31/07/2021

Juillet (b)

Santé (au 31/07)
- Contagiés actifs actuels: entre 8.000 et 11.000 (chiffres contradictoires selon les sources). (Moins 48% en 15 jours). 32 contagiés de delta.
- Taux de reproduction (R) moyen: 0,8 (1,97% positifs pour les tests PCR, en moyenne, mais 0% dans 4 régions et plus de 5% dans 10 communes de Santiago)
- Total des cas: 1.600.000 - Statistiques dynamiques 
- Patients en ventilation mécanique: environ 1.800 (en forte baisse). (Graphique évolutif).
- Décédés: 35.366 confirmés positifs.
- Vaccinés: 85% de la population objectif et 80% de toute la population adulte avec 2 doses.
- On propose maintenant de vacciner les enfants à partir de 3 ans. (Le plan de vaccination est arrivé aux jeunes de 14 ans.) Une 3e dose serait donnée "à des groupes limités" peut-être à partir de septembre. Le groupe d'experts conseillers du ministère de la Santé a aussi recommendé la vaccination obligatoire pour tout le personnel de santé et les forces de l'ordre, mais le minstère répond qu'il ne peut les obliger du fait que les vaccins ont été approuvés comme "mesure d'urgence".
- Toute la région métropolitaine et plusieurs autres ont avancé d'un nouveau pas en déconfinement. L'horeca pourra ouvrir les week-ends, mais avec quelques limites (nombre de personnes selon la superficie et avec laisser-passer de mobilité, sanitisation, etc.). Cela est arrivé juste à temps pour un long week-end et les vacances d'hiver: beaucoup d'hôtels ont eu 100% de réservation de ce qui leur est permis. Ceux qui ont le laisser-passer de mobilité peuvent maintenant aussi voyager à l'extérieur sans nécessité de justification.
- 5 régions du pays ont enfin moins de 150 cas pour 100.000 habitants. Le couvre-feu y est diminué de 2 heures.
- Nouvelle étude de l'effet du vaccin de Sinovac (Coronavac) appliqué en majorité ici: en 6 mois il n'y a aucun mort et seulement 2% de contagiés.
- Les nouveaux tests de PCR achetés permettent de détecter rapidement la variante delta.
- L'Institut de Santé Publique a approuvé l'emploi, ici, du vaccin russe Sputnik-V.
- Une étude de l'Institut de Systèmes Complexes en Génie (Univ. du Chili) a démontré que les quarantaines (confinement) ont eu peu d'effet ici en 2021: seulement une réduction de 18% de la mobilité. C'est la campagne de vaccination massive qui a permis l'amélioration observée.
- Il y a eu un irrespect du calendrier et du type de vaccin en fonction de l'âge dans plusieurs communes, ce qui a provoqué des épuisements de vaccins dans les centres de vaccination, beaucoup de gens se déplaçant en vain. Il y a aussi eu des retards d'envois de Pfizer et Sinovac, ce qui a encore plus compliqué les choses et a obligé à modifier le calendrier.

Politique et administration
- Le candidat communiste à la présidence a une fois de plus parlé de "retirer la concession" à des moyens de communications comme "El Mercurio", le journal le plus important du pays, mais conservateur. Il n'existe pas ici de "concessions" pour les médias écrits. Tous les médias sont libres. Seule la dictature a clôturé des médias. Le même candidat a aussi défendu et promu, dans la commune dont il est le maire, des médicaments non approuvés (et inutiles) contre la covid.
- Élections primaires présidentielles: Pour l'alliance de droite a gagné S.Sichel, 43 ans, indépendant ex-DC, avec 49% (contre 3 candidats des partis de ce secteur); pour l'alliance PC-Front Ample a gagné G.Boric, 35 ans, du Front Ample, avec 60% (contre 40% pour Jadue, du PC). Sichel a fait valoir son indépendance et son extraction populaire. En synthèse: échec pour tous les anciens partis et place à un renouveau de la politique. (Surprise pour tous et échec des enquêtes). [Voir Extra]. Les partis de centre-gauche (ex-Concertation), qui n'ont pas participé, définiront leur candidat(e) le 21 août au moyen d'une "consultation populaire".
- Manifestations face à l'ambassade de Cuba: les communistes chiliens agressent ceux qui appuyent les manifestations cubaines en faveur de la liberté.

Convention constituante (CC) (chargée de rédiger la nouvelle constitution)
- Le vice-président de la CC a rappelé que le quorum des 2/3 pour approuver les articles de la nouvelle constitution reste en application "à moins que le parlement ne le change". Pour la présidente, les 2/3 sont "un héritage de la dictature". Mais cela ne serait pas applicable dans les discussions de commissions, règlement, etc.
- Un règlement transitoire a été approuvé. Première conséquence et norme totalitaire: une commission pourra refuser par majorité simple d'écouter un groupe si elle considère qu'il a des conflits d'intérêts. [Donc, ne pas écouter le groupe de droite, qui "a des intérêts"? Et d'autres n'en auront pas?]. La directive aura aussi le dernier mot en ce qui concerne l'engagement de personnel technique.
- Nouvelles commissions approuvées pour 30 jours: Droits humains (avec attributions que la CC n'a pas, comme "vérité historique et réparation"), Communication, information et transparence, Participation des citoyens, Participation et consultation des peuples originaires, Participation plurinationale et éducation populaire, sociale et territoriale, Décentralisation.
- Regroupements observés: aux membres de la "Liste du Peuple" se sont unis ceux des peuples originaires et de mouvements sociaux, formant un bloc de 32 qui a obtenu l'approbation de 5 de ses 6 propositions (avec 78 voix ou plus chaque fois). Le PC et le Front Ample agissent séparés et ne semblent plus faire l'axe articulateur qui avait semblé apparaître la 1ère semaine. Mais, ensemble, la gauche radicale a assez de voix pour imposer ses vues et bloquer toute proposition de la droite et du centre; ces groupes profitent de la suspension des sessions pour "cuisiner" des propositions, qui sont ensuite approuvées par majorité. Beaucoup d'indépendants semblent maintenant adhérer à ces vues radicales. Il ne semble pas y avoir de disposition à obtenir des accords transversaux. "Ils ont un vertige de grandeur" dit une ex-ministre de Piñera qui est membre de la CC.
- Une constituante mapouche a parlé dans sa langue en réunion plénière. Ceux qui l'ont critiquée ont été traités de racistes par d'autres [Eux la comprenaient?] Il y a des traducteurs [alors que tous savent l'espagnol!] mais on n'a pas demandé leur aide.
- 3 semaines de discussions et rien encore propre de la constitution! Le vice-président a annoncé qu'ils s'y mettraient en septembre, car "il faut auparavent savoir comment on va rédiger l'article 1er". Mais il considère terminé le "processus d'installation". Août serait aussi pour les travaux des commissions préalables.
- Bien que les constituants de droite se plaignent de censure, ce sont ceux qui ont le plus intervenu dans les débats (autre chose est qu'on les ait écouté).
- La presse n'a pu pas entrer aux sessions plénières, dans les tribunes, qu'après des semaines de réclamation. Il y a transmission officielle par la télévision de l'Université du Chili, mais certains veulent même l'interdire. On a finalement établi des règles de commun accord.
- Il y a 9 personnes de la CC en quarantaine à cause d'un consulteur contagié.
- Il y a quelques constituants qui veulent supprimer le drapeau et la chanson nationale "parce qu'ils sont contraires aux autres identités" (des peuples originaires)!
- La présidente de la CC a demandé "un espace pour dîner" dans les locaux de la convention, "parce qu'il y a des membres qui ont perdu du poids" [??]. Le sous-secrétaire du Secrétariat de la Présidence (chargé des appuis matériels) a répondu "qu'ils ne sont pas dans le désert d'Atacama mais au centre de la ville" [où les restaurants et fournisseurs d'aliments abondent]. De plus, un autre bâtiment a été habilité à proximité depuis le début avec réfectoires et salles de réunions pour les commissions.
Elle a aussi demandé aux membres de "démontrer qu'ils ne sont pas paresseux" (il y en a qui n'ont jamais pris part aux votations).
- 7 vice-présidents ont été élus, ce qui fait 9 personnes à la tête de la convention. Tous devaient présenter aux moins 21 appuis. Le Front Ample a refusé d'appuyer un communiste et de ce fait ce parti n'a obtenu aucune vice-présidence (et est très mécontent avec ses alliés dans la course à la présidence du pays). Il y aura un représentant de la droite, un de la Liste du Peuple et un socialiste, 2 indépendants et 2 indigènes.
- Il y a un problème non résolu quant à l'engagement et paiement de consulteurs-experts pour aider les membres. La CC ne peut le faire: tout ce qui est relatif aux frais dépend d'une section spéciale du Secrétariat de la Présidence de la république, mais les procédés n'ont pas encore été établis.
- 49% des chiliens préfèrent les leaders qui privilègent les accords et 41% croient que les constituants doivent être disposés à changer de position si on leur présente de bons arguments. 51% ont confiance en ce que la CC remplira les expectatives. 43% préfèrent un régime présidentiel.

