31/01/2020

Janvier 2020 (b)

Politique
- Le président Piñera a demandé à ses ministres de ne pas manifester leur préférence en relation au referendum sur la nouvelle constitution, mais cela n'a pas plu à la coalition de droite.
- Le président a aussi fait conna[itre son projet de réforme du système de pensions, envoyé au parlement. Les cotisations seront augmentées de 3% en faveur de chaque travailleur et 3% de plus pour un fond solidaire. Cela permettrait une augmentation de 30% de la pension future de ceux qui commencent maintenant à travailler (sur le compte de leur fond individual), et immédiatement de 20% pour les hommes et 32% pour les femmes qui ont en ce moment les pensions les plus basses. Il y aura aussi de nouvelles normes pour les administrateurs de fonds de pensions. L'opposition a manifesté son désagrément, désirant des changements plus profonds et que les 6% ayent au fond solidaire.
- Le Parti Socialiste s'est divisé. Les sortants accusent le parti d'abandon de son "projet historique", ce qui l'a rendu méconnaissable.
- Selon le Centre d'Etudes Publiques, 81% des chiliens estiment que le gouvernement a répondu mal ou très mal à l'explosion sociale; la confiance dans le gouvernement n'est plus que de 5%, l'approbation du président de 7%, celle du parlement de 3 % et des partis de 2% (les niveaux les plus bas depuis 1990). 47% croient que la démocratie fonctionne mal ici mais la préfèrent. 70% affirment n'avoir assisté à aucune manifestation et 55% les ont approuvé, mais 68% des jeunes de 18 à 24 ans y ont assisté et affirment avoir senti "beaucoup" de tension avec la crise sociale, mais peu de peur, alors que les plus de 45 ans signalent avoir senti à la fois "peu de tension" mais plus de peur. 37% de ces jeunes admettent les barricades et la destruction et 13% les mises à sac et incendies de magasins. L'Eglise catholique n'a plus que 16% d'adhésion.
- Le parlement a approuvé - par une très étroite majorité et la division de l'opposition - la loi qui établit comme délit "l'altération de l'ordre public" et fixe des sanctions spéciales pour les mises à sac, l'établissemnt de barricades et le lancement d'objets pouvant causer des blessures. Pour une partie de l'opposition, c'est "la criminalisation des mouvements sociaux". Le Front Ample réclamera devant le Tribunal Constitutionnel, estimant que c'est contraire au droit de réunirse.
- Selon International Transparency, le Chili et l'Uruguay sont les deux pays les moins corrompus d'Amérique latine.
- Un groupe de femmes a formé un "Parti d'Alternative Féministe" dont l'objectif est de pousser les femmes à participer au processus constituant.
- Le seul sénateur chilien qui a fait les louanges du président Maduro et de sa dictature au Vénézuéla et qui a félicité les délinquants qui attaquent la police, a organisé un forum sur les droits humains au parlement, où la violence a été acceptée comme moyen d'action, et personne de la gauche n'a soufflé mot.

Economie
- 32% des exportations vont vers la Chine: surtout cuivre, fruits et vins.
- Selon The Economist, le Chili a amélioré son niveau de démocratie, alors que la moyenne a baissé dans le monde. Il est le 2° pays le plus démocratique d'Amérique Latine, après l'Uruguay, et il est 21° sur l'échelle mondiale. La ponctuation du pays a monté "grâce" aux manifestations et aux mesures prises par Piñera en réponse à elles.
- Le niveau de désemploi à Santiago se monte à 8,8%, 1% de plus qu'avant la crise d'octobre.
- La réforme tributaire est finalement sortie approuvée par le parlement: Il y aura une hausse des taxes sur les revenus les plus hauts et les logements de luxe. Les services de streaming devront payer la TVA (19%).
- Des suites de la crise sociale, 16,2% des émigrants désirent quitter le pays alors que 52,7% prétendent rester ici de façon permanente.
- De puis le 18 octobre (début de la crise) le nombre d'endettés en retard de paiement a augmenté de 102.000.


