15/11/2019

Novembre (a)

Politique
- L'approbation du président Piñera est tombée à 13% et sa réprobation se monte à 79%. Il a déclaré "qu'un problème qui a été construit pendant 30 ans ne peut pas se résoudre en 30 jours". "Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il y a des abus dans notre pays. Il y a des entreprises, pas toutes, qui abusent de leurs clients, de leurs travailleurs, de l'environnement et cette culture doit changer. C’est l’un des signaux les plus puissants que les citoyens nous ont transmis. Mais aucune nouvelle agenda sociale ne sera suffisante pour ceux qui ne veulent pas de solution". Au sujet des actes de violence et destruction, il a déclaré avoir "la conviction personnelle que ce n'est pas la chose traditionnelle que nous avions au Chili, derrière cela il y a des groupes organisés prêts à tout détruire", que l'Agence d'Intelligence tente d'identifier. Il a envoyé au parlement de multiples projets de lois qui répondent aux demandes sociales et aussi qui augmenteraient les peines pour les pillages et les attaques à la police [ce qui a été parfois (mal)interprété par des médias étrangers comme une "augmentation de la répression"; ils préfèrent souvent informer des troubles causés à la fin des défilés et de l'action, alors, de la police, et non du pacifisme qui les précède ni des concessions annoncées par le gouvernement et approuvées par le parlement. Sur les réseaux sociaux beaucoup de photos dites de ces bagarres ne correspondent pas au moment ni à l'endroit signalés et parfois même pas au pays.].
- Les manifestations ont continué. Le nombre d'assistants a diminué quelques jours mais a été massif le 12, jour de grève générale où -en plus de pillages de commerces (283)- la violence et la destruction ont été extrêmes, se dirigeant vers des services publics (comme le registre civil), des commissariats, les sémaphores et luminaires, une ambassade, des sièges universitaires (en incendiant même un) et même des églises (dont une incendiée), et aussi des barricades dans les avenues et sur les autoroutes. Seuls les sièges des partis de droite ont été attaqués. La gauche s'est enfin prononcée contre cette violence, en réponse à un appel à la paix fait par le président en télévision, qui a aussi demandé un accord de tous "pour la justice sociale" et un autre pour définir comment élaborer une nouvelle Constitution.
- Selon enquête, 78% des citoyens seraient d'accord avec la création d'une nouvelle Constitution et 54% préfèreraient une assemblée constituante. Les recteurs des universités recommendent aussi une nouvelle Constitution. Le mécanisme des cabildes (conversations des citoyens) proposé initialement par le ministre du Développement Social, pourrait être abandonné suite aux conversations entre le gouvernement et tous les partis pour définir le mécanisme d'élaboration de la nouvelle charte. Beaucoup de communes insistent cependant à consulter leurs habitants en décembre.
- Le parlement est finalement arrivé à un accord -appelé "historique"- de tous les secteurs, sauf le PC, pour convoquer en avril 2020 à un plebiscite où il faudra exprimer son accord (ou non) avec l'élaboration d'une nouvelle constitution et, si on est d'accord, choisir comme mécanisme une convention mixte (50% de parlementaires et 50% d'élus spécialement) ou une convention "pure" (assemblée) élue complètement à cette fin. Les membres élus le seraient lors des élections communales de novembre 2020 et la convention aurait de 9 à 12 mois pour rédiger le texte et le soumettre ensuite à un référendum avec vote obligatoire et majorité simple. [Cela pourra mettre fin aux manifestations? Une manifestation "pour la paix" a déjà été convoquée. Elle se terminera en paix?] Le PC demandait une assemblée qui approuve les articles par majorité simple et non par les 2/3 des participants comme accordé (ce qu'il trouve "anti-démocratique"!).

[En synthèse: Le gouvernement -minoritaire au parlement- a été vaincu par la gauche au moyen d'une stratégie qui a eu recours "à la rue" -et à la destruction, prévisible en partie (plannifiée par certains??)-, et a dû abandonner son programme pour adopter le programme de la gauche modérée.]

