31/05/2019

Mai 2019 (b)

Politique
- Le président Piñera a annoncé le plan "Classe Moyenne Protégée", qui offrira 70 bénéfices - subsides, assurances et bourses d'études - pour les familles de classe moyenne qui tombent dans une situation financière compliquée. La seule réelle nouveauté (les autres bénéfices existaient déjà) est une assurance pour interventions chirurgicales liées à des maladies catastrophiques, pour les affiliés au Fond National de Santé. Mais cela sera objet d'une loi et devra être approuvé par le Parlement. Pour les seniors, il y aurait aussi un "subside de dépendance", pour ceux qui auraient besoin d'être accompagnés (inclus dans le projet de loi sur les pensions, actuellement en discussion au Congrès).

Sécurité
- Les autorités de la gendarmerie (gardes de prisons) ont découvert, déjà dans 2 prisons, des secteurs où des narcotrafiquants vivaient avec grand luxe: frigos, grands téléviseurs et même céramique sur les parois de leurs cellules, formant des quartiers où personne ne pouvait entrer sans leur autorisation. Un groupe d'action spéciale (type SWAT) y est entré et les délinquants envoyés ailleurs. Une enquête administrative est en cours pour découvrir comment sont entrés tous ces objets.
- Suite aux réclamations des bourgmestres pour les démonstrations de force des bandes de narcotrafiquants lors des funérailles de l'un des leurs, la porte-parole du gouvernement a annoncé la création d'un "protocole" d'action pour faire face à ce type de situation, devenu commun à Santiago depuis des années (Voir "Extra"). Fin avril, un plan avait été proposé par la Fiscalie Métroplitaine Sud pour coordonner l'action des institutions concernées: polices, gendarmerie (gardes de prisons), Ministère Public, etc.
- Les attaques incendiaires continuent en Araucanie, causant des pertes millonaires.

Economie
- L'achat avec hypothèque d'appartements en vue de les louer augmente les risques futurs de l'industrie financière, selon la Banque Centrale. Ces propriétés sont déjà 20% du total national. 30% de ces propriétaires appartiennent aux décils 6 à 8 du niveau de rente et 20% sont au-dessous de la médiane.
- Depuis 2015, 181 sucursales bancaires ont été fermées en région métropolitaine, résultat des nombreuses opérations qui peuvent maintenant se faire en ligne (internet et applications de smartphones).
. - Une étude a démontré que les principales chaînes de pharmacie font un bénéfice de 81%.
- Montant moyen des pensions actuelles: 320.000 CLP (420€) pour les hommes et 192.000 CLP (250€) pour les femmes.
- L'enquête annuelle sur l'estimation du bien-être personnel des chiliens en montre une baisse de 34 à 26% depuis l'an passé, le facteur le plus influant étant la situation financière. C'est le niveau le plus bas depuis 2016 (quand on a commencé à faire cette enquête). 5% se disent "nullement satisfaits". Le taux de ceux qui disent qu'ils peuvent consulter un médecin quand ils en ont besoin a baissé de 83 à 73% [on ne considère pas combien de temps ils doivent attendre!]. 30% disent être satisfaits de leur vie sexuelle, le double de 2016.
- En dix ans, la classe moyenne chilienne est passée de 43 à 65% des familles. De cela, la basse classe moyenne représente 63%. A la "classe moyenne" appartiendraient les foyers qui ont une rentrée mensuelle entre 626.021 CLP (823€) et $2.504.083 CLP (3.295€). La population qui tombe dans cette catégorie est de 47,5% (quantité qui met le Chili en avant-dernière position du groupe de l'OCDE).
- En 5 ans, les transactions (achats online) du CyberDay de mai (il y en a un autre en octobre) ont augmenté de 481%, alors que les ventes directes dans les grandes surfaces sont en baisse continue. Cette fois, un record de 371 commerces y ont participé, incluant pour la première fois des appartements et des autos (Citroen). Des ventes pour 40 millions de dollars se sont produites durant les premières 12 heures. Les ventes totales ont été estimées de 250 millions de dollars. Les sites web participants ont eu plus de 1,7 millions de visites. Si bien les achats se font par internet, entre 50 et 60% des acheteurs vont par la suite retirer les produits au magasin, afin d'éviter de payer les frais de l'envoi à domicile. Dans ce dernier cas, les firmes de logistique se voient obligées à renforcer leur service (au triple dans le cas de la poste nationale). Le Service National du Consommateur a supervisé les offres, pour éviter et, éventuellement, passer une amende aux fausses offres, car certains commerces informent des prix plus hauts que les autres jours.
- Le Chili est le pays qui a le plus reculé (7 positions) dans le ranking de compétitivité 2019 de l'IMD. Il est maintenant 42e. Pour l'item de pratiques administratives, il est tombé de 26e à 50e, et en marché extérieur il est maintenant 60e. Le pays reste cependant le mieux classé d'Amérique Latine.
- Le Chili a aussi reculé comme producteur de lithium, avec une participation actuelle de 20% du marché, contre 36% il y a 4 ans, alors qu'il a les réserves les plus grandes du monde. Les investisseurs ont commencé à se déplacer vers d'autres pays, comme l'Argentine et la Bolivie, vu les difficultés pour s'installer ici, ce qui est causé par une loi dictée par Pinochet, qui avait déclaré le lithium comme minéral stratégique, vu son emploi, à l'époque, dans l'industrie atomique, ce qui oblige les intéressés à faire une alliance avec l'Etat, chose compliquée. Il y a aussi le problème de la nécessité d'eau pour l'extraire et les communautés indigènes de la région ont peur de rester sans elle.
- Le peso chilien (CLP) a été la monnaie qui s'est le plus dépréciée ce mois dans le monde.
- Huawei (la firme chinoise attaquée par Trump) a annoncé l'installation au Chili de son premier "data center" pour la région.