Sécurité
- Les attaques à des comissariats de police ont continué, avec policiers blessés.
- Des incidents (saccage de commerces, barricades et attaques à la police) se sont multipliés la nuit après qu'un camion des carabiniers a renversé et tué un un piéton lors d'une échaufourée à la sortie d'un match de football. Ce fut la nuit la plus violente depuis octobre. Le chauffeur du camion s'était caché le visage car il recevait des pierres lancées contre son parebrise.
- Les dommages causés à l'infrastructure du pays depuis le 18 octobre se monteraient à 1.400 millions de dollars.
- Un supermarché d'Antofagasta a été mis à sac pour la 17e fois!
- Le Front Ample demande la réforme de la police, considérant qu'elle "n'assure pas la protection des gens sinon la répression". L'exécutif pense la compléter d'ici 2027 (vu le temps de formation des nouveaux officiers). Elle s'inspirerit des polices d'Allemagne et Espagne.

Santé
- Une étude du Département d'économie du Ministère de la Santé a révélé que les familles allouent en moyenne 84.791 CLP (111€) par mois dans ce domaine, ce qui représente une augmentation de 67% par rapport à la mesure effectuée en 2012.

Science et environnement
- Selon Microsoft, le Chili est le mieux préparé de la région pour accélérer le développement et étendre les bénéfices de l'intelligence artificielle, apportant de nouveaux emplois, plus de productivité et de croissance.
- 98% de chiliens croient que le pays n'est pas préparé pour faire face au changement climatique.
- Nombreux incendies de forêts, avec des milliers d'hectares brûlés dans le centre-sud, alors que l'"hiver bolivien" innonde de boue des communes du grand nord. Le président Piñera a visité la zone et décrété "zone de catastrophe", ce qui permet d'y destiner des ressources extraordinaires.
- Le déficit de pluie dans la région centrale a atteint 80%.

EXTRA: Détérioration des institutions: un danger pour la démocratie
(La Tercera, 21/1/2020)
D'après la lecture de la dernière enquête, il est possible de conclure que le pays traverse le pire moment depuis le retour à la démocratie. C'est ainsi que la majorité se déclare "en colère", la confiance dans les principales institutions s'est effondrée - avec le gouvernement, le Congrès et les partis politiques en fin de tableau.
Il est possible que le tableau de l'effervescence sociale prédispose les citoyens à une vision plus négative de la réalité, mais ces résultats doivent être liés à des études antérieures, qui coïncidaient avec une détérioration institutionnelle progressive. Il convient de rappeler qu'en juillet 2016, l'ancien président Ricardo Lagos avait diagnostiqué que le pays traversait «la pire crise politique et institutionnelle que le Chili ait connue». Le tableau n'a cessé de s'aggraver et semble être entré dans une spirale dont la sortie est inconnue.
En raison du long temps que prend l'affaiblissement des institutions, il semble que la citoyenneté ait commencé à se résigner à cette idée, et ne lui accorde probablement pas une plus grande pertinence. Ainsi, le fonctionnement du pays semble s'être dissocié des institutions, générant un dangereux mirage de «normalité», en faisant croire que cela est possible en dehors des processus institutionnels. Une telle situation s'est révélée profondément erronée: lorsque les institutions et les partis politiques perdent de leur pertinence, un terrain fertile s'ouvre aux aventures populistes, aux réactions autoritaires et à la perte progressive de l'état de droit, favorisant les cadres de déstabilisation qui ont un grave impact sur la croissance économique.
Le pays ne peut pas continuer dans cette voie mais, de façon alarmante, les responsables des institutions elles-mêmes ne semblent pas trop s'inquiéter. Le Congrès a préféré consacrer une partie importante de son temps à des accusations et interpellations constitutionnelles, retardant le traitement de l'agenda social. Les juges et les procureurs ne semblent pas non plus être principalement préoccupés par la faible évaluation du pouvoir judiciaire, tandis que l'exécutif semble avoir perdu son chemin sur la manière de donner au gouvernement une orientation en phase avec la majorité qui l'a porté au pouvoir.
Il est urgent de récupérer les leaderships avant que les dégâts ne soient encore plus importants. Ceux qui ont la responsabilité des institutions sont appelés à passer à l'offensive, afin qu'ils retrouvent leur crédibilité, puissent canaliser les demandes des citoyens - sécurité sociale, éducation et ordre public - et guider la direction que le pays doit suivre. Cela est d'autant plus nécessaire que, selon l'enquête, les citoyens semblent très confus sur le moment actuel, ce qui rend les routes de sortie difficiles, et parce qu'il est peu probable que dans ce contexte le plébiscite d'avril résoudra seul cette crise.