Sécurité
- 65 maisons communales ont été attaquées depuis le début des manifestations.
- Deux femmes agents de police ont été brûlées au visage par des cocktails molotov quand elles tentaient de contrôler une manifestation. [Je n'ai vu cela que sur un seul des canaux internationaux que je suis!] Plusieurs commissariats de police ont été attaqués à coups de pierres et de cocktails molotov, blessant des policiers.
- Depuis le 18 octobre, la police a arrêté plus de 22.000 personnes durant les manifestations. De nombreux responsables de pillage ont aussi été arrêtés. On compte plus de 500 blessés par armes de la police, dont 187 affectés aux yeux (malgré que le "protocole" est de ne tirer que dans les jambes). Il y a un reportage du New York Times. 14 uniformés ont été formalisés pour mauvais traitements. On condamne constamment la réaction de la police mais moins souvent des violents qui les attaquent et détruisent des installations publiques et privées. Pour les observateurs étrangers cela ne semble avoir aucune importance! Mais le nombre de blessés irrite de plus en plus. On ne comprend pas pourquoi on n'a pas retiré les fusils anti-émeutes, qui sont prétendus "non-létals"! Le Collège des Médecins parle de "catastrophe sanitaire" et a aussi réclamé contre l'emploi constant de grenades lacrymogènes.
- Amnesty International déclare qu'il y a ici "une infraction systématique des droits humains" de la part de l'Etat. A ce sujet, le président a déclaré que "Rarement un gouvernement a tant collaboré de manière à ce que tout excès, abus, atteinte aux droits des personnes ne reste impuni (…) Tout carabinier ou militaire qui ne s'est pas conformé aux règles du recours à la force, aux protocoles, qui se ont excédés dans l'usage de la force, qui ont commis des abus, feront également l'objet d'une enquête et seront sanctionnés. Ces cas doivent faire l’objet d’une enquête de la part du Bureau du Procureur, connus et jugés par les tribunaux et non par des juges autoproclamés qui déterminent ce qui constitue ou non une violation des droits de l’homme."
- Le ministère de l'Intérieur a invité des experts de polices de l'étranger à exposer leurs procédés de contrôle des émeutes.
- 17 drones survolent maintenant la région métropolitaine pour alerter la police des endroits où se produisent des faits violents.
- Enquête: 42% des gens disent ressentir de l'insécurité, 35% de l'espérance, 28% de l'anxiété et 22% de la frustration pour ce qui se passe. L'appui des femmes aux manifestations est de 52% et des hommes de 45%.

Economie
- Amazon a confirmé un investissement ici pour sa plateforme de services en "nuage" (Amazon Web Service).
- La banque a fait un bénéfice de 2.700 millions de dollars durant le 3e trimestre.
- La violence depuis fin octobre et la suspension des importantes réunions internationales (APEC et COP25) ont provoqué d'importantes pertes pour le secteur du tourisme (annulation de réserves d'hôtels, etc.). Les donations pour aider à financer la COP25 avaient atteint près de 100 millions de dollars et le gouvernement étudie comment les rembourser.
- Le ministère des Finances estime que le coût total de réparation des destructions serait de 3.000 millions de dollars.
- Le président de la Chambre Nationale de Commerce a demandé (au début du mois) de mettre fin aux manifestations et laisser travailler les autorités, du contraire "nous mèneront le pays à l'abîme". La Chambre calcule que 100.000 emplois ont été perdus du fait de la crise et le ministère de l'Economie estime que cela pourrait arriver au triple. Les PME affectées par le vandalisme et les pillages seraient 6.800. Les commerçants sont désespérés par les pertes. Les ventes de vêtements sont tombées de 50% dans le pays et 70% à Santiago depuis le début des troubles. La vente de logis a baissé de 40%. Dans l'île de Chiloé, 800.000 saumons attendent d'être alimentés et pêchés, 320 tonnes étant déjà en décomposition dans les industries, les travailleurs ne pouvant s'y rendre.
- Le président Piñera a signé la loi qui garantit un salaire minimum de 350.000 CLP (376 €). Les mesures tributaires annoncées sont: nouvel impôt de 40% sur la rente de ceux qui gagnent le plus (84.000 personnes) et des contributions foncières plus hautes pour les immeubles de valeur d'un million de dollars ou plus (pour compenser de nouvelles exemptions de contributions pour les seniors).
- De janvier à septembre, les administrateurs de fonds de pension ont obtenu un bénéfice de 550 millions de dollars (sur la base des commissions qu'ils touchent). Si ces bénéfices étaient versés aux cotisants, ils obtiendraient chacun 34.400 CLP (43€).
- Beaucoup de communes ont annoncé qu'elles ne réaliseraient pas las habituelles festivités de l'An Nouveau, pour consacrer les fonds à aider les habitants affectés par la violence.
- Le gouvernement est arrivé à un accord avec l'opposition pour le budget de 2020, avec une réforme tributaire qui devrait permettre d'obtenir 2.000 millions de dollars de plus, qui seraient destinés aux programmes sociaux.
- Les désemployés de Santiago sont 8,3% mais pourraient arriver à 10% en décembre suite aux pertes commerciales.
- La bourse de Santiago est tombée de 12,5% depuis le début des troubles et le peso (CLP) a perdu plus de 10% de sa valeur face au dollar et à l'euro.

