30/10/2021

Octobre (b)

Santé (au 31/07)
- Contagiés actifs actuels: +- 11.000. Courbe de contagion en hausse (+84% en 2 semaines). La plus haute du pays est en région métropolitaine. Cela pourrait être le début d'une 3e vague. En conséquence, toute la région métropolitaqine et 14 autres communes ont dû faire marche arrière d'une étape dans le plan de déconfinement, ce qui signifie surtout une forte diminution du nombre de personnes qui peuvent se rassembler. La "distance sociale" est la mesure qui a le moins d'adhésion en région métropolitaine (et favorise la contagion).
- Total des cas: 1.665.000
- Décédés: 37.578.
- 1,2 million de personnes ne se sont pas vaccinées. 40% des plus de 55 ans n'ont pas été recevoir la 3e dose. A eux, on applique l'AstraZeneca.
- La 3e dose sera nécessaire pour maintenir le passeport sanitaire ("laissez.passer de mobilité"). L'annonce de cette exigence a fait augmenter de 138% la demande pour cette dose. Dans certaines grandes communes il n'y avait plus qu'un centre de vaccination et les queues y sont énormes, même depuis 5 h. du matin. 20 postes mobiles ont été ajoutés à Santiago et on vaccinera les week-ends.
- On craint encore une plus forte hausse de la contagion à cause des festivités (Halloween et habituelles visites aux cimetières pour la Toussaint). "Ton ami non vacciné a 20 fois plus de probabilité de te contagier" est le message.
- Le ministère projette de revacciner chaque année.

Politique et administration
- La candidat présidentiel Boric (FrontAmple-PC) a mis dans son programme la révision de tous les traités internactionaux. 8 ex-ministres des Affaires Étrangères ont élevé la voix. C'est irresponsable dit aussi Sichel, le candidat de centre-droite. De plus, Boric fait de grosses erreurs quand il cite des chiffres du secteur de l'économie.
- Le président de la Confédération de la Production et du Commerce a souligné ce manque de connaissances économiques du candidat Boric. "La discussion des programmes économiques est très importante pour le secteur des entreprises et il faut pour cela avoir un concept profond des thèmes et de comment fonctionne le système."
- Les candidats Boric et Provoste reçoivent leur traitement, le premier comme député et l'autre comme sénatrice, et font à la fois campagne pour leur élection. Cela est juste?
- Les candidats Kast et Sichel ont signalé qu'il "n'y a rien à célébrer" ce 18/10. (Voir la section "Sécurité").
- Nouvelle enquête de préférences présidentielles: 23% Kast (extrême droite); 20% Boric (Front Ample-PC); 12% Provoste (DC-PS, etc); 7% Sichel (centre-droite). Au ballotage gagnerait Boric. Une enquête d'intention de vote donne 31% pour Kast, 27% pour Boric, 16% pour Provoste et 10% pour Sichel. Sichel a perdu l'appui d'un des deux plus grands partis de droite, qui s'est passé à Kast.
- Le journal conservateur El Mercurio a publié un ample reportage sur Hermann Göring, "pour les 75 ans de sa mort", sans détails de ses crimes, qui a ainsi été perçu comme une apologie du nazisme. Une terrible erreur, critiquée par tous les secteurs d'opinion.
- Le Chili est monté à la 8e position entre les meilleurs pays pour vivre, grâce à son traitement de la pandémie, selon Bloomberg, juste après la France et au dessus de la Suisse, les Pays-Bas et le Canada.
- La revue anglaise The Economist a publié un article ironique sur la campagne électorale et le travail de la Convention, se référant à la violence, le populisme, la débacle économique et la méfiance des citoyens envers les politiciens. Ses projections sont sombres pour l'avenir.

Convention constituante (CC)
- Les travaux de rédaction du contenu ont commencé le 18/10, après un discours de la présidente de la CC qui a fait allusion à une "date de naissance d'un nouveau Chili". Date choisie pour coïncider et lier la CC avec l'explosion de la violence. ¿Est-il posible, dans cette perspective, de régénerer la cohésion sociale? ¿Une constitution basée sur un esprit de revanche, où semblent s'imposer ceux qui veulent "avancer sans transiger"? "Nous sommes la fin d'une histoire de dépossession des biens communs, mais aussi de la capacité d'imagination politique. Ce sont les forces de l'histoire qui nous ont permis de débarquer ici dans un organe qui exerce le pouvoir constituant, qui a été si souvent nié aux peuples du Chili. Les droits sont des conquêtes historiques des peuples. Il faut récupérer la dimension collective des droits et proposer une nouvelle donne" a déclaré le vice-président de la CC dans son discours d'ouverture.
- Tous les membres ont pu faire un tel "discours d'ouverture", de 7 minutes (ce qui a pris plusieurs jours). Une firme d'analyse a conclu que "Les discours semblent être plus orientés pour rechercher la confiance de la citoyenneté plutôt que de mettre des questions difficiles ou en attente d'être résolues avec une nouvelle Constitution. [...] Il est frappant de constater qu'il existe peu de concepts concrets transversaux. La « plurinationalité » et le « territoire » sont des questions importantes pour les peuples autochtones, mais n'ont pas été mentionnés par d'autres blocs, par exemple. Pendant ce temps, Vamos por Chile [la droite] est le seul bloc qui aborde le mot «violence»".
- Les commissions de redaction sont: Système de Justice, Systèmes de Connaissances, Droits Fundamentaux, Système Polítique, Forme de l'Etat, Milieu ambient et Principes constitutionnels. 5 de ces commissions seront dirigées par le Front Ample et une par le PC; aucune par la droite.
- Parce que l'Université de Concepcion a intenté procès contre des délinquants qui l'ont vandalisée pendant l'«explosion sociale» de 2019, la présidente de la CC ne veut pas y réaliser de session (plusieurs sessions sont prévues en province).
- La Cour Suprême a admis une réclamation des constituants de droite qui accusent la direction de la CC de ne pas respecter le droit de libre expression et l'exigence établie lors de sa création de 2/3 des voix pour toutes les décisions. La Cour a déjà précisé, contre l'opinion de la présidente de la CC, que la convention n'a pas une liberté absolue pour décider ses propres règles et doit respecter celles établies par la constitution existente.

