14/12/2016

Décembre (a)

1er décembre - Le gouvernement a décidé d'envoyer 266 policiers de plus en Araucanie. Il fera en janvier une évaluation de la situation.
- Hier a eu lieu la rencontre annuelle des entreprises ("ENADE"). L'organisateur a signalé l'urgence de "construire unis un nouveau consensus". Selon le ministre des Finances, il y aurait les conditions pour que l'économie ait un nouveau dynamisme en 2017, mais les dirigeants sont pessimistes. Le président de la Corporation de la Production a demandé "plus de marché et un meilleur Etat". Le président du Pérou, qui y assistait, a résumé sa politique, qui inclut la diminution des impôts.

2 - Le ministre de l'Intérieur a invité les partis de la majorité à définir leur candidat à la présidence en janvier, considérant que les discussions "pourraient affecter le succès du gouvernement actuel". Les partis ont réagi réclamant leur "propre temps" et que le gouvernement doit s'occuper de gouverner.
- Le mois passé, les travailleurs à leur propre compte ont augmenté de 7%, mais ce sont des travaux souvent précaires (une forme de compenser les mises au chômage, qui continuent).
- Les chambres de commerce accusent une perte de 250 millions de dollars à cause de la multiplication du commerce illégal (qui s'installe surtout sur les trottoirs dans les rues principales des villes) et a triplé vu la proximité de la Noël.
- Le gouvernement rendra 975 millions de dollars à la Corporation du Cuivre (CODELCO), son entreprise minière qui est sa principale source de financement. Une ancienne loi oblige la Corporation a remettre 10% du montant de ses ventes aux forces armées (indépendemment des coûts de production!), ce qui fut de 707 millions de dollars cette année. De plus, la dette de CODELCO a crû de 247% en 11 ans, arrivant déjà à un passif de 25.203 millions de dollars et une dette financière de 14.830 millions, ce qui l'en rend l'une des plus endettées du monde. Et cela malgré qu'elle a apporté 56.000 millions de dollars au fisc. Et de nouveaux investissements de près de 23.000 millions sont indispensables pour qu'elle continue à opérer.

3 - L'ex-président Piñera a envoyé à l'actuelle présidente un projet de modernisation des élections qui permettrait d'une part de voter de 15 jours à 5 jours à l'avance à ceux qui prévoient de ne pouvoir voter le jour des élections et, d'autre part, d'implanter le vote électronique dans les bureaux de vote (pas par internet), qui permettrait de voter n'importe où.
- Le gouvernement s'est félicité de la "baisse de 7%" de la délinquance, mais il ne tient compte que des flagrants délits et des dénonciations à la police, alors que les enquêtes indépendantes montrent une augmentation de la victimisation. La différence provient du fait que beaucoup de victimes (surtout de vols) ne dénoncent plus car cela est totalement inutile (environ 90% des dénonciations sont classées "sans suite par manque d'antécédents").
- L'évêque de Concepcion a publié une lettre exprimant sa préoccupation pour "l'ambiance sociale et culturelle qui tente d'expulser le sentiment religieux". "Depuis un bon bout de temps, on retire Dieu de la sphère publique. On a aussi tenté de le retirer du coeur de l'homme postulant la foi comme dérangement de la vie personnelle et sociale, constitutif d'une aliénation qui opprime et quitte la liberté. [...] L'éthique a aussi perdu sa place dans l'horizon culturel. [...] Celui qui postule l'existence d'une réalité antérieure à la perception est traité durement. [...] L'absence d'un référent ultime sur qui fonder l'existence a mené à la ségrégation sociale et à la violence comme méthode de solution des conflits."

4 - Hier soir a minuit c'est terminée la 28° Teleton, qui unit durant 27 heures tous les canaux de TV ouverte por réunir des fonds pour la réhabilitation d'handycapés. Le total obtenu a été de 32.000 millions de CLP (43 millions d'€). 20% ont été apportés par le groupe d'entreprises de la famille Luksic, une des plus puissantes du pays, et l'annonce de la donation, lors de la cérémonie de clôture au stade, a été sifflée, les Luksic étant impliqués dans divers cas de financement incorrect des campagnes politiques et d'un prêt étrange à la belle-fille de la présidente Bachelet (procès en cours).

5 - La confiance des entreprises dans l'économie du pays a continué un mois de plus en terrain négatif.
- Les emplois temporels ont augmenté de 28%, à cause de la fièvre des achats de Noël. Près de la moitié des chiliens déclare cependant qu'il dépensera moins cette année que les années précédentes.

6 - L'Université Catholique du Nord, de la ville d'Antofagasta, installera dans le port de cette ville le prototype d'une unité productrice d'électricité à partir des vagues de la mer. Si le résultat est positif, elle cherchera ensuite une alliance avec des privés pour fournir de l'électricité à des secteurs de la côte.
- L'indice d'activité économique d'octobre a été de -0,4%, la première fois négative depuis la crise de 2009, causée principalement par la contraction du secteur minier.
- L'OCDE a recommandé au pays de ne pas financier les pensions solidaires avec les cotisations actuelles des travailleurs.
- 75% des chiliens désirent que soit restreinte l'entrée d'inmigrants et seulement 24% considèrent qu'il faut maintenir une politique de "portes ouvertes".