Au Chili, il y a un "capitalisme d'amis" et de "gendres" (Extraits)
Par Luigi Zingales, économiste de l'U. de Chicago (CNN, 16/1/2020)
Nous traversons des moments importants, le Chili sort de 30 ans de succès économique phénoménal: le revenu par habitant a beaucoup augmenté, l'éducation aussi, la pauvreté a considérablement chuté et même les iniquités ou inégalités ont diminué malgré le fait que dans le reste du monde nous avons vu une tendance dans la direction opposée.
Si tout cela se passait, pourquoi avons-nous vu cette épidémie sociale et tant de manifestations violentes? Nous ne pouvons pas oublier ou ignorer la violence. Nous ne pouvons ignorer la colère qui y a conduit. Derrière cette colère, il y a un problème et ce problème doit être résolu si nous voulons que la croissance chilienne se poursuive à l'avenir.
Plutôt que de critiquer le capitalisme, il faut mettre en cause sa mauvaise application dans des contextes où quelques uns concentrent le pouvoir et le capital par la manipulation sélective des règles du système -qu'ils connaissent mieux-, ce qui ouvre les brèches d'inégalité, génèrant des injustices au détriment des plus vulnérables.
En Italie, une situation similaire se produit (dans le football): quand une équipe gagne, l'autre accuse. C'est une expression de rage. Mais si l'on commence à remettre en question l'impartialité de l'arbitre, alors la colère devient un mouvement, de la violence dans les manifestations.
Quelle que soit la qualité des indicateurs économiques, si la couche sociale n'est pas prise en compte et si les inégalités se développent, ce déséquilibre se manifeste tôt ou tard. Ce que je vous dis, c'est que, malgré le grand succès de l'économie chilienne, la raison pour laquelle beaucoup de gens ont besoin d'exprimer leur protestation c'est parce qu'ils ont le sentiment que l'économie chilienne est faible et je crains que ce n'est pas une mauvaise perception, mais que c'est très réel.
Ce que je dis aux étudiants du MBA qui vont à l'Université de Chicago: je pense que l'économie chilienne ressemble à un pays emblématique en termes capitalistes. Mais je pense qu'il y a un meilleur terme: c'est un capitalisme d'amis, de gendres. En fin de compte, l'idée est la même. Je ne dis pas que le Chili n'est pas capitaliste, c'est vrai, mais ils ont adopté un capitalisme qui ne produit pas d'avantages pour tout le monde et il existe différents types de capitalisme et s'ils ne comprennent pas cela, ils seront en difficulté.
Au Chili, les conglomérats subventionnent, car de cette façon, ils ont un crédit tarifaire pour les taxes. Chaque fois que les choses augmentent, ils ne perdent rien. En conséquence, très peu de personnes, par le biais des conglomérats, peuvent concentrer beaucoup de pouvoir. Ensuite, la possibilité d'être dans la même pièce avec des gens qui conspirent [pour des accords de prix] est maximisée. Ils faut imposer des tarifs appropriés aux entreprises et cela va changer le système. Cela a été approuvé par (Theodore) Roosevelt aux États-Unis et cela a très bien fonctionné, il y avait de nombreuses pyramides qui contrôlaient les services publics et qui n'existent plus. Il faut punir plus sévèrement la collusion et faire une réforme fiscale.

Malaise dans le Chili profond (Extraits)
Par Gaston L'Huillier, ingénieur (La Segunda, 23/01/2020)
Derrière le malaise citoyen, de toute exigence légitime, du rejet des abus et de la crise de représentation, il semble que le problème fondamental soit notre mode de vie. Pour quelque chose, le mot qui émerge de ces explosions sociales est «dignité». Parce que la vie actuelle est indigne. Il n'y a pas de temps pour la famille, les loisirs, le sport ou pour jouir de l'important. Même si les demandes seront satisfaites et que les abus se terminént, l'inconfort continuera.
Ce mode de vie déshumanisant, dans lequel l'homme ne devient qu'un facteur productif, dans un monde tourné vers la croissance infinie du PIB, semble avoir commencé au XVIIe siècle, lorsque Frère Bacon pensait que l'énergie de l'homme devait être utilisée dans la production et le commerce.
La pensée actuelle est que la vie elle-même se défend et se rebelle lorsque l'homme se transforme en facteur productif. Parce que si c'est tout ce qu'il a à faire, c'est une vie vide de sens, et l'homme doit donner un sens à sa vie.
Tant que la qualité de vie, qui est centrale, ne s'améliore pas, cette croissance permettra au moins de répondre à des demandes sociales raisonnables. En revanche, de jour en jour, les personnes qui ne veulent plus de violence augmentent. Comme à d'autres moments de notre histoire, l'anarchie finit par effrayer la majorité qui choisit de maintenir le système. Même lorsque les anarchistes, à une époque populaire, finissent par être punis et exclus. Ce Chili profond a deux états discontinus, sans termes moyens: nous sommes modérés jusqu'à ce que nous réagissions de façon extrême au moment de la lutte. Si nous n'apprenons rien des tentatives infructueuses [du passé] et ne nous contrôlons pas, pour développer uniquement des mouvements pacifiques, comme la grande marche qui a mobilisé plus d'un million de personnes, nous mettrons fin sans succès aux changements que nous voulons et persécuterons à nouveau les coupables, qui sont précisément ceux qui exacerbent la violence.