Economie
- Hausse constante de la valeur locale du dollar, causée par l'incertitude politique (prochaines élections) et la fuite des capitaux. Pour la même raison, baisse de 2,87% de l'IPSA (indice des actions des grandes entreprises). Les fonds de pensions font aussi des pertes depuis le début de l'année (un pourcentage différend selon le type de fond).
- Le prix du cuivre est arrivé à sa valeur la plus haute depuis 12 ans.
- Le manque de connaissances financières de nombreux chiliens (parlementaires inclus) explique la débâcle produit des retraits de fonds de pensions. Une des conséquence de ces retraits: hausse des intérêts des prets hypothécaires et maximum de 20 ans au lieu de 30 ans pour leur remboursement (par manque de capitaux disponibles). La construction en est fortement affectée et beaucoup de demandeurs restent sans option, vu que le niveau de rente nécessaire monte aussi beaucoup.
- 70% des entreprises maintiennent "en suspens" leurs projets d'investissements, vu leur insécurité face aux prochaines élections.
- La Chambre a approuvé un projet de loi qui interdira aux employeurs d'ordonner des tâches par internet après l'horaire normal de travail. (Il y a eu des abus avec le télétravail.)
- Selon enquête de l'Université du Chili, il y a 200.000 habitants de Santiago qui ne cherchent pas de travail à cause des allocations extraordinaires de l'Etat, pensant qu'ils les perdraient, ce qui est faux. [Ou bien ils les trouvent suffisantes pour vivre?]
- L'emploi est à son meilleur niveau depuis mars 2020. 86.000 emplois ont été récupérés le dernier mois.
- L'index des prix continue à monter: ce serait +1% en octobre.
- En un an, il y a eu une hausse des ventes au détail de 20%.

Sécurité et justice
- A 2 ans de l'«explosion sociale» de 2019, on contabilise 450 personnes blessées aux yeux, et aussi des dizaines de quartiers où il n'y a plus de supermerchés ni de succursales bancaires (détruits en 2019). Il y a 3.072 procès et seulement 4 condamnations.
- Anniversaire de l'«explosion sociale»: barricades et manifestations en de multoples points de Santiago (10.000 personnes à la place d'Italie) et autres villes, suivies d'incidents (synthèse en 4 photos et autre photo), des délinquants détruisant des arrêts de bus, des sémaphores et des locaux commerciaux, et lançant aux carabiniers des feux d'artifice [que seuls possèdent des narcotrafiquants]. Dans la soirée et la nuit, mise à sac de 48 magasins, dont une dizaine de supermarchés à Santiago, (vidéo) et de quelques pharmacies. La police en aurait freiné des dizaines d'autres. Autre photo: une boucherie complètement dévalisée. Un bureau du registre civil, un bus et un supermarché incendiés. Il y a eu 2 morts et 478 arrestations.
Le sous-secrétaire de l'Intérieur a directement rendu responsables de la violence, en dernière instance, les candidats présidentiels Provoste et Boric et les parlementaires qui promeuvent une loi d'amnistie pour les violentistes de 2019, bien que Boric et Provoste ont maintenant condamné les actes actuels de violence (mais pas ceux de 2019). Mais Provoste a insisté sur la nécessité de l'amnistie "pour obtenir la paix" [On vient de la voir!] et Boric prétend que "les barricades sont des expressions légitimes de résistence dans le contexte de la lutte sociale", d'accord avec le PC, son allié, qui réaffirme que "toutes les formes de lutte sont valides". Pour le vice-président de la convention constituante, cependant, "personne ici n'utilise la violence comme forme d'action politique". Le candidat Sichel, lui, considère que "tout projet d'aministie pour les violentistes [qui est au parlement] est comme jeter de l'essence sur le feu de la violence". [Voir EXTRA]
- Tous les vendredi un groupe de délinquants continue à faire du désordre et destructions à la place d'Italie et environnements, lapidant des carabiniers et obligeant à fermer 2 stations du métro.
- Le 25, en plein jour, une pharmacie du centre de Santiago a été mise à sac alors qu'il y avait des clients à l'intérieur.
- Un accusé d'avoir lancé un cocktail molotov dans une station de métro le 18/10/19 vient enfin d'être condamné, les preuves étant suffisantes.
- Les assassinats continuent à augmenter, soit pour voler, soit en "règlements de compte", soit en bagarres entre bandes. Et des innocents meurent par balles perdues. La police a identifié 50 points critiques de violence, qui seront plus particulièrement surveillés. Elle disposera de 20 nouvelles voitures de patroulle et 400 policiers.
- Nouvelle bande arrêtée avec 20kg de drogue. Une autre, de 9 personnes dont 6 colombiens, avec 3 millions de doses.
- 715 émigrants illégaux ont été expulsés cette année, mais 400 n'ont pu l'être, par décision de la Cour Suprême, suite à des appelations.

- Araucanie: Les attaques et incendies ont continué, une autre église et 10 maisons d'un village inclues. Et même une attaque incendiaire à l'Université de Concepcion. Mais les attaques incendiaires auraient baissé de 40% et la violence totale de 61% grâce à l'état d'exception (présence des militaires associés à la police).
- Deux membres de communautés ont été arrêtés et imputés d'usurpation, vol et dommages à des propriétés.
- Le candidat présidentiel Boric (Front Ample-PC) s'est déclaré contraire à la "militarisation de la zone".
- A la demande des affectés, la Cour Suprême a ordonné au ministre le l'Intérieur et au délégué présidentiel de la région de se coordonner pour protéger les victimes de la violence. Selon la Suprême, ces autorités ont vulnéré leur droit à la sécurité. Les ministres le l'Intérieur et de Défense se sont rendus dans la zone.
- Profiteurs: 4 membres de communautés mapouches qui furent imputés illégalement (de délits inventés) ont réclamé une indemnisation de l'Etat de 1.713 millions de CLP (1,8 million d'€). Le Conseil de Défense de l'État s'oppose évidemment à ce montant.

Transports et Communications
- Le service d'internet par satellite Starlink, de Elon Musk, vient d'être autorisé.

Education et culture
- La Chambre des députés a approuvé l'octroi de la titularisation aux enseignants qui ont systématiquement démontré qu'ils n'avaient pas les compétences nécessaires pour enseigner [!], s'opposant à une indication du gouvernement pour les suspendre.
 
Science et environnement
- Vague de chaleur (31°C) en région métropolitaine. C'est la 5e cette année, causée par le changement du climat mondial.
- Le gouvernement a présenté le premier plan national de développement et de normes pour l'intelligence artificielle. Si elle est aussi "bonne" que celle qui créa une régulation pour les plateformes sociales, ce sera un désastre, avertissent les experts. "Les politiciens ne comprennent rien."