7 - A l'épreuve internationale de compétences PISA (pour étudiants de 15 ans), le Chili se classe 40° de 72 pays, au-dessous de la moyenne bien que le meilleur d'Amérique Latine. 50% de ces étudiants chiliens ne réuniraient pas les compétences nécessaires pour "se développer dans une société moderne".
- La Fiscalie Economique a estimé finalement à 458 millions de dollars le bénéfice extra obtenu par les producteurs de papier tissue (dont 92 millions pour la suédoise SCA) durant les années où ils ont maintenu un accord de prix.

8 - Le sous-secrtétaire de l'Intérieur a déclaré qu'"il n'est pas raisonable que la police arrête 250 personnes par jour et 235 sont remises en liberté". Le pouvoir judiciaire a informé que 63% des arrêtés en septembre furent formalisés et seulement 9% furent mis en prison préventive.
- 17 des 59 institutions d'éducation supérieure du pays ont terminé l'année avec du déficit financier. - La Démocratie Chrétienne a accusé le gouvernement d'exclure ses militants des discussions sectorielles.
- Le voyage au travail à Santiago dure en moyenne 45 minutes, mais en transport public (54,7% des gens) ce sont 56 minutes (mais plus d'une heure pour 56% des voyageurs).
- Les exportations ont baissé de 5,9% cette année, mais dans le secteur agropécuaire elles ont augmenté de 6,7%,
- La Compagnie Suaméricaine de Vapeurs (CSAV), chilienne et la plus grande accioniste de l'allemande Hapag-Lloyd, a baptisé "Valparaíso Express" un nouveau porte-containers, de 333 mètres de long et une capacité de 123.593 tonnes et 10.500 containers de 20 pieds, qui voyagera entre Valparaiso et le nord de l'Europe. Entre janvier et octobre, Hapag-Lloyd-CSAV a transporté 25.000 containers réfrigés depuis le Chili.

9 - A la frontière avec la Bolivie, à 4.000 m. d'altitude, la police a intercepté à coups de feu une bande qui tentait de faire sortir du pays 5 véhicules volés. L'"exportation" de véhicules volés par des cols non contrôlés est commune car leur vente est très facile en Bolivie. Dans douze de ces cols, des machines travailleront à détruire les sentiers et pistes et couper le passage avec des roches ou puits de sable, pour y empêcher aussi l'entrée de véhicules portant de la drogue.
- 73% des emplois créés ces derniers 12 mois ont été occupés par des personnes d'entre 55 et 64 ans.
- 82,2% des travailleurs se méfient des syndicats.
- 64% de ceux qui prennent leur pension ont cotisé pour elle durant la moitié ou moins de leur vie laborale (et se plaignent évidemment de leur basse pension). La plupart déclarent n'avoir jamais rien compris à l'extrait de compte que l'administrateur de leur fond de pension doit envoyer chaque quatrimestre et certains ne savaient même pas ce que c'était.

10 - De fortes pluies (19,6 mm au lieu de la moyenne de 2 à 3 mm de l'époque) sont tombées dans la zone centrale, provocant une coupure d'électricité pour 36.000 clients à Santiago (l'eau provoquant des court-circuits dans des transformateurs) et affectant la production de raisins, nectarines, pêches et abricots dans les plantations.
- Le FMI considère que la croissance du Chili (dans le passé) a été due à un cadre fiscal et monétaire "croyable et efficace" et à un système financier "moderne et stable" mais que réformer le système de pensions (surtout si on abandonne l'épargne individuelle) coûterait très cher et freinerait la croissance. (Les investissements des fonds de pension ont été un fort moteur de développement.)
- Le pays est passé en quatre ans d'être le 38° au 4° en investissements en énergie renouvelable, surtout solaire, le désert du nord étant privilégié pour cela. Mais le problème pour continuer à croître est le manque de lignes de transmission: il y a déjà un excès qui ne peut être transféré dans les zones de plus grande demande (centre et sud, qui ne sont pas encore connectés avec le nord, bien que le projet est en cours).