Science et environnement
- Pour contribuer à la réduction du CO2, le gouvernement se propose de planter 200.000 ha de bois, mais seulement 70.000 seraient de forêt native, ce qui est critiqué par les scientifiques car, d'une par, cela absorbera beaucoup d'eau (ce qui est critique à cause de la sécheresse) et l'exploitation des espèces exotiques dérivera en émission de CO2. La plantation, de plus, dépendrait de financement international, mais le Chili ne fait pas partie de la liste de zones prioritaires à cette fin.
- Selon une mesure réalisée par le ministère des Biens Nationaux en collaboration avec l'Institut Géographique Militaire il existe actuellement au Chili 43.471 îles, d'une superficie totale de 8.278.411 hectares, soit 11% de la superficie totale du territoire national.

Santé
- En 6 ans, 235.000 millions de CLP (294 millions d'€) seraient investis pour couvrir l'assurance face aux maladies [économiquement] catastrophiques.
- Le ministre de la Santé a annoncé un programme spécial pour traiter et aider les personnes blessées aux yeux par les fusils anti-émeutes. Ceux qui ont perdu un oeil recevront gratuitement un prothèse dans un centre spécialisé de l'Université du Chili.

Transports et Communications
- 93 stations du métro ont souffert des dégâts, dont 7 totalement détruites par le feu. Actuellement 81 stations fonctionnent, de 135.  La ligne 4 du métro arrivera enfin à son terminus de Puente Alto le lundi 18, avec 5 de ses 7 stations ouvertes, mettant fin à un grand problème pour des dizaines de milliers de travailleurs. Vu les investissements nécessaires pour les réparations, la construction des lignes 7, 8 et 9 se verra retardée.
- Au total, les dégâts à des oeuvres publiques se montent à 18.700 millions de CLP (23 millions d'€).
- Google a annoncé que son cable de fibre optique qui unit les Etats-Unis et le Chili est terminé et fonctionne parfaitement.

Education
- Le siège central de l'Université Catholique a été attaqué, avec rupture de vitres et vol de mobilier pour faire des barricades dans l'avenue, et un édifice de l'Université Pedro de Valdibvia a été complètement détruit par une attaque incendiaire.
- 600 collèges privés et subventionnés ont demandé au ministère de l'Eductaion de mettre fin à l'année scolaire vu les menaces d'attaques directes ou à proximité.

Climat
- Le sommet du climat COP25 se réalisera à Madrid au lieu de Santiago, mais le Chili en maintiendrait la présidence.
- Le centre du pays souffre déjà de températures de plus de 30°.

EXTRA: Le Vénézuéla derrière les incidents au Chili (Extrait)
Déclaration de Andrès Pastrana, ex-président de Colombie (FayerWayer, 31/10/2019)
Ce que nous constatons très clairement, c’est qu’il existe une stratégie de déstabilisation, ce que nous avons constaté en Équateur il ya quelques semaines et que nous continuons à observer au Chili. Ceux d’entre nous qui connaissent la région savent que ni les Équatoriens ni les Chiliens ne sont ceux qui utilisent ce type d’agression et de violence.
Le métro au Chili était son symbole, sa fierté, et qui peut penser qu’un chilien lui-même, après tant d’efforts, s’attaque au métro et pour quelque chose pour lequel ils se sont battus si durement? Il y a une stratégie là-bas: on ne peut pas penser que 19 stations sont détruites en même temps.