14/01/2020

Janvier 2020 (a)

Politique
- Le président Piñera a envoyé sur les réseaux sociaux un salut de Nouvel An, qualifiant 2019 d'annéee "dure et difficile, qui a laissé des blessures dans le corps et l'âme du pays. Il nous faudra être capables de soigner ces blessures, les ouvrir et les comprendre pour qu'elles puissent guérir. Pour cela il est nécessaire de récupérer l'amitié, la capacité de dialogue et d'accords. Il est légitime d'avoir des idées différentes, à condition qu'elles ne nous empêchent pas de travailler ensemble et construire un meilleur avenir pour tous....".
L'approbation du président début janvier est de 10% por 82% de réprobation.
- L'appui à la rédaction d'une nouvelle constitution est maintenent de 72%. Les contraires ne seraient que 6%. 30.000 millions de CLP (35M d'€) seraient destinés à la publicité du referendum.
- Les deux principaux partis de droite se sont mis d'accord pour faire ensemble la propagande pour le refus à une nouvelle constitution. Selon le Service Électoral, la propagande officielle ne pourra commencer que le 26 février.
- Une enquête faite par les étudiants de sociologie de l'Université du Chili a conclu que 32% de ceux qui se manifestent habituellement au centre de Santiago ont complété l'éducation moyenne, 32% ont aussi un titre universitaire et 10% même un postgrade. 75% ont moins de 39 ans; 47% sont des "habitués"; 64% ne sont membres d'aucune organisation.
- 20% des chiliens croient que la "mobilisation sociale" durera plus d'un an et 65% qu'elle durera plus de 4 mois car ils ne voient pas de résolution des problèmes. 77% sont d'accord avec les manifestations. (Enquête de début décembre). La population sent que les parlementaires ne font rien et que les discours du président ne sont ni amitieux ni "connectés".
- Les députés d'un des deux principaux partis de droite ont affirmé que le procédé d'élaboration de la nouvelle constitution prendra beaucoup de temps mais que les changements principaux sont urgents et devraient se faire inmédiatement. [Cela est possible par une réforme que peut réaliser le parlememnt actuel]. (Mais personne n'a recueilli la suggestion.)

Sécurité
- Une cinquantaine de "manifestants" ont attaqué et incendié l'église institutionnelle des Carabiniers, y profanant même des tombes, tandis qu'un autre groupe détruisait et mettait à sac des magasins voisins. Les policiers qui y montaient la garde se retirèrent, faute de pouvoir utiliser leurs armes suite à des sentences judiciaires.
- Un comissariat de police a été attaqué 5 nuits de suite, par 300 personnes, dans la commune proche de l'aéroport de Santiago. Il y eut des carabiniers blessés et 6 arrestations. Il avait déjà été attaqué plus de 30 fois et plus de 160 comissariats du pays ont été attaqués au total plus de 300 fois depuis le 18 octobre. Selon la police, agissent principalement des narcotrafiquants qui tentent ainsi d'affirmer leur contrôle.

Economie
- Le ministre des Finances a proposé l'Australie et la Nouvelle Zélande comme références pour l'économie du pays dans la prochaine décade. Il calcule qu'une réponse complète aux réclamations sociales demanderait 8% du PIB et de 30 à 40% "de la dimension de l'État", ce qui n'est pas possible d'un seul coup. La réforme tributaire prévue représente 1% du PIB.
- L'activité économique est tombée de 3,3% en novembre passé.
- Depuis le début de la crise, 165.000 personnes ont perdu leur travail.
- 2019 a montré une croissance de 2,9% de la dette moyenne des chiliens, qui atteint maintenant le niveau record de 75% de leurs rentrées annuelles.
- La hausse de l'index des prix en 2019 a été de 3%.
- 40.000 emplois se perdraient cette année dans le secteur de la construction des suites de la baisse d'investissements.