A propos du 18 octobre: les faits et leur sens

L'explosion n'était pas sociale
Sergio Muñoz, Analyste politique (Extraits. El Libero, 18/10/2021)

Après deux ans d'irruption de violence, de destruction et de pillage dans notre coexistence, on peut affirmer, sans aucun doute, que le 18 octobre 2019, il n'y a pas eu d'explosion proprement sociale au Chili, c'est-à-dire une protestation contre un état de choses insuportable. A cette époque, il y avait des préoccupations et des revendications légitimes, comme celle relative à l'amélioration des retraites, mais le pays n'était pas en crise. Les institutions fonctionnaient normalement et, malgré les différences, le gouvernement de centre-droite et l'opposition de centre-gauche, qui contrôlaient le Congrès, maintenaient des relations de coopération. Le rythme de croissance de la première année de Piñera avait doublé la moyenne du deuxième gouvernement de Bachelet, et le pays était considéré par des milliers d'immigrants vénézuéliens, haïtiens, colombiens et autres comme l'endroit approprié pour commencer une nouvelle vie. Bref, le Chili était loin de se retrouver dans une situation qui pourrait expliquer pourquoi, du jour au lendemain, et avec pour seul précédent la hausse des tarifs du métro, une vague d'irrationalité s'est déclenchée comme celle de la nuit du 18 octobre.
Depuis le rétablissement de la démocratie, nous avions assisté à des manifestations de protestation pour des raisons diverses, mais rien de comparable à l'irruption de foules vouées au vol, à l'incendie et à la destruction dans de nombreux endroits à la fois, qui mettaient les forces des carabiniers devant le test le plus difficile de son histoire. Ce n'était pas de la protestation, mais du vandalisme pur et simple. Ce n'était pas une revendication, mais une barbarie méthodique. Mais, les présentateurs de télévision et les leaders de l'opposition ont rapidement qualifié ce qui se passait d'« explosion sociale », qui a donné un air de noblesse à tout ce qui s'est passé.
Le but explicite du 18 octobre était politique : frapper le gouvernement de centre-droite, et en particulier Sebastián Piñera, pour le faire échouer et, simultanément, remettre en cause les réalisations du Chili depuis 1990 avec des gouvernements de centre-gauche et de centre-droite. Pour le mener à bien, la planification, la coordination et l'utilisation de ressources considérables ont été nécessaires. Le 19 octobre, Guillermo Teillier, chef du Parti communiste, a demandé la démission du président Piñera. C'était comme s'il remplissait sa part du plan. Dans les jours qui ont suivi, il est devenu clair que son parti était enthousiasmé par la possibilité de rééditer toutes les formes de lutte.
La violence fut validée par de nombreuses personnes des secteurs moyens qui ont accepté le reportage télévisé sur la supposée épopée vécue dans les rues. L'idée s'est répandue que cela pouvait contribuer à l'émergence d'une société plus juste. Une fois de plus, la fin justifiait les moyens. Au nom de la justice, d'énormes injustices ont été commises, des milliers de PME ont été détruites, l'économie a fait marche arrière, un climat de vulnérabilité a été généré dans la société et les pires distorsions de ce qu'on entend par lutte sociale ont été favorisées.
À un moment donné, la contribution du régime de Nicolás Maduro à nos malheurs devra être connue en détail. Le 19 juillet 2021, le président Piñera a fait une déclaration devant le procureur de Valparaíso, Claudia Perivancich, qui lui a demandé, entre autres, s'il était vrai que la Direction du Renseignement de l'armée avait remis, quelques jours après le 18 octobre, un rapport au ministre de la Défense de l'époque, Alberto Espina, dans lequel il était affirmé que le Service National de Renseignement Bolivarien (SEBIN, du Vénézuéla) avait réussi à introduire au Chili « un bataillon de 600 agents clandestins, experts en guérilla urbaine », pour mener à bien opérations insurrectionnelles dans le pays. Piñera a reconnu l'existence du rapport, dans lequel il a déclaré que l'entrée de cubains et de vénézuéliens était mentionnée.
Qui furent les exécuteurs de l'assaut du métro et des attaques contre les casernes de police et les unités militaires ? Les membres d'une coalition politico-criminelle, composée de groupes anarchistes, de diverses factions d'ultra-gauche, de soldats des trafiquants de drogue et d'éléments du lumpen. Ils ont été rejoints par des milliers de garçons perdus qui, avec les incitations correspondantes, se sont livrés au vandalisme à plein temps.
Que représenta alors la manifestation massive du 25 octobre à la Place d'Italie, qui a été saluée comme l'expression de la véritable explosion, et que la presse internationale a interprétée comme l'annonce d'une révolution ? Ceux qui l'ont convoquée via les réseaux sociaux ont fait preuve d'une grande habileté à appeler à protester contre les abus et en faveur de l'égalité. Tout le monde pouvait s'identifier à cet appel. Ainsi, de nombreuses minorités actives ont convergé sur la place, dans un mélange de happening et d'attitude perturbatrice, où il y avait place pour toutes les raisons de mécontentement. Il n'y avait pas de devise centrale, pas d'orateurs et pas de condamnation de la violence. Mais, tout le monde a compris que la manifestation s'inscrivait dans la même flambée, et qu'en fait elle légitimait les excès des jours précédents.
C'est alors que les partis d'opposition ont décidé de sauter dans le train de la protestation pour frapper le gouvernement. Sous prétexte de rejoindre « l'indignation du peuple », ils ont mis de l'huile sur le feu pour créer une situation d'ingouvernabilité qui leur permettrait de revenir au gouvernement d'ici 4 ans. La détermination des agitateurs de la Place d'Italie à couvrir le vandalisme avec des vêtements justes a été exprimée dans la phrase "jusqu'à ce que la dignité soit coutumière". Le mot important était "jusqu'à", car il impliquait que tout ce qui se passait à Santiago et dans d'autres villes ne s'arrêterait pas "jusqu'à" ce que la société se soumette à son idée de la dignité. C'est la violence devenue coutume !
Il est révélateur que les secteurs qui ont milité pour le pardon des pillards de 2019 parlent aujourd'hui des « prisonniers de la révolte », et non de l'explosion sociale. La présidente de la Convention elle-même évoque les « prisonniers de la révolte », presque comme signe de distinction. En aveu de partie, soulagement de la preuve. Il n'y a pas eu d'explosion spontanée d'agitation il y a deux ans, qui a amené certaines personnes bien pensantes à répéter que "le Chili s'est réveillé". L'ivresse de la propagande a fait son œuvre à l'époque, mais la vérité est enfin reconnue : révolte, c'est-à-dire émeute, acte de sédition. Et l'objectif était de provoquer la chute du gouvernement Piñera.
Le 18 octobre laissa un héritage empoisonné. Il a affaibli la légalité, encouragé les crimes à visage « social », favorisé l'anomie, mis la peur dans le corps de la société et accentué la dégradation du politique. La culture démocratique régresse douloureusement. On a vu émerger un courant au Congrès qui a endossé de nombreuses actions antisociales et n'a pas hésité à promouvoir les formes les plus ouvertes de déloyauté envers le régime démocratique. Et en plus, l'ivresse refondatrice de la Convention. Quand on entend qu'il exprime « l'esprit d'octobre », il est difficile de ne pas l'associer à des calamités.
Le plan séditieux de 2019 a échoué, et cela a prouvé que la démocratie a une base solide. Mais, aujourd'hui, nous sommes confrontés à une nouvelle vague de déstabilisation, dont l'expression la plus grave est la nouvelle accusation constitutionnelle présentée à l'hémicycle contre le président Piñera, qui manque de base légale, mais cherche à créer un climat de tension alors qu'il ne reste que quelques jours avant les élections du 21 novembre. Ses promoteurs sont des parlementaires débauchés, animés par un pur intérêt électoral : ils jouent ces mêmes jours leurs positions bien payées. Ils sont, sans aucun doute, l'incarnation de la politicaille.

