14/04/2020

Avril (a)

Santé
- Le demande de sauf-conduits pour se déplacer dans les communes en quarantaine totale ayant atteint 300.000 par jour (au début du mois), on y a limité les autorisations de sortir faire des achats à 2 fois par semaine. On a découvert que beaucoup les utilisaient de façon indue. Ceux qui respectent l'ordre de ne pas sortir se plaignent de voir beaucoup de gens dans les rues et du peu de contrôle militaire. Les irresponsables ne manquent pas, allant faire des achats ou faire du sport étant infectés (il y a même eu des récidivistes, arrêtés 2 fois par la police) et un infirmier contagié qui a vacciné 300 personnes contre la gripe! Des jeunes se réunissent aussi pour faire la fête pendant le couvre-feu (et les délinquants pour voler).
- La mesure de quarantaine totale (confinement) a été suspendue dans quelques communes et instaurée dans d'autres, selon l'évolution du nombre de cas. Temuco (Araucanie) est la ville où il a été le plus difficile de convaincre les habitants de respecter le confinement obligatoire: on a compté jusque 8.000 personnes se promenant à sa grand-place. Avec Arica, c'est la région où il y a, proportionnellement, le plus de contagiés en ce moment.
- Seul le test PCR permet de vérifier l'infection de COVID-19. Mais il doit être analysé dans un laboratoire spécialisé, qu'il n'y a pas dans toutes les villes. Dans au moins quatre régions du pays, moins de tests COVID-19 ont été effectués que ceux établis par les protocoles du ministère de la Santé, en raison du manque de fournitures pour tester tous les cas suspects de contagion. Il y a des "tests rapides", qui n'ont pas ces exigences mais vérifient seulement la présence d'anticorps (réaction immunitaire) ou d'antigènes (présence de composants du virus), mais ne servent pas pour diagnostiquer la présence active du virus. Les anticorps n'apparaissent que 5 à 7 jours après l'infection. En mars, des municipalités, hôpitaux, services de santé et autres institutions ont émis des bons de commande pour 49.360 de ces tests rapides, pour un total de 588.000 dollars. Cependant, le ministère de la Santé a insisté pour ne pas les acquérir sans la validation de l'Institut de Santé Publique qui, jusqu'à présent, n'a émis aucune recommandation à ce sujet. Sans protocoles pour l'utilisation de ces examens, chaque entité décide comment les appliquer. Le ministre de la Santé a déclaré qu'il y avait cinq marques de test rapide validées au niveau international et que le gouvernement achetait un million de tests de ces marques pour effectuer des contrôles spécifiques, par exemple pour mettre fin à une quarantaine. Mais les tests achetés ou commandés en mars correspondent à 11 marques et donc 6 non certifiées. Des achats motivés par l'urgence (la peur?) qui pourraient bien être une dépense inutile! Le ministère de la Santé appliquera les tests certifiés aux gens qui ont eu la maladie pour certifier s'ils sont immunisés, auquel cas ils recevront une carte d'identité sanitaire qui les dispensera des mesures de restriction. (Mais l'OMS a émis des doutes sur cette immunité.)
- L'emploi de couvre-bouches est devenu obligatoire dans tous les moyens de transport non particuliers et recommandé pour les achats. Les particuliers doivent les fabriquer eux-même vu qu'il n'y en a pas dans le commerce. Le ministère de la Santé indique comment les faire sur son site web.
- Toutes les interventions chirurgicales non urgentes ont été remises à plus tard.
- Plusieurs communes ont annoncé un service gratuit de remise à domicile de médicaments pour les seniors (Aux plus de 80 ans il reste interdit de sortir.).
- Selon l'Organisation Panaméricaine de la Santé et les estimations du ministère de la Santé, la contagion atteindra son maximum ici fin avril ou en mai. Pour le moment, en est encore en phase d'accélération. Mais on pronostique encore une autre hausse en juin.
- On commence enfin a dire qu'il pourra y avoir des restrictions tout le reste de l'année.
- Le premier mois s'est terminé avec 3.737 cas, alors qu'on attendait jusque 50.000. Au 11/04, 1.255 personnes n'avaient pas respecté la quarantaine totale qui leur était imposée. A ce jour, il y a 82 morts et le nombre de contagiés est de 7.525. 36% des affectés ont entre 30 et 44 ans; 10% sont des seniors. Il y a 119 communes (de plus de 300), hors des grandes villes, sans aucun contagié.
Carte dynamique de la progression du virus:


Politique
- Le président Piñera a promulgué une loi qui assurera une rentrée minimum nette garantie de 300.000 CLP (320 €) à tous les travailleurs formels, l'État complétant la différence si leur salaire est seulement le minimum obligatoire (qui est un peu inférieur). Un apport pour les autres est à l'étude.
- 61,7% des chiliens sont critiques des actions du président Piñera face à la crise sanitaire. Son approbation est de 22 %.
- Statistique d'approbation/réprobation des institutions: le parlement et les partis de gauche au bas de la table: https://twitter.com/jtgazmuri/status/1247143934041698304/photo/1

Economie
- La crise sociale qui a commencé le 18 octobre avec des pillages et des incendies dans plusieurs magasins et supermarchés a fortement affecté les résultats 2019 des chaînes de grands magasins au Chili. Mais les baisses des ventes dans le commerce de détail se manifestent depuis 2 ans au niveau latino-américain et s'est traduit par une baisse constante des emplois. En effet, au cours des sept dernières années, les grands détaillants chiliens tels que Cencosud, Falabella, Ripley, SMU, Forus et La Polar ont réduit leurs emplois de 38.591 dans les différents pays dans lesquels ils opèrent. Le scénario est encore plus complexe avec le coronavirus, qui a obligé à fermer les grandes surfaces. Mais les ventes par internet ont doublé et les ventes des supermarchés ont augmenté de 52% (surtout de produits périssables) et on observe de longuies files à l'extérieur, car le nombre de clients à l'intérieur est limité, pour assurer la distance entre eux. On estime que 87% des petits commerces ne pourront survivre 3 mois sans ventes.
- Les ventes de boissons alcoholiques ont augmenté de 35%.
- Il y a eu de longues files pour toucher l'allocation de chômage, la plateforme d'internet ne fonctionnant pas.
- La Banque Centrale espère une récupération de l'économie au troisième trimestre.
- Les fonds de pension ont fait une perte de 11% en moyenne au premier trimestre.
- Le taux d'intérêt des crédits hypothécaire a augmenté de 2,64% (alors que le gouvernement demande aux banques de donner plus de facilités!)
- Les assureurs de santé privés ayant annoncé qu'ils augmenteraient leur prix à partir de juillet, le président Piñera leur a demandé d'annuler cette hausse mais elle a été finalement reporté à novembre, non annulée.
- Les utilités des banques ont baissé de 24% en comparaison à mars 2019.
- Le président Piñera a annoncé un projet de loi de "Fonds de garantie des petites entreprises": garantie de l'État pour des crédits d'un montant jusqu'à 3 mois de ventes normales (moyenne d'oct 2018-sept2019), avec 6 mois de grâce, une durée de remboursement de 24 à 48 mois et un taux préférentiel réel de 0% ou négatif. En outre, obligation hebdomadaire des banques de déclarer les placements.
- Les marchés ont été interdits à divers endroits, parce que les acheteurs ne respectaient pas les consignes d'hygiène (couvre-bouche, distance entre eux et gants). Des communes obligent aussi les marchands à passer l'argent dans des plats d'eau chlorée.
- Seulement 23% des chiliens croient que la situation économique du pays sera dans un an meilleure que maintenant; 32% ne s'y fient pas du tout. Ils sont les plus pessimistes de la région.

Religion
- Les liturgies de Semaine Sainte ont eu lieu sans présence de fidèles. Mais un pasteur protestant a enfreint la mesure et, contagié, a mis en danger une trentaine de ses fidèles. Un autre a invité ses fidèles, par télévision (un canal s'y est prêté!), à sortir prêcher et un autre a insisté à faire un culte public où ont assisté des gens de plusieurs communes (qui y ont voyagé en transport public), en contravention avec l'interdiction de réunions massives. Son temple a été clausuré et il devra être dénoncé en justice. Il a été repris publiquement par un de ses confrères: "Un bon pasteur protège ses brebis."