Science et environnement
- La fumée provenant des incendies d'Australie contamine la neige des hauts sommets de la cordillère des Andes.
- 98% de chiliens croient que le pays n'est pas préparé pour faire face au changement climatique.

Santé
- Le président Piñera a envoyé au parlement un projet de loi qui réforme le Fond National de Santé, qui contemple un plan universel de santé, lequel fixera un délai maximum de résolution des demandes. Les consultations et opérations qui ne seraient pas réalisées dans le système public dans les délais établis pouvant alors être réalisées dans le privé mais financées par le Fond public. Le fond couvrirait aussi jusqu'à 60% du prix des 200 médicaments les plus souvent ordonnés et une assurance pour maladies catastrophiques et chirurgies de haut coût. Les assurances privées seraient seulement des compléments du plan universel et non une alternative totale comme a présent. L'opposition est mécontente car cela fera passer des fonds publics aux privés [mais alors il vaut mieux pour eux que les patients attendent un an ou plus?]
- Le président a promulgué la loi qui permettra de baisser le prix des médicaments les plus utilisés jusque de 80% d'ici 2022, en commençant d'ici 3 mois par l'offre dans les pharmacies non dépendantes des grandes chaînes. Cela sera possible grâce au pouvoir d'achat de l'organisme qui pourvoit de médicaments les hôpitaux publics, qui servira aussi dorénavent pour pourvoir les pharmacies.

Education
- 297.000 étudiants ont rendu l'épreuve d'admission aux universités. Environ 80.000 ont été affectés par des manifestations d'étudiants de secondaire qui veulent que cette épreuve soient supprimée, soit trouvant l'accès aux locaux bloqués soit ayant vu interrompue leur asssistance, devant alors se représenter un autre jour et à un autre local à la fin du mois. Le Parti Communiste appuya ces "manifestations légitimes contre un système qui reproduit l'inégalité, mais vient alors le bras armé répresseur qui les attaque et criminalise". Valparaiso fut la ville la plus affectée. L'épreuve d'histoire et géographie a dû être annulée car elle avait été filtrée sur les réseaux sociaux et ne se réaliserait pas, mais il y a eu recours en justice pour qu'elle se fasse vu son importance pour plusieurs carrières. On cherche le responsable de la filstration. Et le Conseil de Défense de l'Etat a mis en route 16 procès contre 36 personnes qui ont convoqué et participé aux manifestations qui ont altéré la réalisation de l'épreuve d'admission. 63% des chiliens sont contraires à ces manifestations.


EXTRA: Le chantage de la nouvelle violence
Par Sergio Muñoz, analyste politique (La Tercera, 2/1/2020)
Il nous en coûtera pour surmonter les ravages de la crise sur le plan économique et social, mais peut-être beaucoup plus dans le domaine politique, culturel et émotionnel. On a dit que "Le Chili a besoin de paix, mais avec justice sociale." Le mot important est "mais", qui a valeur d’avertissement: s’il n’y a pas de justice sociale, il n’y aura pas de paix, ou ce sera une paix qui ne vaudra pas la peine d’être défendue. C'est plus ou moins la même chose que de nombreux parlementaires de l'opposition et d'anciens ministres de Bachelet laissent entendre. C'est également ce qui est proclamé par les groupements de la "table sociale" dont le noyau sont des agents publics qui affichent un record de grèves avec un salaire garanti.
Ces secteurs ont conclu que l'effondrement de la paix leur était politiquement bénéfique et que, par conséquent, la politique devait être menée de manière à tirer parti de la peur généralisée de la population face à de nouvelles flambées de violence et de destruction. Ils disent qu'ils ne partagent pas le vandalisme, mais ils l'utilisent finalement comme un instrument d'extorsion. C'est l'explosion du cynisme.
C'est pourquoi ils ont besoin de tension et de crispation pour se maintenir et de "vendredis héroïques" [jours de manifestations] pour continuer. C'est le culte de La Rue, cette déesse arbitraire devant laquelle plusieurs pré-candidats présidentiels sont prêts à «danser pour passer» aujourd'hui. Pendant ce temps, beaucoup de gens se demandent s'il est devenu vraiment dangereux de donner librement leurs opinions sans risquer d'être insultés, si la capture du pays par des fans et des inquisiteurs est irréversible. C'est, sans aucun doute, la plaie la plus profonde laissée par une crise qui, dès le début, a eu des militants de rupture institutionnelle, mais qui a également été favorisée par ceux qui ont vu une opportunité pour leurs désirs de pouvoir. Les deux sont frustrés aujourd'hui parce que Piñera est toujours à La Monnaie [le palais présidentiel], alors que les calculs étaient autres.
À partir d'octobre, il est devenu clair à quel point l'engagement de la majorité des partis d'opposition concernant les procédures de la démocratie représentative est accommodant: ils [ne] semblent valables [que] tant qu'ils gouvernent. C'est une manière d'agir qui étend une énorme ombre sur l'avenir et qui fait naturellement douter des perspectives du processus constitutif.
Quelles valeurs prévaudront dans notre pays? Ce n'est pas écrit, bien sûr. Rien n'est garanti. Nous avons déjà vu le poids des "arrangements" aujourd'hui. Nous devons nous battre pour que les égarements populistes ne soient pas imposés. La première chose est la loyauté aux fondements de la démocratie, ce qui implique de rejeter la violence sans hésitation. Nous devons miser sur la civilité, le respect et la rationalité.
Le Chili a la force pour aller de l'avant, mais ils doit s'unir dans un même effort pour guérir les blessures, assurer la stabilité institutionnelle et retrouver le dynamisme de l'économie. Ce n'est qu'alors que nous pourrons avoir une société plus juste.