La signification du 18 octobre
Carlos Peña, avocat, recteur Université Diego Portales
(Extraits de El Mercurio, 15/10/2021)

Les faits eux-mêmes n'ont pas de sens. On leur attribue un sens qui, par eux-mêmes, leur manque.
Ce que l'on se demande, c'est quel sens on peut donner au 18 octobre [2019], à la lumière de la compréhension dont nous sommes capables aujourd'hui. Tout d'abord, le 18 octobre, c'est la fin d'un régime politique. Si l'on entend par un tel ensemble de règles et d'institutions qui organisent et distribuent le pouvoir, il ne fait aucun doute que ce jour a été le début de la fin du régime qui s'est configuré à partir des années quatre-vingt dans la dictature. Le présidentialisme renforcé a pris fin ce jour-là. A partir du 18, seule sa gestualité a survécu - et parfois même pas cela - mais l'autorité qu'il possédait a disparu comme par enchantement. L'autorité, comme le savent les psychanalystes, repose toujours sur un fantasme, sur le savoir supposé de celui qui l'exerce, sur le pouvoir qu'il cache. Eh bien, le 18 octobre, le fantasme présidentiel s'est dissipé. Et sans cette enveloppe fantaisiste, il n'y avait plus d'autorité et seule la trace du pouvoir subsistait (les romains distinguaient, comme on le sait, entre auctoritas, pouvoir socialement reconnu, et potestas, pouvoir purement formel).
Parallèlement à ce qui précède, le 18 octobre a été le moment où la compréhension que la société chilienne avait d'elle-même a commencé à s'effondrer et a commencé à en exiger une autre. Jusqu'au 18 octobre, il était encore logique de parler de la nation chilienne comme d'une communauté avec un passé et une mémoire communs. Le 18 octobre, un symbolisme est apparu qui indiquait qu'une diversité de mémoires et d'identités sous-tendait la société chilienne. Les politiques identitaires - peuples, minorités - ont fait irruption, ce qui nous oblige à modifier la compréhension que la société chilienne a d'elle-même. Mais avec la dissolution de l'auctoritas et le changement de compréhension que la société chilienne avait d'elle-même, le 18 octobre a également commencé un processus - celui qui est mené aujourd'hui par la Convention constitutionnelle - qui montre que le Chili, malgré la crise qu'il a subie, est prêt à réaffirmer sa volonté d'établir une communauté politique de destin, avec une unité de destin.
Le 18 octobre a été un événement quelque peu violent et destructeur. C'est vrai. Mais le seul moyen d'aplanir son profil menaçant est de le dépouiller de ses aspects dissolvants et ruineux en lui attribuant le sens d'un nouveau départ. Sinon, la fumée de ce jour-là et l'horizon éclairé continueront de nous accompagner.

28/10/2021

Selk'nam : la réapparition d'un peuple que l'on croyait éteint

 Deutsche Welle, 28-10-2021 (Traduit de l'espagnol)

Dans l'extrême sud de l'Amérique, les peuples Selk'nam ou Ona prouvent qu'ils ne sont pas éteints, comme le prétendaient les savants et les livres. Récupérant leurs histoires et traditions familiales, ils cherchent à être reconnus.

Les Selk'nam, habitants originels de la Terre de Feu, à l'extrême sud de l'Amérique, étaient considérés comme éteints.

Marcela Comte comprend maintenant pourquoi sa mère gardait toujours les rideaux fermés et avait peur d'ouvrir la porte s'ils frappaient. La peur l'accompagnait, vivant même dans le nord du Chili, à plus de quatre mille kilomètres de la Terre de Feu, l'île lointaine d'où venait son grand-père.

Pour Hema'ny Molina, la bonne note qu'elle a obtenue dans un journal scolaire sur les peuples indigènes du sud, qui disait que les Selk'nam ou Ona étaient éteints, n'était pas correcte. "J'ai regardé mon grand-père et ma mère et je savais qu'ils étaient ona. J'ai dit à mon professeur que mon travail était faux, qu'ils n'étaient pas éteints, mais je n'avais pas la force de lui dire que j'étais ona", se souvient-elle.

Ainsi ont-ils grandi, loin du territoire de leurs ancêtres et au milieu des contradictions, dans une société qui les considérait officiellement comme disparus et dans laquelle il convenait de se taire. "Toutes les familles ont vécu cela. Nous avons passé de très mauvais moments à l'école, on nous a taquinés. Jusqu'à ce que l'un devienne autonome et peu importe ce qu'il dit. Mais il y a encore ceux qui n'ont pas franchi cette barrière de la peur", dit Hema'ny Molina, aujourd'hui président de la Selk'nam Chile Corporation.

"Ils n'osent pas le dire publiquement parce que, comme les livres disent que nous n'existons pas, ils ne se sentent pas en sécurité. 'Où est ta ville ?' Tous deux appartiennent à la communauté Covadonga Ona, qui regroupe des familles qui s'identifient comme selk'nam au Chili (les documents officiels les mentionnent indistinctement comme selk'nam ou selknam).