L'échec de l'Etat (Extraits)
Par Álvaro Ortúzar, avocat (La Tercera, 12/11/2019)
Le 17 septembre 2005, le président Ricardo Lagos signait ce qu'il appela "la Constitution démocratique du Chili", qui introduisait 54 réformes à la Charte fondamentale qui avait été publiée par Pinochet et comptait maintenant avec l'approbation du parlement.
Cependant, on veut se passer de cet avancement. Partir de zéro. L’opposition réclame un référendum immédiat en vue de l’élaboration d’une nouvelle constitution et une assemblée constituante, sans avertir les citoyens que ces mécanismes ne sont ni envisagés ni valides. C'est un premier échec de l'Etat. Le Chili fut déjà victime d'une démagogie irrationnelle dans les années 1960-1970, qui avait conduit à la plus grande crise de la démocratie. Le phénomène actuel montre des similitudes avec ce populisme.
Un autre échec de l'État est lié à l'inefficacité de l'exécutif pour assurer la sécurité des habitants par la contrainte légitime. Cela fait 22 jours et le mutisme de l’opposition est inquiétant en ce qui concerne le vandalisme et l’ordre social.
Les parlementaires sont perçus comme responsables des retards dans la résolution des problèmes rencontrés par la population, se méprennant sur les priorités exigées par le pays, alors qu'ils devraient être à l'avant-garde des changements sociaux et législatifs et pour protéger le développement économique établi par la Constitution elle-même. La violation de ces obligations est observée dans le fait que sur plus de 20 initiatives gouvernementales dans ce domaine, [à ce jour] seules deux ont été légiférées.
Enfin, devant un pays assommé par les excès, les pillages et les incendies, des groupes d'autodéfense commencent à émerger. L'inefficacité de la force publique en la matière est dangereuse face à la paix sociale nécessaire et constituerait l'échec le plus grave de l'État.

Rage déchaînée chez les carabiniers: incontrôlable et sans pilote (Extraits)
Par M.Gonzalez, journaliste (Ciper, 12/11/2019)
24 jours après le début d'une explosion sociale sans précédent, 23 morts et plus de 2 000 blessés, il ne fait aucun doute qu'au Chili les droits de l'homme sont violés. Et qui apparaissent en tant qu'exécuteurs de la plupart des actes de violence sont des efectifs policiers. Ce qui est grave, c’est qu'il ne s'agit pas d'ignorance des protocoles, comme ont insisté le gouvernement et les autorités policières.
Le directeur général des carabiniers, Mario Rozas, n'a reçu aucune remontrance du président ou du nouveau ministre de l'Intérieur. Ni le nombre de morts et de tortures, ni les violations commises, ni les blessures oculaires massives et récurrentes, qui indiquent que les troupes des Forces Spéciales tirent à bout portant et à la tête, ne l’ont déplacé de son confortable fauteuil.
Ni le président Piñera ni le sous-secrétaire à l'Intérieur, Rodrigo Ubilla, n'ignorent que le chef de la police, le général Mario Rozas, qui a assumé il y a seulement 11 mois, ne garantit pas le commandement de son institution. Ils savent que le général n'a occupé que des postes administratifs assimilés par les jeunes officiers et sous-officiers au cœur de la corruption du haut commandement [dénoncée il ya trois ans]. De ce fait, il n'est ni respecté ni obéi dans les postes de police.
Les autorités du ministère de l'Intérieur sont également conscientes qu'il est impossible pour cet officier qui est général depuis 2017 et qui manque d'une solide expérience en contrôle opérationnel, d'imposer son autorité devant les hommes des Forces Spéciales. Ces forces sont sans commandement, sans cohésion, sans directives de renseignement et sans contrôle [??]. Et corrodées par la rage.
Cette décomposition trouve son origine, entre autres, dans l’explosion de la corruption [des fraudes qui ont atteint 29.000 millions de CLP -35 millions d'€- où était impliqué le haut commandement] et de la violence qui ont brisé la structure de ses services de renseignement et son haut commandement en provoquant le départ inopiné de plus de 35 généraux au cours des deux dernières années. Les allégations d'abus, de népotisme et de corruption, commises par de hauts responsables, se sont élevées à 837, accumulées au cours des trois dernières années.
Le manque de commandement et de conduction des Carabiniers pour mettre fin à la violence persistante des troupes dans les rues, a été confirmée par la révélation faite par [le journal] La Tercera de la vidéo que le général Rozas a envoyée à ses troupes dans la nuit du dimanche 10 avril novembre. Il y disait: "Je voudrais dire que tous ceux qui sont sous enquête administrative, que tous ceux qui sont portés à l'attention du ministère public doivent savoir que nous allons prendre toutes les mesures, toutes les garanties, afin qu'ils aient la procédure et la défense appropriées auxquelles tout le monde a droit Par conséquent, j’ai déjà disposé la Direction de Justice, avec tous nos avocats, et si nécessaire en coordination avec des avocats externes, pour offrir la meilleure défense et clarifier ces vérités du point de vue juridique et du point de vue administratif. C’est la raison pour laquelle l'annonce de l’usage limité du fusil anti-émeute n’est rien d’autre que l’adaptation optimale de nos protocoles. C'est pourquoi vous allez recevoir les instructions des responsables des unités, des responsables des répartitions supérieures, dans le sens d'une meilleure action pour éviter toute situation susceptible de nous être endossée."
Quelques heures plus tard, les vidéos montrant le passage à tabac brutal de jeunes gens et de femmes et l'entrée violente dans des domiciles privés sans ordre d'un tribunal indiquaient comment la police avait compris le message.
[Note personnelle: Je pense qu'il y a ici une certaine exagération.]