Economie
- La firme chine State Grid a complété l'acquisition, pour 3.000 millions de dollars, de 97% des actions de la Compagnie Générale d'Électricité, de propriété espagnole, qui sert 47% des consommateurs chiliens.
- Grâce aux retraits permis des fonds de pensions individuels, 790.000 chiliens ont payé leurs dettes entre juin 2020 et juin 2021. Les ventes du commerce face-à-face ont augmenté de 65% en juin en région métropolitaine.
- Le projet d'indemnisations pour les commerçants qui furent affectés par l'explosion sociale d'octobre 2019 a été rejeté par les députés communistes et du Front Ample, ainsi que des socialistes et autres de centre-gauche [ceux qui veulent aussi une amnistie pour les agresseurs].
- Il y a un million de moins de personnes sur le marché du travail (comparés à une "année normale"): des gens qui ne cherchent plus du travail. Beaucoup de patrons se plaignent de manque de demandeurs d'emploi, alors qu'il y a encore 9% de "démployés". [Ils semblent préférer vivre des subsides de l'Etat.]
- La Corporation du Cuivre (minière de l'Etat) a apporté au fisc 3.675 millions de dollars ce premier semestre, 10 fois plus qu'en 2020.

Sécurité et justice
- Araucanie: Multiplication des attaques et incendies, même contre des entrepreneurs mapouches [Ils "servent le néolibéralisme?" Voir Extra] et attaques directes à des policiers. Les faits de violence ont augmenté de 94% au premier semestre et les détenus de 407%. 2021 y a été l'année la plus terrible pour les entreprises forestières, avec 7 attentats par mois, 198 véhicules et machines détruites, et une perte de 25.000 millions de CLP (30 millions d'€).
Les recteurs des universités de la région ont demandé l'intervention du Nansen Center, de Norvège, spécialisé dans les médiations de cas difficiles, pour tenter un dialogue entre toutes les parties.
Le général des carabiniers chargé de la zone a déclaré qu'il lui est impossible de protéger une propriété de 4.000 ha comme le lui a ordonné un mandat judiciaire.
La Cour Suprême a décidé que les juges de la zone travailleraient exclusivement par voie télématique (donc, de chez eux et non dans les tribunaux), par mesure de sécurité, et demande que l'Etat leur paye des assurances-vie et pour leurs biens. [Encore des privilèges que les autres travailleurs de la région n'ont pas!]
- L'ex-maire de la commune de San Ramon (Santiago), qui vient de perdre sa réélection, a été mis en prison, le formalisant pour délits de corruption (associé à des narcotrafiquants).
- Nouveau vendredi de vandalisme en centre-ville: le matériel des terrasses des bars et restaurants a été détruit par les "manifestants" qui réclament l'aministie pour les "prisonniers politiques" de l'explosion sociales d'octubre 2019.

Education et culture
- L'UNESCO a reconnu comme patrimoine mondiale les momies chincorro du grand nord, les plus vieilles du monde (7.000 ans). (Photo)
- Le ministre de l'Education a été accusé de "fanatisme néolibéral" parce qu'il insiste sur le retour aux classes dans les écoles!! (Les professeurs du secteur public et quelques bourguemestre s'y résistent encore.)

Science et environnement
- Deux installations d'énergie solaire, près de Chillan (centre-sud), commencent à produire 18 millions de megawatts.
- Le mois de juillet a été le plus étrange connu jusqu'à présent dans la région centrale: des minima d'environ 0° et maxima de 20 à 27° les mêmes jours!