La plupart des rescapés du génocide contre ce peuple se sont retrouvés dispersés à travers le Chili et l'Argentine -pays auxquels appartient la Terre de Feu-, mais beaucoup ont également été embarqués sur des navires marchands à destination incertaine. « À un moment donné, nous avons cru que nous étions la seule famille avec la conscience de venir de là-bas. Toutes les familles y ont pensé, c'est un très grand sentiment de solitude », raconte Molina.

Survivants de l'extermination

Lorsque le missionnaire et ethnologue allemand Martin Gusinde arriva en Terre de Feu en 1918, il estima qu'il restait moins de 300 Selk'nam sur l'île (photo d'époque). 50 ans plus tard, l'anthropologue Anne Chapman a décrété qu'avec la mort du dernier locuteur supposé, ils étaient éteints. « Nous avons été victimes d' un génocide physique et scolaire , raconte Molina.

Aujourd'hui, les descendants de ceux qui ont survécu au « génocide physique et académique » sont les vedettes d'un processus d'auto-identification et de réémergence.

Le premier affrontement s'est produit avec le passage des navigateurs et des chercheurs d'or, et l'enlèvement d'indigènes qui ont été présentés dans les expositions humaines et les zoos en Europe. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les pionniers de l'élevage ovin arrivent. Molina indique que, endossé par les États du Chili et de l'Argentine, « il y a eu de vraies chasses à l'homme. Ils ont même payé une livre sterling par homme mort. aux musées."

Des hommes et des femmes âgées ont été assassinés et des jeunes femmes et des enfants ont été kidnappés. Les enfants issus du métissage forcé parlaient la langue et ont été élevés comme Selk'nam, mais on leur a refusé le droit de l'être. Beaucoup se sont retrouvés dans les missions salésiennes en dehors de l'île, où ils ont essayé de sauver les indigènes des massacres et de les évangéliser, mais ils ont propagé des maladies qui les ont décimés. Les enfants survivants ont été mis en adoption. Beaucoup ont perdu leur nom et ont grandi sans connaître leurs origines.

"Dans le cas des exilés, leurs enfants nés à l'étranger sont toujours chiliens... Et, dans notre cas, aucun Selk'nam n'a quitté la Terre de Feu de son plein gré", explique Hema'ny Molina.

"Il y a une rupture historique dans laquelle personne ne savait rien de nous. C'était tellement violent que la première réaction des enfants a été de se taire et d'oublier qu'ils étaient Selk'nam, car la vie en dépendait. Le traumatisme familial est très grand, c'est pourquoi c'est encore difficile de parler », explique Marcela Comte.

Des histoires de famille à la reconnaissance

Du côté argentin de la Terre de Feu, la communauté indigène Rafaela Ishton a obtenu des acquis en matière de droits et de garanties, ce qui soutient également la lutte de ce peuple au Chili. Lors du dernier recensement du pays, 1 144 personnes se sont reconnues comme selk'nam et la communauté Covadonga Ona compte plus de 200 membres.

Avec la Corporation Selk'nam Chile, ils cherchent à être reconnus par l'État en tant que groupe ethnique d'origine. La Chambre des députés a approuvé l'idée de légiférer et le Gouvernement vient d'autoriser les fonds pour l'étude anthropologique, historiographique et archéologique requise. Une fois livré, le Sénat doit trancher. Cela leur permettra d'accéder à une série d'avantages envisagés par la loi dite autochtone. Un autre bon précédent est que, depuis quelques années, ils participent à des instances destinées aux peuples autochtones et ont des échanges avec d'autres.

En outre, ils travaillent depuis cinq ans avec l'Université catholique Silva Henríquez - et maintenant l'Université de Magallanes se joint - à la recherche d'informations sur la survie de Selk'nam au Chili. "Certains n'ont que des soupçons et rien pour le prouver, mais ils se regardent dans le miroir et il y a une tendance inexplicable. Quand ils commencent à rassembler l'histoire et les coutumes, ils trouvent un ancêtre qui a été adopté, ils ont changé de nom, et ont croisé traits qu'ils sont restés dans la famille », explique Hema'ny Molina.

L'anthropologue Constanza Tocornal, de l'Université catholique Silva Henríquez, travaille avec eux à la reconstruction de mémoires orales et d'histoires familiales, et à la révision de sources archivistiques et documentaires.

« La reconnaissance culturelle et politique du peuple Selk'nam doit considérer que le génocide entrave la continuité culturelle. Dans ces mémoires familiales, il y a des processus intimes d'invisibilité, de peur et de violence subis envers leur possibilité de s'identifier en tant que peuple, auquel la Je lui ai dit qu'il avait disparu. Cela fait aussi partie des éléments identitaires », explique-t-elle.

Communauté Selk'nam du Chili

Les membres de la communauté Covadonga Ona et la Corporation Selk'nam Chile (photo)demandent que l'État chilien les reconnaisse comme une ethnie d'origine, comme cela s'est déjà produit avec neuf autres groupes.

Le processus de reconnaissanc légale n'a pas à voir avec la pureté du sang, précisent-ils dans l'entreprise. Les peuples changent et bien qu'aujourd'hui ils n'habitent pas le territoire ou ne parlent pas la langue, ils conservent certains traits culturels. Ils découvrent eux-mêmes des similitudes lorsqu'ils se réunissent. Il existe aussi certaines pratiques et savoir-faire dans les familles, comme le travail du textile ou du cuir qui, « une fois que la possibilité de l'ancêtre Selk'nam est reconnue et contrastée avec les récits ethnographiques, elle trouve une plus grande explication », ajoute Tocornal.

Aujourd'hui, ils sont en train de récupérer la langue, qui n'a jamais été complètement perdue. Chaque jour, ils reçoivent plus de demandes de collèges et d'universités pour donner leur témoignage, raconte Marcela Comte : « Ils nous posent beaucoup de questions, nous leur apprenons quelques mots et ils sont étonnés que nous soyons là et que les textes scolaires soient faux.


14/10/2021

Octobre (a)

Santé (au 31/07)
- Contagiés actifs actuels: +- 5.300. Les cas journaliers ont de nouveau dépassé 1.000 (le niveau du mois d'août), dus probablement aux réunions pour les fêtes nationales. Taux de tests positifs: 2,45% (+ de 3% en région métropolitaine)
- Total des cas: 1.665.000. Décédés: 37.578.
- Les enfants entre 6 et 11 ans sont vaccinés dans leurs écoles.
- Une 3e dose de vaccin est maintenant oferte à tous, mais il y a plus de résistence.
- Le gouvernement s'est assuré un possible achat d'une 4e dose de vaccin, si cela se révèle nécessaire.