11 - Chaque jour entrent au pays environ 170 haïtiens, selon la Police Internationale. L'un d'eux a expliqué à un journaliste qu'à Haïti on croit qu'il y a "des tas d'argent" au Chili; alors des gens qui ont une maison la vendent pour venir ici et découvrent que la vie est beaucoup plus difficile. Beaucoup ont une profession (ce qui leur a permis de financer leur voyage), mais ne peuvent l'exercer ici, faute de dominer la langue et de revalidation. (Il y a aussi une loi qui interdit aux entreprises locales d'engager plus de 15% d'étrangers.) Ils se plaignent aussi souvent de racisme, mais disent qu'il y a moins de délinquance ici.
- Les commerçants se plaignent de ventes de Noël 50% inférieures à celles de l'an passé à la même date. (Noël est ici une fête où l'on fait beaucoup de cadeaux, et pas seulement aux enfants.)
- Une campagne en faveur de la consommation de poisson vient d'être lancée, car elle la plus basse d'Amérique Latine (10 kilos par personne et par an). Mais Alexandra Cousteau (petite-fille du célèbre Jacques Cousteau), qui a visité notre côte, a averti que la pêche surexploite ici ces ressources, a éliminé déjà des espèces et met en risque de disparition celles qui restent. Elle se plaint aussi que l'océan, à niveau mondial, a été transformé en dépotoir d'ordures de tout type.
- D'un plan spécial de développement des zones extrêmes du pays, défini en 2014, n'ont été exécutés les travaux que pour 8% du budget défini de 5.000 millions de dollars.
- Malgré le freinage de l'économie, 22 grandes entreprises du pays ont annoncé des investissements pour 14.000 millions de dollars dans le pays et 2.100 millions à l'étranger. Ils seront orientés vers les énergies renouvelables et l'interconnexion énergétique, protection écologique, projets inmobiliers, extraction de gas (dans l'extrême sud), production de lithium (salines du désert du nord), amélioration des ports, etc.
- Selon une enquête électronique de l'Université du Développement, 76% des habitants (connectés) de Santiago sont à faveur de l'instauration d'un système électronique d'élections, comme a proposé l'ex.président Piñera. Il y a déjà une entreprise qui offre le service et il est utilisé aujourd'hui pour l'élection des dirigeants du parti Union Démocratique Indépendante (de droite).
- Les nouveaux partis de gauche, non oficialistes (et plus à gauche), ont formé un "Front Ample", afin de faire la concurrence comme troisième coalition lors des prochaines élection parlementaires, voulant être "une nouvelle force politique, avec un nouveau modèle de pays", représentant "le malaise social actuel, accablé par le néolibéralisme" et assumant "le mécontentement qui se manifeste dans les rues". Ils espèrent que le Parti Communiste s'unira à eux, abandonnant l'actuelle "Nouvelle Majorité" au pouvoir. Le nouveau bourgmestre de Valparaiso est le premier membre élu de ce mouvement.
- Le Parlement a autorisé l'utilisation de 3.000 millions de CLP (environ 4 millions d'€) pour dédommager les victimes de la violence en Araucanie, lesquelles restent sceptiques.

12 - Les merles, qui étaient propres des campagnes, envahissent maintenant les villes à cause de la croissance de celles-çi, mettant leurs oeufs dans les nids d'autres espèces locales.
- On calcule qu'en 2019 il y aura ici un déficit de 31% de professionnels de technologies avancées de l'information (19.500 places).

14 - 36°C à Santiago aujourd'hui, mais on estime qu'elle pourrait atteindre 40°C dans le centre de la ville des suite de la réverbération.
- Une centaine de maisonnettes précaires ont été détruites en 20 minutes par un incendie dans un bidonville en bordure de Santiago, faute de réseau d'eau.
- 48 communes du pays ont déjà interdit l'utilisation de sacs de plastique non recyclables.
- L'agence britanique Fitch a mis la classification de risque du pays en "A+" mais prévient qu'elle pourrait devenir négative en raison de l'augmentation de la dette publique.
- La rentabilité des fonds de pension continue à être négative, ce que l'on attribue au triomphe de Trump aux Etats-Unis.

Extra: La démocratie pour drapeau
Par Jorge Correa Sutil (Journal El Mercurio, 3/12/2016)
La division entre le populisme et la responsabilité politique est moins évidente [qu'entre conservateurs et libéraux] et ne génère pas de militantisme, mais peut être plus décisive et il vaut donc la peine d'y prêter attention, surtout en période de campagnes.
Le populisme séduisant exploite les peurs, ses thèmes sont ceux qui génèrent de l'insécurité; qui sont confrontés par des formules simples, afin de faire de grandes promesses. Selon sa position politique, il appelle son audience "peuple, gens ordinaires, société civile, citoyenneté ou mouvements sociaux". Ils les flatte comme les bons, les purs et les trompés par les positions éhontées du pouvoir, auquel le populiste n'appartiennt jamais, pour s'identifier ainsi et représenter "citoyennement" le peuple sans l'intermédiaire des partis ou des institutions.
Le populisme n'est pas un risque pour le Chili. Il est une réalité présente; il a pris racine partout: à la droite, au centre et à la gauche. Il émerge d'une politique qui, assaillaie par le discrédit, préfère prendre une position morale au lieu de définir des politiques concrètes, comme si la bonne volonté était un antidote ou pourrait conjurer une mauvaise performance. Le populiste ici préfère le couvert de leader social, qui lui permet de pleurer le mécontentement, au costume gris du politique appelé à faire face à des problèmes à partir de la médiocrité du possible. Le populiste qui nous habite remplit la législation de vagues principes sécuritaires plutôt que de règles concrètes.
Le problème est que notre populisme, en se cachant la résistance qui oppose les désirs à la réalité, est nécessairement inefficace pour répondre aux attentes qu'il encourage, ce qui ne peut se terminer que par plus de méfiance; le problème est que le populisme local, préférant identifier ce qu'il faut faire avec les institutions nationales, affaiblit la démocratie qui se nourrit de formes et d'institutions.