Extras:
Élections primaires présidentielles  


Élections primaires présidentielles



Extraits (Editorial de LaTercera, 19/07/2021)

Les plus de trois millions de personnes qui ont participé aux primaires présidentielles hier ont largement dépassé les attentes de participation qui avaient été chiffrées, quelque chose de louable compte tenu de la pandémie, du long week-end et des vacances d'hiver. La force des résultats a ouvert un nouveau scénario politique pour les prochaines élections présidentielles de novembre, dont les effets commencent à peine à se faire sentir.
L'une des grandes surprises de la journée est que le scénario que les sondages avaient anticipé s'est avéré très différent et deux représentants d'une nouvelle génération politique ont obtenu leurs nominations respectives avec facilité, et l'élection de ce dimanche a été la consécration de cette nouvelle génération.
L'un des aspects les plus intéressants de cette élection est que les électeurs respectifs se sont tournés vers des options plus éloignées des extrêmes et qu'ils ont essayé d'afficher des visions plus convaincantes. Central s'est avéré que le Parti Communiste est hors jeu, ce qui contribuera à décompresser le débat présidentiel. Le style polarisant de son candidat et un programme de gouvernement qui impliquait des transformations radicales avaient réussi à tendre fortement le débat, et il était prévisible que si cette option restait en compétition, toute la campagne tournerait autour soit du déploiement de positions anticommunistes, soit de la radicalisation du partis politiques.
Le triomphe du député Gabriel Boric (Front Ample) a un double sens. Bien sûr, il était le candidat le plus voté du jour (avec plus d'un million de voix), une quantité impressionnante étant donné qu'il y a seulement quelques mois, il n'était même pas sûr qu'il obtiendrait suffisamment de signatures pour s'inscrire comme candidat. Mais le fait qu'il ait réussi à battre Jadue de l'ordre des 20 points révèle qu'au sein de la gauche elle-même il y a une vision moins extrême que celle du PC.
Sebastián Sichel a également été la grande surprise de [l'alliance] Chile Vamos. On aurait probablement pu s'attendre à ce qu'un bloc qui avait quatre candidats mobilise plus que les 1,3 million de voix qu'il a obtenues au total- dépassés de plus de 400 000 voix par l'autre l'alliance-, mais même ainsi, un candidat bien connu a perdu, et cela apporte un nouvel air à la coalition. C'est d'autant plus louable que bien qu'étant une figure sans grande carrière politique, il ait tout de même réussi à l'emporter sur les trois partis de la coalition. Probablement l'un des grands défis auxquels Sichel et les partis seront confrontés est de ne pas répéter l'expérience de l'actuel président de la république, dans laquelle des personnalismes ont prévalu et non un sens de coalition.

Araucanie: Le discours rebelle et son contraire

Pourquoi fut construite l'idée du narco-terrorisme en Araucanie
Héctor Nahuelpan, Edgars Martínez, Álvaro Hofflinger et Pablo Millalen - Extraits (CiperChhile, 14/07/2021)

Divers incidents de cette année [attentats contre des journalistes et récent "assassinat" d'un jeune militant] révèlent le protagonisme des entreprises forestières dans le conflit territorial et leurs actions pour générer l'adhésion, diviser et coopter les communautés et les dirigeants des zones de conflit. Mininco elle-même, filiale de la multinationale chilienne CMPC, a reconnu publiquement qu'elle développait diverses initiatives de travail conjoint et d'«entrepreneuriat» avec certaines communautés et dirigeants de la province d'Arauco.
Ces récents événements dramatiques révèlent non seulement le rôle des entreprises forestières dans le conflit territorial, mais permettent également d'examiner une tendance structurelle qui est actuellement en cours à Wallmapu (territoire mapouche].
Nous assistons à un remaniement de la matrice coloniale et capitaliste en territoire mapouche. Ce réarrangement s'exprime dans deux grandes tendances qui sont analysées dans cette colonne. D'une part, dans la reproduction du capital extractif, notamment forestier, et sa recherche de légitimation territoriale à travers une plus grande participation des communautés dans les chaînes de production, la promotion d'un discours axé sur la tolérance interculturelle, la durabilité et l'entrepreneuriat autochtone. D'autre part, à travers une stratégie de contre-insurrection qui construit actuellement un scénario artificiel associé à l'existence de réseaux de narco-terrorisme dans les communautés emblématiques de la résistance mapouche, pour étendre et consolider le pouvoir transnational des propriétaires fonciers et des entreprises dans les territoires.
La vie et l'histoire mapouche sont profondément liées à leur territoire. Cela a radicalement changé depuis le milieu du XIXe siècle, en raison des campagnes d'occupation militaire et civile connues par euphémisme sous le nom de «pacification de l'Araucanie» et «colonisation des provinces de Valdivia et Llanquihue», un phénomène qui tourne autour de l'accaparement et du contrôle des terres, à la suite duquel les Mapouches ont été réduits à 5% de leur surface d'origine.
Divers acteurs participent à la géographie contemporaine de la dépossession: une ethno-classe politique et commerciale, des appareils de sécurité publics et privés, des médias de masse, des associations de propriétaires terriens, des capitaux nationaux et internationaux avec des investissements dans l'énergie, le tourisme, l'immobilier, l'agro-élevage, l'exploitation minière et l'aquaculture, entre autres. Cependant, l'un des protagonistes est l'entreprise forestière, dont les investissements et les plantations de pinus radiata et d'eucalyptus, les industries des pâtes à papiers qui sont exportées principalement vers la Chine, l'Europe, les États-Unis et le Canada, sont basées dans les régions de Bio Bio, Araucanie, Los Rios et Los Lagos. Le rôle des entreprises forestières dans le conflit est crucial, puisqu'ils sont les principaux propriétaires des terres qui ont été dépossédées des Mapouches depuis le 19e siècle.
La constitution de la propriété forestière privée a eu lieu pendant la dictature civilo-militaire (1973-1990) avec la vente aux enchères à bas prix, de terres mapouches et d'industries de pâte à papier appartenant à l'État. Ce processus a été renforcé par des subventions publiques pour les plantations de monoculture.
L'accumulation de terres par les sociétés forestières peut être mesurée en comparant la superficie couverte par leurs plantations avec l'achat de terres par l'État chilien pour les communautés mapouches au travers de la Corporation de Développement Indigène (CONADI). En 2015, l'industrie forestière avait acquis un total de près de 3 millions d'hectares et la CONADI n'avait livré qu'un peu plus de 209 mille hectares aux communautés autochtones.
La communauté des affaires défend la propriété légale des terres volées, met l'accent sur la contribution supposée de la monoculture forestière à l'atténuation du changement climatique avec la séquestration du carbone et prétend contribuer à la croissance économique. Mais l'extractivisme forestier approfondit la matrice coloniale et capitaliste néfaste pour les Mapouches. Cela s'est exprimé dans la perte de biodiversité; déforestation de la forêt indigène; diminution et contamination des eaux; augmentation de l'utilisation de pesticides; détérioration des infrastructures publiques; augmentation de la pauvreté et des inégalités; diversification des formes d'exploitation raciale de la force de travail; ainsi que le leadership de la communauté des affaires dans la stratégie de contre-insurrection qui militarise les communautés, assassine et emprisonne les dirigeants, les autorités traditionnelles, les weichafe (combattants mapouches hommes et femmes) et viole [???] stratégiquement les femmes, les enfants et les personnes âgées qui sont des acteurs de premier plan dans la défense et la projection de la vie.
Les disputes territoriales ne mobilisent pas seulement des communautés ayant une tradition historique de lutte. Ils rassemblent également une nouvelle génération née réduite à ses terres, appauvrie et ségréguée dans les villes par le déplacement forcé de ses familles aux XXe et XXIe siècles. C'est la génération de la diaspora qui revient avec une plus grande conscience politique d'appartenir à un peuple dépossédé et colonisé.
Dans ce contexte, les terres récupérées sont surpeuplées. La conscience que le génocide ne fait pas partie du passé est en mouvement, elle mobilise les communautés. En réponse, la matrice coloniale et capitaliste se réorganise en territoire mapouche. Fondamentalement, ce remaniement approfondit la logique d'élimination du peuple-nation mapouche en tant que sujet collectif et d'assujettissement colonial fondé sur : a) la reconnaissance, l'intégration et la participation mapouche aux rouages du système politique étatique et aux initiatives économiques extractives; b) une stratégie coloniale de contre-insurrection qui opère au travers de la répression de la résistance, la militarisation des communautés et, ces derniers temps, avec l'installation d'un récit narco-terroriste sur les territoires les plus organisés.
(La tactique actuelle) est l'ouverture des entreprises à la participation communautaire à moyen de la contractualisation de services, le boisement des sols avec des espèces d'arbres indigènes et la promotion d'une logique d'entreprise indigène. Dans ce déploiement, on cherche à renforcer l'hégémonie par la production de consensus pour démobiliser les récupérations territoriales en cours ou à venir, ce qui perpétuera la place socio-raciale subordonnée que les peuples indigènes doivent occuper dans la gouvernance coloniale et capitaliste.
D'autre part, lorsque la construction de consensus par la reconnaissance et la participation indigène au commerce forestier est insuffisante, le remaniement de la matrice coloniale et capitaliste avance dans le domaine des dynamiques coercitives, en particulier au travers d'une stratégie de contre-insurrection récemment légitimée dans un récit narco-terroriste sur les territoires les plus organisés pour les isoler et saper leurs bases de soutien, un récit qui a émergé en 2020, mais dont la généalogie se trouve dans le discours du terrorisme et de la criminalisation promu par les gouvernements démocratiques, et dans l'idéologie coloniale qui a soutenu l'occupation depuis le XIXe siècle. [Le texte reconnait cependant qu'en Araucaníe, la quantité totale de cocaïne saisie entre 2015 et 2019 a atteint 227 kilos, mais réclame qu'ailleurs on en a trouvé plus.]
Un autre aspect que l'on a tenté d'établir dans l'opinion publique a été l'idée qu'il y aurait un grand nombre d'armes dans la zone. Cependant, si nous analysons les données rapportées par le Center for Crime Studies and Analysis sur les violations de la loi sur les armes au Chili en 2019, les résultats contredisent ce récit et l'Araucanie est où il y en a le moins [mais c'est aussi où c'est le plus diffcile à contrôler!].
La stratégie coloniale [actuelle] de contre-insurrection vise la répression des communautés en résistance par la criminalisation et la militarisation et, dernièrement, la mise en place artificielle d'un scénario narco-terroriste dans les zones emblématiques de la lutte mapouche.
[Note: Des serres avec des centaines de plantes de cannabis ont été trouvées dans la commmunauté de Temucuicui (la plus violente) et leur propriétaire, chef de la communauté, avait des armes et une demi-douzaine d'automobiles dont il ne put justifier l'achat. Il a été formalisé en justice et cité à prison préventive mais sans se présenter. L'idée du narco-terrorisme n'est donc pas une fantaisie.