Politique et administration
- Sichel, le candidat présidentiel de centre-droite, a proposé que soit permis le retrait complet de l'épargne dans les fonds de pension, pour les confier à une entité au choix et s'assurer ainsi leur propriété et la pension (et éviter leur confiscation par une éventuelle loi promue par la gauche).
- Sichel a été accusé par la candidate de la DC d'avoir financé illégalement sa campagne parlementaire de 2009... mais il était alors candidat député de la DC et c'est le parti qui réunissait les fonds!
- Des directeurs d'émigration ont été nommés dans les 3 régions du nord du pays, pour s'occuper des problèmes liés aux arrivées massives, surtout de vénézuéliens.
- Programme du candidat présidentiel Boric (Front Ample et PC): les épargnes individuelles en fonds de pension ne seraient pas touchées (nationalisées), mais les nouvelles cotisations iraient dans un fond collectif. En matière de santé, il veut copier le système anglais. Le bourguemestre communiste qui le seconde et défend sa propre vision de son programme de gouvernement l'a déjà menacé s'il s'éloigne "un milimètre" de ce programme.
- Nouvelle enquête de préférence pour les candidats présidentiels: Boric (Front Ample et PC) 22% (-1%), Kast (Républicain, extrême droite) 15% (+2%), Sichel (centre droite) et Provoste (centre gauche, DC-PS etc) 12%.
- Selon Bloomberg, "le jeune candidat [Boric] cherche à enterrer le miracle néolibéral du Chili".
- Électeurs habilités pour les prochaines élections: 14.959.945.
- La plupart des chiliens, comme 74% des latinomaéricains, ne sont pas satisfaits de leur démocratie et considèrent comme eux (73%) que leur pays est dirigé par des groupes puissants pour leur propre bénéfice.

Convention constituante (CC)
- La présidente de la CC ne permet aucune discussion des changements suggérés par des membres aux articles des divers règlements: on vote si ou non pour la proposition, et rien d'autre, "vu la quantité d'indications" (suggestions de changements). Peur de la participation?
- La CC a inventé 2 règlements complémentaires d'aspect démocratique mais qui se prètent à des excès hors des normes de sa convocation [Voir Extra]:
-- Règlement de participation et consultation indigène: tout le travail de la commission qui l'a préparé, avec 22 sessions et 69 audiences de groupes externes, a été réduit à rien par un texte alternatif complet présenté avec la signature de 81 membres (suffisants pour son approbation, sans discussion)! Les propositions indigènes, réunies par un secrétariat propre, passeront aux diverses commissions de rédaction du "fond".
-- Règlement de participation populaire: La CC a défini que la participation populaire sera «accessoire et contraignante». Il y aura une plateforme sur internet pour faire des propositions et diverses formes de participation groupale, mais il faudra 15.000 signatures, de 4 régions du pays, pour que les propositions soient considérées et votées. Elle inclut aussi un plebiscite sur les articles qui obtiennent les 3/5 des voix mais pas les 2/3 requis par la loi. (Mais, pour cela, le parlement devrait réformer la constitution existente.)
- Des députés de droite ont été assister aux "débats" (qu'ils ont trouvé inexistants) et ont été accusés de "provocateurs".
- Le 18 octobre commencera enfin le travail de rédaction de la nouvelle constitution.
- L'optimisme pour les résultats de la CC est tombé de 22%, selon la dernière enquête.

Economie
- Le désemploi est tombé de 8,5% le dernier trimestre. La situation de l'emploi est la meilleure depuis mars 2020
- En juillet 2020, 48% des foyers signalaient qu'ils n'arrivaient pas à la fin du mois avec leur argent; en juillet 2021, le pourcentage est tombé à 24,9%.
- Le prix de l'essence, qui monte depuis des mois, a battu tous les records, passant de 1.000 CLP le litre (1,1€)
- L'index des prix de septembre a augmenté de 1,2%, poussé par la hausse des aliments et du transport. Cela fait 4,4% déjà pour cette année et 5,3% en 12 mois (le plus haut depuis 13 ans). L'opposition en responsabilise le gouvernement alors que c'est elle, au parlement, qui en a créé les conditions, ce qu'a confirmé le président de la Banque Centrale, avertissant de résultats encore plus nocifs si le parlement approuve un 4e retrait des fonds de pensions.
- La Banque Centrale a haussé son taux de politique monétaire de 1,5 à 2,75%, pour tenter de freiner l'inflation, dont elle responsabilise la politique économique du parlement [sacrifier l'économie pour gagner les voix de ceux qui, comme eux, ne la comprennent pas]. C'est l'ajustement le plus brusque depuis 20 ans. Les banques ont inmédiatement augmenté leurs taux de crédits hypothécaires et réduit la durée de ceux-ci.
- La bourse locale a souffert une forte baisse, comparable à celle de la crise de 2008, produit du manque de confiance dans le résultat des futures élections, les prévisions pour le candidat de centre-droite étant en baisse.
- Projet de loi (de la Chambre) qui permettrait un 4° retrait de 10% des fonds de pension: "Certains sont disposés à détruire le pays pour pouvoir gagner un vote" a dit le président Piñera. Le projet est passé au sénat.
- Le FMI prédit une croissance de 11% de l'économie du pays cette année, mais seulement de 2% l'an prochain. C'est le pays d'Amérique qui s'est le plus vite récupéré.
- En août, il y a eu 18.000 millions de dollars d'investissements étrangers dans le pays.
- 70% des seniors se sentent discriminés comme consommateurs, selon enquête du Service National des Consommateurs et du Service des Adultes Majeurs. Ils considèrent que les entreprises ne tienent pas compte de leurs nécessités, pas plus que la publicité.