L'abandon des zones périfériques de Santiago (Extraits) (BBC News, 4/11/2019)
Le week-end du 18 octobre, dans la commune de La Pintana, ses deux supermarchés ont été dévalisés. Les deux autres grossistes qui se trouvaient dans la commune, après avoir été pillés, ont été incendiés. Le même sort a connu la seule pizzeria installée là il y a seulement deux mois. La destruction de ces locaux est due en partie à l’absence de contingents militaires et policiers. "On a envoyé l'armée pour s'occuper des manifestations pacifiques et non pas dans les endroits où elle était vraiment nécessaire, et les quelques agents de police ne furent pas suffisants", a déclaré le maire.
Ce qui s'est passé ce week-end dans la commune de La Pintana s'est répété dans plusieurs autres communes périfériques comme Puente Alto, Renca, La Florida et Maipú. Elles eurent toutes quelque chose en commun: les quelques policiers destinés à contrôler les actes de violence dans ces zones étaient débordés, incapables de rétablir l'ordre public. De plus, beaucoup d'eux furent redirigés pour contrôler les attaques au métro et autres manifestations qui se sont déroulées dans le centre de Santiago, laissant ces zones complètement sans défense.
"L'inégalité au Chili a de multiples facettes et se voit aussi dans la sécurité avec laquelle l'État protège ses habitants. Dans la pratique, cela reflète un sentiment très important d'abandon", dit le maire de Renca.
Dans cette zone, les résidents vivent dans des logements sociaux en mauvais état, ils n'ont pas accès à Internet ni à des services de base tels que les notaires pour mener à bien les procédures légales. À La Pintana, par exemple, il n'y a qu'un seul bureau de banque. Sans parler de la possibilité d'avoir des cinémas ou des espaces de loisirs.
Selon l'enquête Casen, qui mesure la pauvreté, le revenu monétaire mensuel moyen d'un ménage à La Pintana est de 664.000 pesos (890 dollars), tandis que celui d'un ménage de la commune de Las Condes (l'une des plus riches du Chili) représente près de 3 millions de pesos (4.000 US$). Seuls 8% de la population communale ont obtenu un diplôme technique ou universitaire et la plupart des pensionnés ne perçoivent pas plus de 110.000 pesos (148 US$). Les enfants doivent donc normalement prendre soin de leurs parents [seniors].
Pour l'autorité, cela fait partie de la base de la rage qui a éclaté il y a deux semaines lorsque les voisins ont pillé tout ce qu'ils ont trouvé sur leur passage. Ensuite, au dehors des supermarchés, il y a plusieurs phrases en grafittis, telles que "Pourquoi vous occupez-vous des hommes d'affaire s’ils nous ont maltraités". "Les habitants de La Pintana ne se sentent pas heureux parce qu'ils n'ont rien, parce qu'ils envient ce que les autres ont", ajoute le maire de La Pintana.
Aujourd'hui, les voisins mettent en moyenne environ trois heures pour se rendre à leur travail. Ceci, car les stations de métro les plus proches ont toutes été incendiées. Le sentiment d'insécurité s'est accru. Les autorités de ces communes disent que c'est loin d'être terminé. Que la rage ne passera pas "avec quelques mesures gouvernementales" de Sebastián Piñera.

NOTE: Le "salaire minimum garanti" (376 €), une fois décomptées les cotisations pour la pension et la santé, permet à peine de payer le transport journalier au lieu de travail (à Santiago), le loyer d'une seule chambre et 1kg de pain par jour.