Le contraire: Qui doit à qui? (Extraits)
Patricio Nazal (Radio Biobio, 22/07/2021)
Du siècle dernier à nos jours, il ne faut pas s'étonner que l'accent de ce pays ait été mis sur le développement économique de la région, où la propriété privée - marquée par le transfert de la propriété foncière - a joué un rôle important pour pénétrer civilement des gens et une société qui, dès le début, ont dû être contrôlés et dominés pour avoir un territoire unifié.
Au cours des dernières décennies, différents gouvernements se sont concentrés sur l'adaptation du régime foncier mapouche au régime de propriété civile. Ceci dans le but fondamental d'intégrer les peuples autochtones dans des conditions égales pour faire partie de la citoyenneté chilienne.
Si nous passons rapidement en revue l'histoire, en 1883 avec le gouvernement de Domingo Santa María, la pacification de l'Araucanie a pris fin, concluant des accords après d'innombrables soulèvements. Ainsi se sont terminés trois siècles d'insurrection, permettant de donner à notre pays une continuité géographique. Pendant des siècles, le Chili a pu se développer dans le nord avec des peuples autochtones qui se sont adaptés et ont grandi avec le développement du reste du pays, mais il n'en a pas été de même dans le sud. Pourquoi les Atacamiens, les Diaguites ou les Rapa-Nui (île de Pâques) ne pourraient-ils pas aussi l'exiger?
Aujourd'hui, la grande masse des Mapouches sont des métis. Ils ont été intégrés en tant que citoyens de ce pays, en recevant les avantages, tels que la construction de ponts, l'éducation, les polycliniques et les routes. Tous financés par le gouvernement et donc par chacun d'entre nous. Aujourd'hui, une petite partie d'entre eux vit en Araucanie, étant métis à près de 85 % et où seulement 16 % connaissent leur langue maternelle.
Certains groupes terroristes ont hissé les drapeaux d'une minorité non représentative du peuple mapuche, créant un différend territorial qui n'en est pas un. Les citoyens attendent des réponses fortes au terrorisme.
Les Amérindiens qui existaient en Californie au XVIe siècle ont été dominés d'abord par les espagnols, puis par les mexicains et enfin en 1848 par le peuple nord-américain lui-même. Je n'imagine aujourd'hui aucun procès pour annuler les conquêtes qui s'effectuaient alors.
Les défaites ne confèrent aucun droit en guerre ou dans la vie. Pour cette raison, nos institutions doivent faire face avec la plus grande rigueur de l'État à ce qu'on appelle simplement le terrorisme, déguisé en revendications inexistantes.

14/07/2021

Juillet (a)

Santé (au 14/07)
- Contagiés actifs actuels: 14.000. 18 contagiés de delta.
- Taux de reproduction (R) moyen: 0,81 (3,7% positifs pour les tests PCR)
- Total des cas: 1.590.000 - Statistiques dynamiques 
- Patients en ventilation mécanique: plus de 2.400 (en baisse). (Graphique évolutif).
- Décédés: plus de 34.000 (plus de 43.000 si on inclut les cas suspects).
- Vaccinés: 15 millions avec au moins une dose (80% de la population objectif).
- Il y a une augmentation de seniors hospitalisés (mais pas en soins intensifs), même ayant reçu les 2 doses de vaccin; on propose une 3e injection en septembre.
- La quantité de nouveaux contagiés a baissé de 38% fin juin/début juillet.
- Le président Piñera, acompagné de plusieurs ministres, a exposé les changements du plan genéral de déconfinement. Les 4 étapes se maintiennent, mais les restrictions diminuent y les autorisations augmentent, spécialement pour les commerces et les personnes qui disposent du laisser-passer de mobilité (complètement vaccinés). Le commerce a applaudi les changements, qui le bénéficieront. Les spectacles pourront reprendre, pour les vaccinés, avec des limites d'assistance en proportion à la superficie.

