14/05/2021

Le Chili au bord du précipice

1. Le gouvernement de Piñera est devenu intranscendant (Extraits)
(Deutsche Welle, 10/0i/2021)

Quels scénarios s'ouvrent, dans ce contexte défavorable, pour Piñera et son équipe?
Pour l'analyste Kenneth Bunker, le gouvernement est depuis longtemps devenu un gouvernement administratif. Après les élections du 15 mai, l'attention politique va se concentrer sur la Convention constitutionnelle, qui commencera à fonctionner en juin, et les futures élections présidentielles, qui auront lieu en novembre. Dans ce calendrier, le gouvernement trouvera à peine une place: il ne va pas passer au second plan, mais au troisème plan.
Piñera a eu l'occasion de travailler sur la proposition constitutionnelle de (l'ancienne présidente Michelle) Bachelet, et l'a ignorée. Il eut de nombreuses occasions d'éviter l'explosion sociale, car les signaux étaient là, et le gouvernement ne l'a jamais fait. Et lorsque l'explosion sociale est survenue, le gouvernement était hors jeu. Ce gouvernement arrive en retard, mal, et parfois n'arrive pas du tout, et les gens s'en rendent compte. Il a perdu beaucoup de pouvoir et a donc besoin de quelqu'un pour l'aider à comprendre les processus sociaux en cours. Dans ce qui reste, le gouvernement ne pourra promouvoir aucune de ses initiatives, car il n'a pas le soutien du Congrès ni du peuple.
Pour l'historienne et analyste Josefina Araos, l'essentiel est d'assurer un minimum de gouvernance et pour cela il est essentiel de se concentrer sur la consolidation de l'accord qui a été généré avec la présidente du Sénat, Yasna Provoste. C'est ce qui permettra de compenser la faiblesse du gouvernement et de briser [peut-être!] la dynamique d'obstruction entre le Congrès et l'exécutif. L'alternative pour Piñera est de se consacrer à la consolidation du processus de vaccination, son principal succès après le début de la pandémie, et à apporter une aide efficace aux personnes. Il est resté seul et sans autre marge d'action, ayant même perdu le soutien des membres des partis au pouvoir.

2. Au bord du précipice
Sergio Hirane, ingénieur commercial (TV La Red, 2/05/2021)

On dit que le Chili est au bord du précipice. Qui donnera le dernier coup d'épaule[pour qu'il tombe]? Ce sera le président Piñera avec son intervention politique? Ce sera Pamela Jiles avec sa farandole populiste? Ce sera Jadhue (communiste), avec sa formule vieille et échouée? Ce seront les politiciens de droite contagiés par le virus du populisme? Ce sera le tribunal constitutionnel avec son abandon évident de ses fonctions? Ce sera le parlement avec son coup d'état mou? Ce seront les syndicats idéologisés? Ce sera la presse qui crée des réalités selon son bon plaisir? La situation que nous vivons est si critique et fragile que n'importe qui peut donner le coup de grâce à notre pays.
Mes sentiments sont de peine et de rage. Peine, parce que avons été le pays avec le plus de succès de l'Amérique Latine et un référent pour toutes les universités du monde en matière économique. Quelques données irréfutables. Vous vous souvenez quand nous avions 500% d'inflation? Aujourd'hui nous avons environ 3% par an. Rentrées per capita de 1.600 dollars en 1973, à 23.000 dollars [en 2019]. Quelques uns diront "Bien, mais cela n'arrive pas aux plus pauvres." Un autre mensogne du populisme! La pauvreté s'est réduite de 45% à 8%. Maintenant, elle recommence à augmenter. L'espérance de vie, qui est très importante comme indicateur, était de 71 ans [il y a 40 ans] mais aujourd'hui près de 81 ans, la plus haute du monde! Avant le 2000, n'entraient à l'université qu'environ 140.000 personnes; aujourd'hui, cela a augmenté à 1.400.000, et 70% sont la première génération de leur famille. S'il vous manque encore des données, en 1980, 20% des chiliens avaient accès à des biens durables comme les frigos, les téléviseurs, etc.; aujoudh'hui ce sont près de 98%. Dans le cas des autos, seulement 18% en avaient; aujourd'hui, ce sont 50%.
Ces données et beaucoup d'autres, comme l'accès à l'éducation supérieure, aux logements, à la santé, etc., forment ce que dans le monde on a appelé le "miracle économique chilien". Malgré ces données empiriques, quelques uns continuent à dire que le problème est l'inégalité. Une autre afirmation fallacieuse. S'il est bien certains que certains pays de régime socialiste sont "plus égaux", cette égalité se fait dans la misère. Alors, qui devons-nous croire? Ceux qui se basent sur les données ou ceux qui se basent sur les histoires? Les données ne peuvent être démenties; les histoires peuvent se construire sur la base de mensonges. Une étude de l'OCDE, a montré que le Chili a eu la plus grande mobilité sociale des pays de ce groupe et l'indice de développement humain le plus haut d'Amérique Latine. Ce qui précède me donne beaucoup de peine, et me fait rager le fait que l'élite politique du pays se sent avec le droit d'hypothéquer l'avenir de millions de compatriotes avec des tricheries, des mensonges, du populisme débordant déguisé de justice sociale, la majorité d'eux motivée par leurs intérêts personnels. Je demande pardon aux bons leaders politiques qu'il y a mais, malheureusement, ils se mimétisent et se diluent dans la pire classe politique de notre histoire. Seulement pour démontrer le niveau de politiciens que nous avons, je vais terminer cet éditorial en montrant un message sur Twitter de la députée Pamela Jiles, de la dernière semaine, qui a "mis la musique" à laquelle dansent bien des politiciens: "Non, Yasna Provoste [présidente du sénat]! Que fais-tu au palais présidentiel avec un assassin accusé de crimes de lèse-humanité [le président Piñera!]? Sors de là, alors que nous pataugeons dans la boue! Sors de là! Au dehors du palais, les gens sont réprimés [ce qui est faux].". Que peut-on faire avec ce type de leader?
Note: Au moment de ce message de Jiles, la présidente du sénat et le président de la chambre étaient réunis avec le président Piñera et quelques ministres pour explorer les mesures sur lesquelles le gouvernement et l'opposition pourraient se mettre d'accord dans les prochaines semaines.