Sécurité et justice
- 2,5 personnes sont assassinées chaque jour.
- Le président Piñera est suspecté d'avoir profité de paradis fiscaux, pots-de-vin et évasion d'impôts, selon des documents des Îles Vierges ("Pandora Papers"), suite à des opérations faites par ses fils avec des fonds qu'il leur avait transféré. Le porte-parole du gouvernement a réitéré que les biens du président sont administrés par une fidéicommission aveugle et qu'il ne connaissait donc pas ces opérations. Il y aurait eu influence indue de sa part dans la vente d'une compagnie minière (en 2010). Un procureur a ouvert une enquête pour examiner des détails non considérés lors d'un procès en 2017 qui exonéra le président. Le service des impôts étudiera aussi les antécédents. Le gouvernement accuse l'opposition de vouloir en tirer des profits politiques. Même le candidat présidentiel oficialiste a demandé des éclaircissements. Des membres de l'opposition ont finalement présenté une "accusation constitutionnelle" (motion de censure) dont le but est de destituer le président. Une commission de la Chambre doit étudier les fondements et les présenter au vote de la salle, puis le sénat fera office de tribunal.
- Il y eut des manifestations en faveur et contre les émigrants à Santiago (avec incidents), Antofagasta et Iquique.
- Nouvelle arrestation d'un bande avec une tonne de drogue et une autre, de "grossistes", avec des biens pour 3.400 millions de CLP (+- 3,2 millions d'€).
- La douanne a saisi un paquet avec 1200 pastilles de MDMA provenant de Hollande.
- Des bandes combattent maintenant entr'elles à coup de feu dans les rues de la périphérie de Santiago. Les passants sont blessés.
-Il y a des indices de la présence, dans le nord, d'un gang vénézuélien, très violent, de trafic d'émigrants, drogue et armes.

- Araucanie: Les attaques et incendies ont continué (2 églises et une chapelle inclues).
- Selon la Contralorie (chargée de vérifier la légalité des actes de l'exécutif), la fin de l'état d'exception lié à la pandémie rend illégale l'utilisation de l'armée pour contrôler la violence dans cette région. Mais le gouvernement a finalement déclaré l'état d'urgence dans la zone, ce qui lui permet d'utiliser l'armée. mais c'est pour 15 jours, renouvelable une fois; pour plus, il lui faudrait l'accord du parlement, ce qui est presque impossible. L'armée y a envoyé 3 hélicoptères, 10 Mowags et a doublé son contingent (900 effectifs), avec mission d'appui aux polices en dissuasion, surveillance, transport et logistique. Les victimes aplaudissent, mais la gauche dit que c'est "tenter d'éteindre le feu avec de l'essence". L'«Organe de Résistence Territoriale» mapouche s'est alors déclaré en "état de défense face à cette offensive" et a perpétré de nouveaux attentats.
- (Avant cela) La police, qui allait déloger une ferme occupée illégalement, a dû se retirer devant une forte défense armée.
- 9 personnes ont été arrêtées suite à un séquestre de 3 personnes avec exigence d'une rançon 1,5 million de CLP pour leur libération.
- Un dirigeant mapouche et ses 2 fils ont été arrêtés et imputés pour l'assassinat d'un sergent carabinier, propriété d'armes et attentats incendiaires.
- Une dizaine de mapouches se sont installés dans une réserve naturelle, menaçant de se défendre par les armes si l'on tente de les expulser (photo). Mais, après plusieurs jours, ils ont finalement abandonné l'endroit.
- 700 camionneurs bloquèrent pendant quelques heures tous les jours l'autoroute nord-sud qui traverse la zone pour réclamer pour l'insécurité. Ils ont suspendu leur action lors de la déclaration de l'état d'exception.
- La Chambre des députés a fait une minute de silence en mémoire d'un habitant d'Araucanie mort de ses brûlures, conséquence d'un attentat incendiaire. La présidente de la CC (mapouche) a refusé de le faire à la Convention.
- Le candidat présidentiel Boric (Font Ample +PC) n'a pas assisté au débat sur les problèmes de l'Araucanie et de l'agriculture, où tous les candidats étaient invités. [Il n'a pas d'idée ou cela ne l'intéresse pas?] Il a préféré se réunir avec un bourguemestre communiste.

Transports et Communications
- Les assureurs doivent maintenant donner gratis un GPS aux automobilistes qui prennent leur assurance-auto.

Extras:
Crise de notre démocratie représentative

Crise de notre démocratie représentative

 

Democratie extrême
Gabriel Zaüasnk, professeur de droit pénal, U. de Chile
(La Tercera, 5/10/2021)
Lorsqu'il y a des années, l'actuel membre de la CC Fernando Atria a déclaré que le "problème constitutionnel" devrait "être résolu de la bonne ou la mauvaise façon", le centre du débat a ignoré l'explication qu'il a donnée à ses propos. À son avis, nous vivions dans des institutions délégitimées en raison des prétendus « pièges » de la Constitution actuelle. Paradoxalement, dans le nouveau processus constituant, ce sont précisément les tentatives d'introduire des pièges qui abondent, sapant ainsi sa légitimité.
Le Chili a avancé sur une pente inimaginable jusqu'à il y a quelques années. Il ne s'agit pas, comme on prétend, que l'aveuglement des uns a empêché de voir les besoins, les revendications ou les désaffections des autres. Nous sommes confrontés à une crise énorme de notre démocratie représentative, une crise de leadership et pourquoi pas le dire, une crise intellectuelle. Le manque de réflexion et de formation civique a passé compte. Pendant longtemps nous avons tenu pour acquis les avantages de la démocratie alors que les nouvelles générations, sans la conscience historique des précédentes, n'en voyaient que ses limites et ses défauts.
Dans ce contexte, les positions extrêmes, la folie et certainement la méchanceté et la malhonnêteté démocratiques qui s'affichent au jour le jour dans le débat politique font leur chemin. Presque rien ne peut plus nous surprendre. Ni les retraits des fonds accumulés pour la vieillesse comme une forme de corruption massive, dissimulée comme politique publique, pour sécuriser les voix aux prochaines élections, ni la Convention Constitutionnelle qui s'efforce chaque jour d'imaginer de nouvelles formules lui permettant de sauter les règles qui en sont à l'origine. Ainsi. restreindre la liberté d'expression en imposant un concept grossier de "négationisme", modifier les quorums de vote, introduire des plébiscites de règlement qui font lettre morte au plébiscite de sortie où le texte constitutionnel doit être approuvé ou rejeté, avoir l'intention de modifier la durée du mandat des élections populaires de novembre (d'ailleurs sous réserve du résultat, puisque la majorité conjoncturelle des conventionnels ont entre les mains de définir à leur gré si cela leur plaît), sont les pièges qu'ils veulent introduire par crochet ou par l'indifférence des citoyens. Le slogan semble être que tout est permis pour atteindre et monopoliser le pouvoir.
Nous sommes face à ce que la sociologue Dominique Schnapper, fille du célèbre penseur Raymond Aron, a appelé la démocratie extrême : le moment où la démocratie, en raison de ses excès, devient antidémocratique. La démocratie libérale n'est pas la démocratie, mais seulement son imposture autoritaire. Malheureusement, notre Convention Constitutionnelle semble en être le paradigme. "Au nom d'une démocratie abstraite et absolue, qui n'a jamais existé ni ne peut exister, la démocratie concrète est détruite, celle qui peut exister et celle qui, avec ses limites, a existé."