Politique et administration
- La candidate socialiste à la présidence du pays a présenté son programme: avortement libre et gratuit jusqu'à la 14e semaine, fin des fonds de pension d'épargne individuelle et pension garantie de 225.000 CLP (250€, en dessous du salaire minimum!), baisse de 50% du prix des médicaments, et plus de 30 autres mesures. Elle est préoccupée car il y a peu d'adhésion à sa candidature.
- Enquête de préférences pour les candidats à la présidence: Jadue (communiste) 18%, Lavín (droite) 13%, Sichel (centre-droite, libéral) 10%, Provoste (DC) 9%, Boric (Front Ample) 6%.
- Le Parti Communiste pousse au parlement l'idée d'une accusation constitutionnelle contre le ministre secrétaire de la présidence (responsable, en dernière instance, de la mise en oeuvre matérielle de la convention constituante), vu les difficultés rencontrées lors de son installation (voir plus loin). Il y a aussi un projet d'accusation contre le ministre de l'Education pour la reprise des classes en conditions de pandémie et le "manque de financement" des établissements publics.
- Le président du Parti Communiste s'est plaint du Front Ample "qui profite de l'anticommunisme de la droite et autres secteurs" en bénéfice de son propre candidat à la présidence. Le parti et son candidat défendent le gouvernement cubain et proposent la création d'un ministère de l'information (pour la contrôler, bien sûr) dans leur prochain gouvernement et insultent les journalistes qui les contredisent. Au contraire, le candidat du Front Ample défend les droits humains, les manifestations à Cuba et la liberté d'information "partout".

Convention constituante (CC) (chargée de rédiger la nouvelle constitution)
- 4 juin: La journée a commencé vers 8h30 avec des cérémonies des délégués indigènes réalisant des rites ancestraux de leurs communautés à divers endroits de la capitale.
- Des défilés de ceux-ci et de quelques autres groupes ont ensuite aussi eu lieu. Malgré que les normes sanitaires ordinaires ne les permettant pas, le gouvernement a préféré les autoriser "pour ceux qui possèdent le laisser-passer de mobilité".
- L'inauguration a eu lieu à l'extérieur de l'ancien édifice du Congrès, à Santiago, vu leur nombre (155), afin de respecter le plus possible les mesures sanitaires (foto). On leur a fait un test d'antigène et on leur prend la température quand ils entrent. La tâche de ce jour était de choisir une présidente et un vice-président. 
 - Convoquée à 10h, la cérémonie a commencé à 11h avec l'hymne national, pendant lequel des huées et des cris "non à la répression" ont été proférés. La suite de la cérémonie a été interrompue, les représentants de la "Liste du Peuple" exigeant que la "force spéciale" des carabiniers "qui réprimait les manifestants pacifiques à l'extérieur" soit d'abord retirée. Les choses se sont finalement calmées et la session a repris son cours à 12h30.
- La secrétaire du Tribunal Electoral a lu l'acte de certification des résultats de l'élection des constituants puis a demandé leur acceptation de leur charge. Après quoi elle a demandé de voter pour le président de l'assemblée. Après 2 votations a été élue Elisa Loncon, mapouche, docteur en humanités et lingüistique de l'Université de Leiden, comme présidente (foto - Voir son discours en Extra) puis, après 3 tours, le vice-président, Jaime Bassa, avocat appartenant au Front Ample. 
- Finie la session, les deux ont demandé une minute de silence pour "les victimes de la dictature et de la révolte sociale [de 2019], les enfants assassinés au Canada et les femmes tuées par leurs maris". Ils ont aussi demandé une amnistie pour "les détenus politiques de la révolte de 2019 et d'Araucanie" [qui n'existent pas, selon le gouvernement, car ne sont encore détenus que des délinquants], ce qui n'est pas dans les facultés de la Convention. Ils ont finalement cité les membres pour travailler le lendemain après midi et à partir de 10h les mardi, mercredi et jeudi, se réservant la matinée du lundi pour préparer un règlement transitoire qui serait soumis à l'assemblée l'après-midi. Fin de la session à 18h30.
- Il y a effectivement eu des escarmouches entre agresseurs et carabiniers dans les environs, qui se sont soldés avec 20 détenus et 30 carabiniers blessés. Le "non à la répression" avait déjá été entendu lors du défilé des partisans de la "Liste du peuple" avant l'entrée de leurs délégués au Congrès.
- Lundi 5: La session pléniaire n'a pu se réaliser car il n'avait pas été prévu qu'en raison des exigences sanitaires les 155 délégués devaient se divisier entre plusieurs salles, lesquelles auraient dû être interconnectées mais ne l'étaient pas. [Comment cela n'avait-il pas été prévu?]
- La situation n'était pas meilleure le matin du mardi. La session a de nouveau été suspendue. Le président Piñera était particulièrement fâché. La directive de la convention a accusé le gouvernement d'obstruction. Le recteur de l'Université du Chili a mis ses salons et ses techniciens en informatique à la disposition de la convention. Le secrétaire exécutif de la convention, fonctionnaire du gouvernement chargé de ces aspects techniques, a été forcé de présenter sa démission. Un nouveau secrétariat a été formé, composé de fonctionnaires de la chambre et du sénat (plus ample que celle prévue par le gouvernement), appui reçu des présidents de ces corporations. L'après-midi, les techniciens universitaires ont évalué les conditions de travail et finalement approuvé. Une commission du Collège des Médecins a aussi évalué les conditions sanitaires (estimées insuffisantes) et proposé un protocole d'opération. Tout cela comme conséquence des communications de la présidente et du vice-président de la convention avec les organes respectifs, car ils "n'avaient plus confiance dans les promesses et actions de l'éxécutif" comme exposé le lendemain par le vice-président devant toute l'assemblé.
- Le mercredi matin, tous les problèmes ayant été résolus, en assemblée générale, le vice-président a rendu compte de tout ce qui s'est réalisé la veille y a expliqué les aspects administratifs mis en route ainsi que la nécessité de former au plus tôt 3 commissions: une chargé de rédiger le règlement, une chargée de l'éthique (comportement des membres) et une de budget. Toute dépense devra être contrôlée par cette commission et approuvée par la directive, n'acceptant aucune intervention politique du gouvernement dans ces décisions. L'exécution (achats autorisés) restera à charge de l'exécutif, comme il était prévu. L'après-midi on discuta la formation de la directive, qui aura finalement 7 membres de plus, dont 2 pour les peuples originaires. Ils seraient élus le lendemain.
- Dans un document de six pages, le Parti communiste (PC) a insisté sur sa remise en cause du quorum des 2/3 pour préparer la nouvelle Constitution - qui a été établie par les signataires de l'accord du 15 novembre 2019 ayant donné lieu au processus constituant - et ont proposé différentes manières de traiter ce problème. Selon le parti, c'est la convention elle-même qui doit définir le quorum d'approbation. L'une des propositions les plus marquantes du texte est celle qui parle de paralyser le fonctionnement de la Convention constitutionnelle jusqu'à ce qu'un accord politique soit trouvé à cet égard.
- Avec 105 votes favorable, la convention a émis une déclaration demandant "le traitement avec le maximum de célérité [au parlement] du projet de lois d'indulte pour tous les détenus de la révolte sociale (de 2019), un indulte pour tous les `prisonniers politiques´ mapouches depuis 2001, la réparation pour les victimes de droits humains ainsi que le retrait des réclamations en justice basées sur la loi de sécurité de l'Etat, et la démilitarisation de l'Araucanie". Si bien ils déclarent "respecter les compétences des autres pouvoirs de l'Etat" [sur lesquels ils empiètent], ils considèrent que "la Constituante est un organe de représentation populaire, probablement l'organe le plus représentatif que nous ayons eu dans l'histoire du Chili, et nous avons la liberté et le droit de l'exprimer, non seulement les personnes qui font partie de la Constituante mais aussi les personnes que nous représentons". Pas un mot pour les victimes des délinquants qui seraient indultés. [Le projet de loi d'indulte, qui est au parlement, contemple tous les imputés pour des délits commis entre le 19 octobre et le 9 décembre de 2019, les conditions pour les cas les plus graves étant en discussion. Il y a 4.828 condamnés.]
- Réclamation de plusieurs constituants: la directive impose ses critères, sans atributions sujettes à des règles. Elle agit comme une autorité souveraine "demandant" [ici, cela signifie une exigence] des choses qui ne correspondent pas à ses atributions légales. Elle fait voter à main levée, ce qui ne permet pas un compte exact, mais a annoncé la mise en place d'une votation numérique la semaine suivante.
Un constituant socialiste (comme aussi les constituants de droite) a cependant déclaré que la violence est inacceptable et qu'incendier une église ou saccager des commerces sont des actions délictuelles qui ne peuvent rester impunis. Ils n'ont rien en commun avec les "protestations sociales".
Le sous-secrétaire de l'Intérieur a aussi répondu que "Ni ceux qui ont utilisé des cocktails Molotov hier ou pillé des locaux commerciaux, ni ceux qui l'ont fait à l'occasion de la flambée sociale ne sont des prisonniers politiques. Ce qui nous correspond, c'est de poursuivre, détenir et traduire en justice ceux qui commettent des crimes".
- Les sessions ont été suspendues le jeudi soir pour reprendre le mardi suivant. Une semaine de travail sans aucun contenu constitutionnel.
- Le lundi suivant, le vice-président de la CC s'est réuni avec la présidente du Conseil pour la transparence et le Contrôleur Général (Cour des Comptes) pour se mettre d'accord afin d'assurer la transparence et l'information aux citoyens. [Un peu d'espoir?]
- Le mardi a été traité le protocole sanitaire et la formation des commissions (membres à voter le lendemain).
- Le gouvernement a fait un appel à un dialogue ouvert. Du sectarisme a été observé: ¿dérive autoritaire de la convention? Voir Extra "Chili, un parcours peu propice".