Sécurité
- Le couvre-feu n'a pas fait diminuer les attaques aux comissariats (l'un d'eux 67 fois depuis le 18 octobre!), les barricades dans des avenues ou les vols avec agression. Il y a eu 969 arrestations pour délits en période de couvre-feu.
- Un groupe armé, en tenue de camouflage, a attaqué une unité policière en Aracaunie et a fait exploser une auto-bombe à quelques mètres d'un pont en Araucanie. Des machines ont aussi été incendiées. (La violence n'a pas diminué dans cette région et la police est toujours inerme.)

Transports et Communications
- Selon une analyse de Google Maps, les déplacements aux alentours des résidences privées ont augmenté de 24%, diminuant de 45% autour des lieux de travail.
- Une nouvelle erreur de coordination et un mauvais fonctionnement des systèmes numériques (paiement par internet) a provoqué de grandes agglomérations de chauffeurs pour payer leur permis de circulation le dernier jour de mars dans les buraux destinés a cette fin (contrairement aux recommendations du ministère de la Santé). La date limite a finalement été reportée au 30 juin... par une loi approuvée dans la nuit du 31 mars et publiée au début du présent mois.
- Des "douannes sanitaires" ont été installées dans tous les terminaux de bus inter-provinciaux, pour détecter les possibles contagiés et les empêcher de voyager. Il y a eu un contrôle strict à partir du jeudi saint pour empêcher les déplacements de plaisir (interdiction de sortir de la Région Métropolitaine et autres villes). Il y a eu congestion sur les grand-routes et la police a refoulé 1.127 autos qui tentaient d'aller passer le week-end à la côte. Il semble que beaucoup ont réussi à se déplacer avant l'établissement des postes de contrôle car les résidents de la côte se sont plaints de leur arrivée; on y a même détecté des voyages en hélicoptères.
- Plus de 4.000 chiliens revenus de l'étranger ont donné une fausse adresse lors du contrôle d'entrée à l'aérioport, rendant ainsi impossible le contrôle de la quarantaine à laquelle ils étaient obligés.


EXTRA: Voilà ce qu'il faudra pour nous ramener dehors (Extraits)
(MIT Tech Review, 13/4/2020)
Tout pourrait être terminé plus rapidement si certains médicaments existants, déjà connus pour être sûrs pour d'autres utilisations, s'avèrent efficaces dans le traitement de covid-19. Mais il se peut que seul un vaccin donne le coup de grâce, et même dans ce cas, nous ne savons toujours pas combien de temps un vaccin restera efficace pendant que le virus mute. Nous devons nous préparer à un monde dans lequel il n'y a pas de remède ni de vaccin pendant longtemps. Il y a moyen de vivre dans ce monde sans rester définitivement enfermé à l'intérieur. Mais ce ne sera pas un retour à la normale.
Ces dernières semaines, un consensus a commencé à se dégager parmi divers groupes d'experts sur ce à quoi pourrait ressembler cette nouvelle normalité. Certaines parties de la stratégie refléteront les pratiques de recherche des contacts et de surveillance des maladies adoptées dans les pays qui ont le mieux combattu le virus jusqu'à présent, comme la Corée du Sud et Singapour.
Cela impliquera un degré considérable de surveillance et de contrôle social, bien qu'il existe des moyens de le rendre moins intrusif qu'il ne l'a été dans certains pays. Cela va également créer ou exacerber des divisions entre les nantis et les démunis, ceux qui ont du travail qui peut être fait à domicile et ceux qui n'en ont pas, ceux qui sont autorisés à se déplacer librement et ceux qui ne le sont pas, etc.
Ce nouvel ordre social semblera impensable à la plupart des gens dans les pays dits libres. Mais tout changement peut rapidement devenir normal si les gens l'acceptent. La véritable anomalie est à quel point les choses sont incertaines. La pandémie a sapé la prévisibilité d'une vie normale, le grand nombre de choses que nous supposons toujours pouvoir encore faire demain. C'est pourquoi tout se sent mal ancré, pourquoi l'économie s'effondre, pourquoi tout le monde est stressé: parce que nous ne pouvons plus prédire ce qui sera autorisé et ce qui ne le sera pas dans une semaine, un mois, ou trois, six ou 12 mois.
Revenir à la normale n'est donc pas tant retrouver l'ancienne normalité que retrouver la capacité de savoir ce qui va se passer demain. Ce que nous ne pouvons pas encore prédire, c'est combien de temps il faudra aux dirigeants politiques pour faire ce qu'il faut pour y arriver.