14/10/2021

Crise de notre démocratie représentative

 

Democratie extrême
Gabriel Zaüasnk, professeur de droit pénal, U. de Chile
(La Tercera, 5/10/2021)
Lorsqu'il y a des années, l'actuel membre de la CC Fernando Atria a déclaré que le "problème constitutionnel" devrait "être résolu de la bonne ou la mauvaise façon", le centre du débat a ignoré l'explication qu'il a donnée à ses propos. À son avis, nous vivions dans des institutions délégitimées en raison des prétendus « pièges » de la Constitution actuelle. Paradoxalement, dans le nouveau processus constituant, ce sont précisément les tentatives d'introduire des pièges qui abondent, sapant ainsi sa légitimité.
Le Chili a avancé sur une pente inimaginable jusqu'à il y a quelques années. Il ne s'agit pas, comme on prétend, que l'aveuglement des uns a empêché de voir les besoins, les revendications ou les désaffections des autres. Nous sommes confrontés à une crise énorme de notre démocratie représentative, une crise de leadership et pourquoi pas le dire, une crise intellectuelle. Le manque de réflexion et de formation civique a passé compte. Pendant longtemps nous avons tenu pour acquis les avantages de la démocratie alors que les nouvelles générations, sans la conscience historique des précédentes, n'en voyaient que ses limites et ses défauts.
Dans ce contexte, les positions extrêmes, la folie et certainement la méchanceté et la malhonnêteté démocratiques qui s'affichent au jour le jour dans le débat politique font leur chemin. Presque rien ne peut plus nous surprendre. Ni les retraits des fonds accumulés pour la vieillesse comme une forme de corruption massive, dissimulée comme politique publique, pour sécuriser les voix aux prochaines élections, ni la Convention Constitutionnelle qui s'efforce chaque jour d'imaginer de nouvelles formules lui permettant de sauter les règles qui en sont à l'origine. Ainsi. restreindre la liberté d'expression en imposant un concept grossier de "négationisme", modifier les quorums de vote, introduire des plébiscites de règlement qui font lettre morte au plébiscite de sortie où le texte constitutionnel doit être approuvé ou rejeté, avoir l'intention de modifier la durée du mandat des élections populaires de novembre (d'ailleurs sous réserve du résultat, puisque la majorité conjoncturelle des conventionnels ont entre les mains de définir à leur gré si cela leur plaît), sont les pièges qu'ils veulent introduire par crochet ou par l'indifférence des citoyens. Le slogan semble être que tout est permis pour atteindre et monopoliser le pouvoir.
Nous sommes face à ce que la sociologue Dominique Schnapper, fille du célèbre penseur Raymond Aron, a appelé la démocratie extrême : le moment où la démocratie, en raison de ses excès, devient antidémocratique. La démocratie libérale n'est pas la démocratie, mais seulement son imposture autoritaire. Malheureusement, notre Convention Constitutionnelle semble en être le paradigme. "Au nom d'une démocratie abstraite et absolue, qui n'a jamais existé ni ne peut exister, la démocratie concrète est détruite, celle qui peut exister et celle qui, avec ses limites, a existé."