Economie
- La croyance en ce qu'il est possible d'améliorer sa situation économique grâce à l'effort et le travail dur est en baisse dans le pays, selon le Centre de Développement Urbain Soutenable.
- Le président Piñera a soutenu qu'un million d'emplois ont été créés cette anné, mais la dernière étude dit que 37.000 se sont perdus ce dernier trimestre.
- L'indice d'activité économique de mai a monté de 18%, produit surtout des ventes du commerce, résultat des retraits des fonds de pensions. Il arrive ainsi au niveau pré-pandémie. Les dépenses de l'Etat ont augmenté de 51%, vu les apports sociaux pour la population.
- Les secteurs de la construction, de l'agriculture et du commerce se plaignent du manque de main d'oeuvre: beaucoup (50%) refusent de travailler de peur de perdre les bénéfices du gouvernement.
- L'indice Gini d'inégalité des revenus montre un retour en arrière de 15 ans. Le taux de pauvreté, qui était arrivé à 8,6% en 2017, a remonté à 10,8% en 2020, mais 17% chez les émigrants
- Le retard d'arrivée d'un bateau amenant du gas naturel a provoqué une coupure de service pour l'industrie métallurgique. ¿Pourquoi n'y a-t'il pas assez de réserves?
- Nouvelle loi: la publicité de boissons alcoolisées sera interdite lors des spectacles sportifs.
- 81% des entreprises n'ont pas de buget suffisant pour assurer leur cybersécurité.
- Une étude a révélé qu'il faudrait 30 ans pour apporter une solution au déficit de logements à Santiago.

Sécurité et justice
- Araucanie: Multiplication des attaques et incendies, même d'un poste sanitaire, avec ouvriers blessés; menaces au procureur régional et sa famille; maisons de carabiniers attaquées à coups de feu et l'auto de l'un d'eux incendiée. Dans une attaque, un ouvrier a été gravement blessé. Un affrontement a alors eu lieu avec la police et un attaquant, portant un fusil M16, a été tué. Pour les communautés mapouches qui se disent "résistantes", c'est un "guerrier mort au combat", et même "un assassinat" par la police selon des politiciens de gauche et des membres de la convention constituante, sans aucun mot de leur part pour les victimes des attaques. C'est une "défense du terrorisme" dit la droite.
Dans les jours suivants, une soixantaine de véhicules ont été attaqués et incendiés, dont 16 camions sur l'autoroute nord-sud, et il y a eu un autre affrontement avec la police, le tout en "représailles".
Le cercueil du "résistant" tué a été veillé par des gardes armés de fusils de guerre (voir photo). Des raffales d'armes automatiques ont aussi eu lieu lors de ses funérailles, auxquelles a assisté un millier de personnes. La police n'est pas intervenue et une enquête a été ordonnée malgré que c'est un délit flagrant. (On préfère éviter plus de confrontation?)

Education
- Le ministre de l'Education a rendu compte de plus d'une centaine de réunions (virtuelles) avec des experts et divers groupements: tous, sauf les professeutrs publics [!] sont d'accord sur la nécessité de reprendre les classes en présence mais en appliquant de strictes mesures de sécurité sanitaire et selon la libre décision des parents. Des épidémiologues croient aussi que c'est une erreur et ont peur d'une contagion massive d'enfants mais, dans d'autres pays, si beaucoup d'enfants sont tombés malades c'est parce que les quarantaines ont empêché qu'ils développent leurs défenses face à d'autres virus.
- En réponse à une question sur l'obligation de ventiler les salles en plein hiver, le ministre a répondu que les enfants n'avaient qu'à mieux se vêtir pour le froid. [!]