Epreuve d'entrée à l'université: déroute pour le peuple (Extraits)
Par Cristián Valenzuela, avocat (La tercera, 9/1/2020)
L'Association des Etudiants du Secondaire a célébré le résultat [de ses manifestations] en déclarant que l'échec de l'épreuve était un "triomphe pour le peuple" et que le DEMRE [organisateur] et le Conseil des Recteurs auraient pu prendre d'autres mesures et ne pas être submergés du fait de "ne pas écouter le peuple". Interprétation curieuse de ces jeunes révolutionnaires, qui s'arrogent la représentation du peuple pour justifier les graves dommages qu'ils ont causés à près de 300.000 étudiants et leurs familles, leurs illusions et les efforts consentis dans ce processus.
Parlons de la vérité: le boycott de l'épreuve n'a rien à voir avec le test lui-même ou avec les mécanismes de sélection des universités. C'est une autre barricade qui est mise dans la rue pour déstabiliser notre institutionnalité et affaiblir le gouvernement; un acte plus lâche de cette première ligne de personnes idéologisées et incontrôlées, qui cherchent à attirer l'attention à travers ces actes irrationnels qui nuisent et ne contribuent ni à la paix ni au progrès du pays.
Mais contrairement aux danses forcées pour pouvoir passer dans la rue, l'évasion dans le métro ou les barricades physiques qui sont mises en place pour interrompre la circulation, la barricade universitaire à l'épreuve est un acte violent qui nuit particulièrement aux plus pauvres et augmente considérablement la vulnérabilité des familles sans privilèges ni opportunités. C'est, contrairement à ce qu'ils pensent, une défaite retentissante du peuple.
Parce que ce ne furent pas les communes riches les plus affectées, sinon les autres. Et parce que contrairement aux plus privilégiés, qui ont des alternatives, des ressources et des titres pour retarder leur entrée à l'université ou pour s'occuper de l'enseignement supérieur, il y a des milliers de familles qui ont tout misé pour permettre à leurs enfants d'étudier et qui n'ont que cette possibilité ci d'y parvenir. En la boycottant, la seule chose que les vandales ont réalisé a été d'aggraver ces inégalités et laisser en suspens une génération où beaucoup d'entre eux n'auront pas une nouvelle opportunité d'entrer à l'université.
De la même manière, ceux qui croient que le processus constitutionnel peut survivre à la violence et au chaos qui devraient reprendre en mars et s'intensifier vers avril, se trompent fortement. Si nous projetons ce qui s'est passé avec les 700 sièges de l'épreuve aux milliers de bureaux de vote où le plébiscite sera réalisé, le panorama n'est pas très encourageant. Si l'on ajoute ensuite le fonctionnement permanent d'une convention constitutionnelle, rendant examen quotidien sur des questions beaucoup plus complexes, qui touchent des millions de chiliens, et exposée aux pressions de différents groupes d'intérêts dans ce cadre de violence, l'avenir est sombre.
Ne laissons pas les faux prophètes du peuple imposer leur vision sur ce que le peuple veut ou ne veut pas.