Education
- Vu les faits de violence qui se sont multipliés dans les lycées (même avec cocktails molotovs), le bourgmestre de Santiago veut que l'on y contrôle le contenu des sacs à dos des élèves, mais les élèves et les parents s'y opposent car cela "affecte leur honorabilité" et les "criminalisent"!
- Un tiers des écoliers croient que la violence est utile pour obtenir ce qu'ils veulent.
- A partir de 2020, les cours d'histoire et de gymnastique deviendront optatifs dans les deux dernières années d'éducation moyenne, mais il y aura un cours de philosophie obligatoire et d'"éducation citoyenne". Biologie, physique et chimie seront aussi réunies. Les élèves devront choisir 3 autres cours, de 27 options qu'offre le ministère.
- En 2018, 146 armes ont été découvertes portées par des élèves dans les collèges. Pour la première fois, ce mois, un élève portant une arme à feu a tiré sur un compagnon, le blessant au cou. Il n'a pas fait plus de victimes, car l'arme s'est enrayée.

Santé
- L'augmentation de la syfilis et la gonorrée préoccupe et se produit surtout dans les jeunes entre 20 et 29 ans. On accuse un manque d'éducation sexuelle.

Climat
- Une "onde polaire" a innondé de froid la région métropolitaine peu avant la fin du mois, avec des températures matinales sous 0°C. La semaine suivante, des vents de 50 à 70 kmh ont fait tomber dans l'après-midi plus de 600 arbres à Santiago, coupant les lignes électriques et laissant plus de 200.000 clients sans énergie. Il a fallut toute la nuit et, dans certains secteurs, la matinée suivante pour rétablir le service. Mais, l'après-midi de ce jour, des orages ont de nouveau provoqué des coupures qui ont duré toute la nuit. Certains secteurs ont été plus de 48 heures sans électricité.
- La ville de Los Angeles (région de Concepcion) a été affectée par une tornade, qui a arraché une centaine de toits, des arbres et des poteaux, faisant 16 blessés.
- Un tiers des foyers des zones urbaines du pays ne dispose pas de système de chauffage adéquat. Dans 22,6% des cas, les dépenses en chauffage sont excessives à cause du mauvais isolement thermique et le combustible choisi est souvent fort contaminant. Avant l'an 2000, les normes de construction ne considéraient pas le facteur d'efficacité thermique, ce qui explique la situation.

Transports et Communications
- Le ministère des Travaux a annoncé la licitation de l'installation de nouveaux moyens de transports, comme une ligne de trams ou extension du métro de Santiago jusqu'à l'aéroport (en 2020), una ligne de trams entre La Serena et Coquimbo, et à Viña-del-Mar.
- Le président Piñera a inauguré la ligne de fibre optique sousmarine de 3.000 km entre Puerto-Montt et Puerto-Williams (détroit de Magellan), unissant ainsi l'extrême sud au reste du pays.
- En accès au réseau 4G de téléphonie, le Chili est dans le bas de la table à niveau mondial, mais meilleur que la Colombie et l'Uruguay en Amérique Latine.