Extras

Le discours de la présidente mapouche de la Convention Constituante

Discours d'Elisa Loncon
(La Cuarta, 4/07/2021)

Commencé en mapudungun (langue mapouche): "Un grand salut au peuple chilien du nord à la Patagonie, de Lafken, la mer, aux montagnes, sur les îles, à tout le peuple chilien qui nous écoute". Puis en espagnol:
Nous y sommes, lamngen [frères], nous y sommes. Pour remercier le soutien des différentes coalitions qui ont accordé leur confiance et placé leurs rêves dans l'appel lancé par la nation mapouche, à voter pour une personne mapouche, une femme, pour changer l'histoire de ce pays.
Aujourd'hui, nous sommes heureux de cette force qu'ils nous donnent, mais cette force est pour tout le peuple chilien, pour tous les secteurs, pour toutes les régions, pour tous les peuples et nations originaires qui nous accompagnent, pour tous les lamngen, organisations, cette salutation. et la gratitude est aussi pour les diversités sexuelles.
Ce salut est pour les femmes qui ont marché contre tout système de domination, merci que cette fois nous installons ici une manière d'être plurielle, une manière d'être démocratique, une manière d'être participative.
C'est pourquoi cette convention que je dois présider aujourd'hui transformera le Chili en un Chili plurinational, interculturel, en un Chili qui ne viole pas les droits des femmes, les droits des aidants, en un Chili soucieux de la terre mère, en un Chili qui nettoie aussi toutes les eaux, contre toute domination de pu lamngen [mes frères], c'est pourquoi tous les frères qui écoutent un salut spécial aux frères mapouches du Wallmapu [territoire mapouche].
Ce rêve est un rêve de nos ancêtres, ce rêve se réalise, il est possible, sœurs et frères, compagnons et compagnes, de refonder ce Chili, d'établir une nouvelle relation entre le peuple Mapouche, les nations originaires et toutes les nations qui composent ce pays.
Dans ce contexte, pu lamngen [mes frères], c'est le premier signe que cette convention va être participative, rotative, collective, donnant de la place à tous les secteurs qui sont représentés ici. Tous ensemble lamngen [frères] nous allons refonder ce Chili. Nous devons étendre la démocratie, nous devons étendre la participation, nous devons convoquer jusque tous les coins du Chili pour qu'ils voient ce processus, qu'il soit transparent.
Je veux exprimer ma solidarité pour les autres peuples qui souffrent. Nous avons écouté les informations, ce qui s'est passé avec les enfants autochtones du Canada. C'est honteux à quel point le colonialisme a attenté et attaqué l'avenir des nations originaires. Nous sommes des peuples solidaires, c'est ce pourquoi frères et sœurs, nous nous sommes joués.
Je tiens ici à remercier fondamentalement l'autorité originaire, l'autorité du peuple mapouche, la machi [prêtresse-médecin] Francisca Linconao, pour son soutien. J'ai aussi une mère, une mère qui me surveille dans ma communauté de Lefweluan, une mère qui a aussi permis à cette fille d'être ici aujourd'hui. Merci à toutes les mamans qui se battent aussi pour l'avenir de leurs enfants.
Enfin, salut aux enfants qui nous écoutent, qu'un nouveau Chili plurialiste et multilingue se fonde, avec toutes les cultures, avec tous les peuples, avec les femmes, avec les territoires, c'est notre rêve d'écrire une nouvelle constitution. Mañu pulagnem, Marichiweu, marichiweu. [?]

Les tensions programmatiques auxquelles la convention sera confrontée

Résultats d'une enquête à 123 constituants (Extraits)
(Ciper Chile, 8/07/2021)

(Le programme "le Chili choisit" du canal de TV 24 Horas, a développé un questionnaire pour les candidats élus sur une série de questions cruciales, auquel ont répondu 123 électeurs, c'est-à-dire qu'il atteint une représentativité de 79,3% de la Convention.)

Nul doute que la Convention constitutionnelle progressera substantiellement en termes de droits, et c'est là que l'on constate le plus grand consensus.
En ce qui concerne la reconnaissance des peuples autochtones, une grande majorité des mandants est favorable à l'instauration d'un « État plurinational ». Ici, le débat ne portera probablement pas tant sur la multinationalité —qui génère un large consensus—, mais sur les droits spécifiques qui seront pris en compte dans le texte constitutionnel et qui font généralement référence à l'autodétermination, à l'autonomie gouvernementale, à la représentation politique aux postes de représentation populaire, les droits économiques, territoriaux, collectifs, culturels, juridictionnels, linguistiques et le droit de consultation, entre autres. Dans ce domaine, le seul secteur politique qui n'adhère pas à la plurinationalité est la liste Chili Vamos [droite], mais même si tous ses représentants rejettent une telle reconnaissance - une question qui ne sera probablement pas posée - les niveaux d'acceptation dépassent les 2/3 nécessaires pour le matérialiser.
Un sujet extrêmement sensible fait référence aux droits liés aux ressources naturelles et à l'eau. Il y a également une large acceptation, en particulier en ce qui concerne le droit d'accéder et d'utiliser des ressources telles que l'eau. Dans ce cas, le débat portera vraisemblablement sur la manière dont cet accès se matérialisera, les conditions de protection des ressources naturelles et la prise en compte de visions écocentriques en matière de protection de la nature. Il en va de même pour le droit au logement, qui est accepté par 92,7% de ceux qui ont répondu à l'instrument, et où dans chaque secteur politique il y a une majorité substantielle qui le soutient.
Un domaine où il n'y a pas de consensus renvoie à la manière dont le pouvoir représentatif sera organisé. On sait que dans une démocratie il y a trois grandes familles: le présidentialisme (où les citoyens élisent en parallèle un Président et un Congrès); le parlementarisme (où les citoyens élisent des représentants au Parlement, et les majorités parlementaires élisent un Premier ministre); et un système semi-présidentiel (où un président et un congrès sont élus, mais le président choisit un premier ministre qui a besoin de la confiance du congrès). À cet égard, il existe une majorité relative (40,7 %) favorable à un système semi-présidentiel. En revanche, 27,6% sont en faveur d'un système présidentiel, bien que pratiquement dans toutes les réponses il soit mentionné que les pouvoirs du Président devraient être réduits. Autrement dit, on parle d'un présidentialisme atténué. Ce qui précède présuppose que la définition du type de régime de gouvernement sera l'une des questions les plus débattues et où il n'y a pas de consensus initial au sein de la Convention.
Le mouvement féministe a extrêmement bien réussi à installer dans le débat public la nécessité d'avoir une perspective de genre dans le débat constituant. À l'exception de la coalition Chile Vamos, toutes les autres listes sont d'accord quasi unanimement avec l'idée d'intégrer une perspective de genre dans la Constitution. Des différences apparaîtront probablement lorsque des questions spécifiques, telles que les droits sexuels et reproductifs, seront discutées. L'enquête cherche à savoir si la norme constitutionnelle doit maintenir le principe de protection de « la vie de celui qui est sur le point de naître », qui est actuellement exprimé dans la Constitution. On observe ici un fort écart: 42,3 % indiquent qu'il doit être maintenu, 47,2 % affirment qu'il ne doit pas être maintenu et 10,5 % sont indécis.
Une autre question qui pourrait conduire à des désaccords concerne l'option d'incorporer les droits des migrants dans la Constitution, et la mesure dans laquelle ils seront inclus. 75,6% sont favorables à l'inclusion explicite de la question dans la Constitution, mais il existe un certain flou dans plusieurs des listes qui font partie de la Convention.
Le système de gouvernement, les mécanismes de participation citoyenne, l'existence de la Cour constitutionnelle et de ses pouvoirs, l'autonomie des organisations de l'État et le niveau de profondeur de la décentralisation de l'État, seront des questions importantes pour l'avenir démocratique, mais où l'on constate des écarts majeurs et / ou imprécision du constituant.
Du point de vue des droits, on voit qu'il y a un large consensus pour qu'ils soient inclus dans la charte constitutionnelle, mais la question gravitationnelle sera la manière précise dont ils seront inclus. Si nous comprenons les droits comme un grand bâtiment, il est admis que ladite construction est beaucoup plus robuste et étendue que le bâtiment actuel, mais nous allons maintenant céder la place à un débat ardu (et parfois complexe) sur l'ingénierie des détails.