La culture émergente de la Convention Constitutionnelle

Une culture contraire au pluralisme
José Joaquín Brunner, e-ministre, professeur Université Diego Portales
((Extraits. El Libero, 6/10/2021)
Quelle culture émerge au sein d'une nouvelle instance politique, créée pour définir la Charte fondamentale d'une nation, comme c'est le cas de la Convention constitutionnelle (CC) du Chili ? Quelles valeurs et comportements ce groupe assume-t-il ? Comment s'y conjuguent les exigences de légitimité et d'efficacité ? Quel rôle jouent le bureaucratique (règles et hiérarchie), le politique (délibération et négociation), le technocratique (spécialistes et techniciens) et le traditionnel (symboles et récits) dans la configuration de l'entité ? Quels principes et normes proclame-t'elle pour guider son travail? Quelle est l'image que l'organisme cherche à projeter vers l'extérieur? Quel est son rapport aux autres pouvoirs de l'État, aux organisations de la société civile et à l'électorat qui doit finalement approuver son travail?
En réalité, cette culture de l'entité constituante est juste en formation. Et il n'atteint toujours pas un degré de consolidation suffisant. Cela se voit dans les nombreux différends non résolus concernant sa propre origine, son caractère, sa gouvernance et son fonctionnement.
La dichotomie — origine sociale proto-révolutionnaire versus origine institutionnelle réformiste — bat dans une série d'autres dichotomies qui sont à la base de la culture de la Convention: assemblée populaire / convention constituante, pouvoir originel / pouvoir dérivé, souveraineté complète / souveraineté limitée, etc. En général, le lien entre la CC, et les conventionnels, avec l'institutionnalité existante, qui est aussi préexistante au 18-Octobre ["révolte sociale" de 2019] et n'a pas été abrogée par la révolte, est continuellement remise en cause par la question de l'origine.
Selon la thèse d'Octobre, la CC ne peut reconnaître aucun supérieur hiérarchique puisqu'elle incarne pleinement la souveraineté du peuple, sans intermédiation institutionnelle. Comme s'il s'agissait d'un premier jour rousseaunien, c'est maintenant que commencera à s'écrire le nouveau pacte social et politique qui instituera, ab ovo, l'institutionnalité politique qui gouvernera la nouvelle société. Au contraire, selon l'esprit du novembrismo [accord entre partis politiques], l'élaboration de la nouvelle Constitution doit être comprise comme une tentative de renouvellement de l'ordre hobbesien de la société, sans tomber dans l'abîme de la discontinuité institutionnelle (rupture).
Traduite en faits d'ordre existentiel quotidien, cette relation tendue entre deux conceptions de soi opposées du statut de la CC est présente dans le traitement que les conventionnels aspirent à recevoir de l'institutionnalité actuelle mais déjà abrogée dans l'imaginaire de certains d'eux.
La CC peut-elle déterminer à sa discrétion les dépenses de l'organe et de ses membres, sans les soumettre à discussion avec le pouvoir exécutif? Doit-elle respecter l'autonomie des pouvoirs de l'État ou peut-elle formuler des suggestions, des demandes ou des instructions sur toute question que la majorité de ses membres décide de traiter? Dans chacun de ces domaines, il est possible de découvrir des aperçus de la culture qui se développe au sein de la CC.
La culture de l'organe constituant s'est également caractérisée, dans cette première étape, par la forte impulsion donnée aux processus bureaucratiques. Les observateurs extérieurs coïncident pour souligner que la Convention a déployé un rythme intense de production de règles. La mise en place d'une certaine éthique de travail qui refléterait un attachement aux valeurs publiques d'accomplissement de mission, de vocation de service et de fidélité au mandat du mandant, c'est-à-dire du peuple souverain, est applaudie. On en dit moins, cependant, sur la conception bureaucratique élargie, proliférante et expansive qui semble animer la culture de la CC, du moins à ses débuts. Diverses réglementations apparaissent, avec une rhétorique de principes et d'aspirations assortie de règles de procédure et de comportement abondantes, bien au-dessus du minimum nécessaire. Au milieu d'une forêt de règles et de multiples instances génératrices de règles, l'organisation perd de sa cohérence et l'action se bloque et devient incohérente.
Le réglementarisme, tel qu'il commence à être perçu, reflète aussi une certaine idéologie puritaine, mais non pas celle qui cherche à produire au maximum des œuvres pour sauver l'âme, mais plutôt à imposer un code moral qui encadre fermement la vérité contre le faux, le correct contre le mal, l'humain et le bon et le beau contre ses contraires négatifs : l'inhumain, le mauvais et le laid. Son règlement d'étique est celui qui révèle le mieux cet esprit. Un code orwellien: Big Brother préside la scène.
Ce qui est invraisemblable, c'est qu'un organe essentiellement délibératif et discursif, où il y a une pluralité de visions et de valeurs, peuplé de professionnels, d'universitaires et de leaders sociaux, consacre des dizaines d'heures précieuses, une énergie intellectuelle et des dizaines d'autres pages, à imaginer, concevoir et construire un véritable panoptique pour la maîtrise du langage et l'expression de la pensée. Ainsi, un véritable maillage d'interdits, de restrictions, de soupçons, de méfiance, de restrictions, de menaces et de sanctions - parfois même absurdes - finit par se tisser autour des têtes et de l'expression du conventionnel, s'enveloppant dans ce maillage, étranger à l'autonomie personnelle, raison et liberté d'argumentation.
De cette façon, on prévient la critique dissolvante, le négativisme; la pensée en dehors de la doxa (l'opinion dominante qui finit par être considérée comme indiscutable) est empêchée. En d'autres termes, tout ce qui fait partie de la meilleure tradition de la liberté d'expression apparaît désormais comme une infraction potentielle à la « bonne pensée » et à la norme de réparation globale de la société. Aussi, pour protéger la démocratie de la désinformation (d'autres parlaient aussi dans le passé d'une « démocratie protégée »), la libre discussion sur le « marché des idées » ne suffirait pas, il faudrait censurer l'argumentation et réduire la liberté d'expression au profit de l'intégration (morale, idéologique, religieuse ou autre) de la société.
En conclusion, il existe suffisamment d'antécédents pour penser que la culture émergente de la CC est loin d'être le paradigme le plus approprié pour un organe délibérant; qui serait une culture du pluralisme et de la confrontation des idées et des valeurs, ouverte à la diversité, avec une éthique de la liberté maximale de penser et de dire.