Science
- Le stade de la ville de La Serena devra changer toute son illumination à cause de la contamination lumineuse qui affecte les observatoires de la région.
- Le parc national "Tours du Paine", dans l'extrême sud du pays fête le 60° anniversaire de sa constitution. Il est considéré la 8° des actuelles merveilles naturelles du monde. Vidéo de 4'.
- La future éclipse solaire (2 juillet) a attiré de nombreux touristes dans la zone de La Serena (la más favorable). La demande de billets d'avion a augmenté de 350%, étant pratiquement épuisés - tout comme les chambres d'hôtels - malgré que le nombre de vols a été doublé, les rares restants, en avion et bus, ayant des prix 10 fois plus hauts.

EXTRA: Funérailles narco
(Extrait de presse)
Dans un pays obsédé par la dénonciation d'abus et de privilèges fallacieux, nous avons eu l'occasion d'assister cette semaine à une réalité extraordinaire, un cadre que même les enfants d'un président ou d'un puissant homme d'affaires ne pouvaient pas faire et rester impunis: marcher dans la rue armés jusqu'aux dents avec des mitraillettes, assister à la veille d'un adolescent assassiné et passer des heures à tirer en l'air, obtenir l'autorisation de déplacer le cercueil à des centaines de kilomètres et entrer dans une prison pour permettre à ses proches emprisonnés pour trafic de drogue de lui rendre hommage; et le tout escorté et protégé par des carabiniers!
Cela s'est passé à Santiago du Chili en plein jour et bon nombre des scènes (notamment le bruit assourdissant des rafales) ont été transmises par les journaux télévisés. Dans le même pays où la police est implacable pour exiger le respect de la loi auxs travailleurs d'Uber et aux vendeurs de rue; où personne ne se sauve d’une infraction si sur la route elle est surprise à conduire à plus de dix kilomètres au-dessus de la vitesse autorisée, les narcos ne sont pas seulement armés de mitraillettes, les portent et les tirent sur des routes publiques: ils obtiennent l’autorisation des tribunaux de rendre hommage dans des prisons lointaines et se déplacent dans le pays avec une escorte policière.
[Jusqu'ici] ce privilège est renforcé par une circonstance encore plus inhabituelle: le silence sépulcral du monde politique, des autorités gouvernementales et des parlementaires qui, au milieu de leurs négociations complexes et très pertinentes, n'ont pas dit un mot pour évoquer un fait beaucoup plus profond et plus délicat que la crise institutionnelle observée dernièrememt.

Démolition (Extraits)
Par Roberto Méndez, expert en enquêtes (Journal La Tercera, mai 2019)

Ce sont des moments difficiles pour la confiance. La même semaine où nous avons appris que des statistiques sur l'inflation avaient été adultérées, j'ai lu une enquête réalisée par l'Université du Développement. Le résultat est sombre: 81% pensent que les institutions du pays sont en crise. Personne n'est venu critiquer ou mettre en question ce résultat. Je pense plutôt que la plupart des citoyens se sont sentis interprétés. Franchement, il est difficile de défendre la solidité des institutions lorsque, avec l'Intitut National de Statistiques, les procureurs et les contrôleurs sont confrontés à des querelles indescriptibles, des juges et des généraux formalisés, des escortes de police pour les narcos et, au Congrès, des députés se confrontent littéralement à coups de pieds aux journalistes.
Les gens ne savent pas dans quelle mesure les institutions de la République fonctionnent (ou ne fonctionnent pas) correctement. Les gens ont l'intuition que, si les institutions cessent de fonctionner, le chaos, les abus, enfin la misère s'ensuivent. C'est la thèse qu'Acemoglu et Robinson ont magistralement présentée dans "Pourquoi les pays échouent" (2012). Les pays qui réussissent, disent-ils, sont ceux qui ont des institutions fortes et inclusives. Les preuves en faveur de cette thèse sont accablantes et les citoyens semblent la partager.
Les enquêtes montrent que le mécontentement vis-à-vis de nos institutions vient depuis au moins une décennie, bien avant les revers actuels. Mais il y a quelque chose de nouveau dans ces épisodes.
La nouveauté, effrayante, est que pour la première fois on commence à douter de l'intégrité des institutions. On soupçonne qu’il y existe une élite constituée, capturée, contrôlée et dédiée à en retirer des avantages.
Si cela ne s’arrête pas, avec cette démolition, toutes les élites dirigeantes seront déplacées (c’est déjà le cas). Ensuite, nous savons que le populisme fera son affaire et que la démocratie deviendra une utopie.