Chili, un parcours peu propice

Par Eleonora Urrutia, avocate,
(El Libero, 9/07/2021) (Extrait)
Le Chili traverse une période complexe en raison de causes multiples et diffuses, sans diagnostic clair et partagé de ses causes. Ce manque de diagnostic n'a cependant pas été un obstacle pour certains interprètes de la réalité sociale à proposer comme la seule solution viable pour s'accorder sur un nouveau pacte social, pour lequel ils considéraient essentiel d'avoir une nouvelle Constitution.
La prémisse sous-jacente à l'effervescence pour remplacer la Constitution est son origine prétendument illégitime. Il est vrai que la Constitution de 1980 a été promulguée dans une période d'anormalité institutionnelle, mais sa légitimité originelle est donnée par le plébiscite de 1989, convenu entre le gouvernement et tous les partis politiques de l'époque, y compris tous les partis d'opposition à l'exception du Parti Communiste, et qui s'est conclu avec un taux d'approbation de 91,25%. [?]
Il a maintenant été établi dans le collectif national que la Charte fondamentale serait l'instrument pour résoudre tous les problèmes qui affligent la société, tels que les retraites basses, les dépenses élevées en médicaments, l'instabilité de l'emploi et un long etc., le surdimensionnement et l'incompréhension des rôles qu'une Constitution devrait remplir. Ces contestations ne correspondent pas à une discussion constitutionnelle; ce sont plutôt des questions de politique publique à résoudre au niveau législatif. Cela a généré des attentes excessives, qui ne seront pas satisfaites, augmentant les frustrations des citoyens et la méfiance vis-à-vis de la classe politique qui promet un destin qu'elle sait d'avance qu'il n'arrivera pas, du moins de la seule main d'une nouvelle Constitution.
Ce qui correspond à une Constitution, c'est d'organiser le pouvoir, à la fois celui que les individus accordent à l'État et le pouvoir des majorités démocratiques. Soit une Constitution limite le pouvoir, soit ce n'est pas une Constitution.
Pour être efficace, elle doit refléter le consensus fondamental de la société. Pas ce que la majorité pense, croit ou souhaite de bien, mais ce que tous les citoyens pensent, croient ou souhaitent de bien. Parce que cela ne peut être réalisé que sur très peu de questions, la Constitution doit exclusivement établir un minimum irréductible. Elle doit veiller à être régulatrice pour de nombreux individus et, par conséquent, établir des règles fondamentales de coexistence qui limitent la liberté, dans le seul but que la liberté de l'un n'annule pas la liberté des autres et vice versa. En effet, notre droit fondamental est d'être à l'abri de l'ingérence injustifiée d'autrui, et tous les autres droits en découlent, comme les faits le justifient.
Ce qui est problématique à l'heure actuelle, c'est que ce consensus sur les minimums irréductibles s'est rapidement déplacé vers le collectivisme et que c'est le peuple qui, en dernière instance, exécute les Constitutions. Donc, au final, l'enjeu est culturel. Mais la politique est désormais une profession et, dans certains cas, même héréditaire. Les politiciens ne s'intéressent pas aux citoyens autonomes, mais aux personnes interdites de gérer leur vie et, surtout, de gérer leurs finances. Ce que l'on prétend maintenant de la Constitution n'est pas une limitation du pouvoir mais une grande charte de pouvoir qui amplifie le droit d'intrusion de l'oligarchie politico-bureaucratique dans la vie des personnes.
Cette forte agitation en faveur de l'adoption de formes démocratiques où le pouvoir ne connaît ni limites ni restrictions, dont la forme la plus radicale est la proposition d'une assemblée constituante, où tout le pouvoir est concentré et permet la refondation du pays, a été la voie suivie par les expériences autoritaires latino-américaines de pays comme le Nicaragua et le Vénézuéla.
Le cours futur du Chili ne semble pas de bon augure. Le pays fait face à la discussion de la réforme de sa norme fondatrice à une époque où il y a peu de richesse culturelle pour comprendre ce qu'est une Constitution, quel est l'esprit qui doit sous-tendre l'éternel dilemme de la démocratie: la tension entre liberté individuelle et pouvoir collectif. La Constitution qui verra le jour dans quelques mois, et qui naît de l'accusation morale et idéologique d'une minorité qui a ouvertement méprisé la démocratie, va repenser le rôle de l'Etat sur le plan économique, bien sûr. Mais ce nouvel État sera non seulement légitimé pour redistribuer les richesses - une barbarie que plus personne ne conteste - mais régulera désormais aussi les rapports sociaux. Ainsi, l'involution générale et la destruction des progrès réalisés par le Chili au cours des dernières décennies sont pratiquement garanties.
Mais la faible participation électorale à l'élection des constituants ouvre une porte d'espoir. Il reflète que pour la majorité, la Constitution n'est pas une priorité. Si cette même majorité comprend ce que pourrait signifier une constitution chaviste pour le Chili, elle pourrait la rejeter. Mais pour cela, il faudrait que la droite s'unisse autour d'un seul discours, sans dégoût, ambiguïté ou centrisme, se connectant avec une partie substantielle des électeurs potentiels.