,9% sont d'accord avec le marriage homosexuel (projet au parlement). 72% croient que les miracles existent, 60,9% croient aux esprits et 43,6% aux ovnis. Les seniors reconnaissent le prestige des médecins, ingénieurs, professeurs et hommes de science, mais pas des politiciens, religieux ni militaires; ils n'aiment pas le "style de vie artificiel" qu'ils croient promus par la science et la technologie.
- Le mouvement "Non+AFP", qui demande la suppression des fonds de pension et le retour au système public de répartition, a fait une manifestation qui n'a réuni que quelques dizaines de participants (photo). 85% des chiliens seraient partisans de pouvoir retirer tout ou partie de leurs fonds lorsqu'ils sont pensionnés (mais pas d'éliminer les fonds de pension). Le Tribunal Constitutionnel étudie si le droit de propriété permet ou non de réclamer ces fonds pour d'autres fins.
- Une salle de la Cour Suprême a déterminé qu'elle pourrait recevoir et étudier des appels contre les sentences du Tribunal Constitutionnel (TC), ce qui est nié par celui-ci, qui accuse la cour de vouloir "redessiner les compétences constitutionnelles". Il y avait déjà eu plusieurs décisions contradictoires des deux organismes, mais l'on considérait généralement que le TC avait le dernier mot. Par après, le président de la Cour Suprême a résolu d'arriver à un accord avec le TC par voie de dialogue sur le thème des compétences respectives, pour éviter que l'Exécutif n'intervienne pour préciser celles-ci via réforme constitutionnelle.
- Le Front Ample (groupe de partis d'extrême gauche) demande la nationalisation du cuivre, du lithium et de l'eau "pour financer les droits sociaux et créer une nouvelle matrice productive".

Economie
- L'activité économique a crû de 3,7% en août, au-dessus de ce qui était attendu.
- Les taux des crédits hypothécaires sont tombés à leur minimum historique: 2,07%. Mais les taux de prêts à la consommation continuent au dessus de 20%. Le montant des dettes des foyers est arrivé à 74,3% des entrées disponibles.
- Les fonds de pension ont eu, la dernière année, une rentabilité réelle de plus de 10% annuels.
- L'emploi dans le secteur public a eu sa plus forte hausse en un an, concentrant 67% des nouveaux emplois.
- Les employés publics demandent une hausse de salaire de 7% (et ils sont déjà les mieux payés du pays).
- Les factures d'électricité augmentent de 9,2%, en plus de l'augmentation de 10,5% qui eut lieu en juin, à cause de la hausse du dollar (base des contrats). En 3 ans, les compagnies minières ont réduit de 11% leur consommation d'électricité pour faire face au coût. Lea billets de métro et des trains régionaux augmenteront de prix et aussi les bus (vu l'augmentation pour eux du prix du pétrole, le Chili étant le 2e pays latinoaméricain avec l'essence la plus chère).
- 444 marques ont participé au "CyberMonday" de ventes spéciales par internet pendant 3 jours, avec des ristournes de 20 à 80% et une moyenne de 34%. Le total des transactions a atteint une valeur de 271 millions de dollars, 16,3% de plus qu'il y a un an. Cette croissance affecte les centres commerciaux, qui se voient forcés de changer leur structure et modèle de commercialisation, donnant plus d'espace aux zones de restauration et amusement, activités culturelles et même services médicaux.
- La firme chine State Gridm a réalisé une des plus grandes opérations de ce pays ici en investissant 2.200 millions de dollars en achat aux propriétaires américains de la compagnie d'énergie électrique Chilquinta (qui a 700.000 clients) et celle de Tecnored SA, qui lui proportionne la construction d'infrastructure, plus 50% de Eletrans SA, qui opère des services de transmission. En 2019, la Chine a investi ici 7.500 millions de dollars.
- La guerre commerciale USA-Chine a coûté au pays 10.000 millions de dollars, des suite de la chute du prix du cuivre.
- En 2010 est apparu à Santiago le premier building d'appartements destinés exclusivement à être loués, building complet d'un seul propriétaire, mais il y en a maintenant 43 (de propriété d'une seule personne ou d'une famille), totalisant 10.231 appartements, une nouvelle forme d'investissement qui était méconnue ici. Le loyer est en moyenne d'environ 1.1 € le m2 (par mois).

Sécurité
- Araucanie. Nouveux incendies de machines et attaques aux carabiniers. Un chauffeur de camion a été blessé d'une balle dans le dos. La violence rurale dans la région a augmenté de 71% cette année. L'intendant (gouverneur régional) reconnait que la débilité des forces de l'ordre est de ne pas pouvoir prévoir les faits. Le président Piñera a reconnu qu'il n'a pas eu les résultats espérés de contrôle de la violence.
- Les transporteurs de la région ont bloqué l'autoroute avec leurs camions pendant quelques heures en réclamation pour le manque de sécurité. Les dirigeants se sont réunis par après avec le ministre de l'Intérieur et ont demandé que soit décrété l'état d'exception dans la région (ce qui permettrait la participation des militaires).
- Le gouvernement a prévu 57.800 millions de CLP (73 millions d'€) pour le combat des incendies de forêts cette saison, 34% de plus que l'an passé.

Santé
- Les décès associés aux divers types de démence ont augmenté de 526% ces 20 dernières années.
- Le tribunal Constitutionnel a confirmé la norme qui permet les services d'optométrie dans les magasins de lunettes (qui avait été objectée par les ophtalmologues).
- Le Service des Consommateurs a détecté une différence de prix entre les médicaments de marque et les bioéquivalents de jusque 181.000 CLP (230€) et des différences de prix de jusque 932% entre pharmacies.
- Le président Piñera a annoncé 30 nouvelles mesures pour assurer un meilleur accès aux médicaments, en particulier la création de magasins dans les communes où il n'y a pas encore de pharmacie et l'obligation pour toutes les pharmacies d'avoir un stock permanent de bioéquivalents. Il a aussi annoncé de fortes amendes pour les pharmacies qui ne respectent pas les nouvelles règles.

Climat
- A droite: carte du déficit de pluie (sécheresse).
La sécheresse commence a affecter sérieusement la vie dans les villages des zones affectées: 15% des habitants d'un village proche de Coquimbo ont déjà émigré a cause de la situation. Le gouvernement espère pouvoir augmenter de 34% les barrages destinés à l'arrosage et l'eau potable. 120 tonnes de fourrage ont été données par des éleveurs d'autres régions.
- Les grands agriculteurs ont assuré qu'ils sont disposés à sacrifier des cultures si cela est nécessaire pour assurer la disponibilité d'eau potable pour consommation humaine.

Science et environnement
- Le ministère "de la Science, la Technologie, la Connaissance et l'Innovation" a commencé à fonctionner officiellement ce mois, avec 45 fonctionnaires.
- Les investissements en projets qui sont en étape d'évaluation écologique ont augmenté de 123% cette année.
- La coupe illégale d'arbres dans les forêts natives a atteint 10.000 ha depuis 2013.
- Les incendies de forêt ont commencé, dans la région de Valparaiso.


EXTRA: Maladies catastrofiques
(Extrait de La Tercera, 5/10/2019)
Il y a quelques années encore, le sort de ceux qui avaient la maladie d'Atrofie Musculaire Épinale, principalement des enfants, était fatal, mais la mise au point d'un médicament coûteux avait modifié ce cours.
Le médicament nécessaire fut demandé là où une petite fille est normalement traitée, mais on y a signalé qu'il n'existait pas de ressources pour acheter le produit: il dépassait de 110% les fonds disponibles fixés par le ministère des Finances pour l'ensemble du catalogue de médicaments. car 1,1 milliard de dollars devraient être investis seulement pour la première année de traitement.
Comme il existe ici un programme de financement pour des médicaments très chers pour des maladies catastrophiques, mais celui requis n'est pas dans la liste, les parents de ces malades réclament en justice, se basant sur la constitution qui assure la protection de la vie. La troisième chambre constitutionnelle de la Cour Suprême est passée de deux sentences favorables aux patients en 2016 à 13 en 2018, alors que le coût associé à ces décisions impliquait une dépense fiscale de 3,5 millions de dollars. Aujourd’hui, selon les informations fournies par le Conseil de Défense de l’Etat, 14 demandes de financement de traitements sont en cours.
Le problème est que les sentences semblent oublier le problème complexe de la justice distributive, à savoir comment la communauté résout le difficile problème de la distribution de ressources limitées pour protéger la santé des citoyens. Ce que ces sentences accordent à un citoyen, il le privent à un autre, sans soupeser les critères de justice, d'efficacité et d'utilité, ce qui empêche l'élaboration et la mise en œuvre d'une politique publique, car la Cour Suprême a défini l'obligation que l'État doit remplir. C'est une jurisprudence uniforme qui stipule que le droit à la vie doit primer sur les budgets publics.
[Les familles qui ont une assurance de santé privée peuvent être couvertes par elles, mais le problème est pour ceux qui sont couverts par le Fond National de Santé ou sans couverture.]