31/10/2019

Octobre (b)

Le soulèvement social, en bref

- Le 14 octobre ont commencé des manisfestations dans le métro, fomentées initialement par les associations d'étudiants (dominées par la gauche), suggérant de passer sans payer. Cela a continué et est devenu massif le jeudi 17.
- Le lendemain, une vingtaines de stations ont été partiellement détruites et plusieurs incendiées. Le samedi 19, le président Piñera a décrété l'état d'urgence dans la capitale, chargeant ainsi les militaires du contrôle de la sécurité, principalement des services névralgiques comme les centrales électriques et de télécommunications, et les services d'eau potable. Malgré le contrôle policier (surpassé), de nombreux supermarchés et des magasins de ligne blanche ont été mis à sac pendant plusieurs jours. Les attaques se sont étendues ensuite à des édifices publics. Ces "manifestations" à Santiago ce sont alors étendues à Valparaiso, puis à Concepcion et, par après dans d'autres villes, devenant visible qu'il y avait un plan d'escalade progressive tant en violence comme en extension géographique.
- Selon des sources anonymes, ce plan aurait été conçu lors de la dernière réunion annuelle au Brésil du Forum de Sao Paulo, qui regroupe les mouvements d'extrême gauche d'Amérique Latine. Il n'a pas été possible de confirmer cette information et elle est peut-être fausse dans son origine et contenu mais sûrement pas dans la mise-en-oeuvre. Ce qui aurait en partie été confirmé par un communiqué de l'OEA (Organisation des Etats Américains) qui signale que «Les courants actuels de déstabilisation des systèmes politiques du continent trouvent leur origine dans la stratégie des dictatures bolivarienne et cubaine, qui cherchent à se repositionner, non pas par un processus de réinstitutionnalisation et de redémocratisation, mais par leur ancienne méthodologie d'exportation de la polarisation et mauvaises pratiques, et essentiellement financer, soutenir et promouvoir les conflits politiques et sociaux».
- Le succès de la "mise-en-route" a été "garanti" par le mécontentement de la population suite à la hausse de tarif non seulement du métro mais aussi des combustibles et de nombreux services (comme les 20% de l'électricité), ce qui rend difficile aux 70% des chiliens qui gagnent moins de 700 € d'arriver à la fin du mois, et aussi renforcé par la délinquance et les vandales qui profitent de toute manifestation pour faire des dégâts, et aussi par l'habitude de beaucoup de chiliens de "profiter des occasions", comme pour la mise à sac des supermarchés. (Détail des causes et détonants dans les "Extras" publiés le 23)
- Le président Piñera a réagi le samedi 19 annonçant un rapide projet de loi pour annuler la hausse des tarifs des transports en commun, mais ce n'est que le mardi 22 qu'il a annoncé d'autres mesures de bénéfice social: augmentation des impôts de 35 à 40% pour ceux qui gagnent plus de 8 millions de CLP (10.000 €), augmentation du salaire minimum à 350.000 CLP (437 €) avec subside pour les PME, augmentation de 20 % des pensions payées par l'Etat et apport fiscal aux fonds de pension pour 500.000 travailleurs, annulation de la dernière hausse de l'électricité, diminution du traitement des parlementaires et hautes autorités de l'exécutif, application du mécanisme d'urgence pour la discussion au parlement de la loi sur l'assurance pour maladies catastrophiques, d'apports du Fond National de Santé pour réduire le prix des médicaments et de transformation du service de protection de l'enfance, augmenter l'équité dans le financement des communes au travers du fond commun (transfert de fonds des communes de haut standing et rentrées propres vers les autres), réduction du nombre de parlementaires et du nombre de possibles réélections. [L'extrême gauche voterait contre cette réduction du nombre de parlementaires, car elle en perdrait plusieurs.] Le tout coûtera au moins 1.200 millions de dollars, dont 500 millions pour les pensions, et pourrait atteindre 1% du PIB, mais n'aura d'effet réel -en général- qu'en 2020. Endetter le pays semble être la seule solution possible pour le moment.
- Plusieurs projets de loi pour appliquer ces mesures ont déjà été approuvés par le parlement (mais sans l'appui du PC).
- Cela ne semble pas avoir convaincu la population: 78% des gens déclarent qu'ils continueront à protester et les manifestations massives ont continué, surtout avec les concentrations massives du vendredi 25 (avec 1.200.000 personnes à Santiago et des dizaines de milliers en régions). Finalement, Piñera a annoncé le samedi 26 la démission de son cabinet.
- 83% des chiliens appuyent les manifestations et seulement 13,9% le gouvernement. 61,5% estiment que l'agenda social du gouvernement n'est pas suffisant. L'approbation de Piñera est tombée à 6,5%. La réprobation des parlementaires officialistes est de 64% et du Front Ample de 65%. Le Front Ample et le groupement des partis officialistes ont le même pourcentage d'appui: 16% (Aucun parti n'a plus.).
- Le président Piñera a invité à deux reprise les partis d'opposition a se réunir avec lui pour aborder les réformes sociales. Le PC et une partie du Front Ample ont chaque fois refusé d'y assister. Leur but est un autre: obtenir de nouvelles élections générales et changer le système politique.
- Le changement de quelques ministres (de l'intérieur et du secteur économique, le 28) ne semble pas avec convaincu la population: les manifestations et actes de vandalisme ont continué.
- En 10 jours, plus de 900 policiers et plus de 1.500 civils ont été blessés et on compte 22 morts (dont 5 seraient fruit de l'action de la force publique); plus de 2.800 civils ont été détenus (69% pour pillage, d'autres pour attaquer la police), et le Ministère Public conduit 840 enquêtes pour violation des droits humains. Il faut comparer cela avec les centaines de milliers de chiliens qui ont manifesté pacifiquement sans être inquiétés. Il est FAUX qu'il y ait eu des détentions massives.
Plus de 300 supermarchés et 200 pharmacies ont été détruits ou dévalisés. La police a compté 2.300 incidents dans le pays. 997 délinquants ont été déjà imputés devant la justice. Mais des milliers continuent encore à piller et incendier lorsqu'il y a une manifestation. Le ministre de la Défense a assuré que la police est arrivée "à la limite de sa capacité".
-L'Institut des Droits Humains a dénoncé l'existence de 84 blessés par armes à feu (mais rien n'est dit des auteurs) et a intenté procès pour 54 cas de torture et 18 d'agression sexuelle de la part de la force publique. La police enquête internement sur 14 cas.
- Les pertes pour le commerce ont atteint 1.400 millions de dollars. Un montant proche est celui du coût des réparations du métro.
- La situation a finalement obligé le gouvernement à suspendre la réalisation ici du sommet de l'Asie-Pacifique (APEC), de novembre, et de la conférence COP25, de décembre, sur le changement climatique.


Attention: Les fausses nouvelles abondes sur les réseaux sociaux et sont parfois reprises, malheureusement, par des médias internationaux et même des eurodéputés.

Note: J'ai omis le détail des évènements (que j'avais relevé jour après jour) vu son extension (imprévue!).


EXTRA: Virage historique du modèle (Extraits)
(La Tercera, 25/10/2019)

Tout a commencé bien avant les 30 pesos [d'augmentation du tarif du métro], au début des années 90, avec le retour de la démocratie, lorsque le Chili a connu une hausse historique de ses attentes en matière de qualité de vie, résultat des indicateurs positifs de croissance, de création d'emplois et de développement économique. réduction de la pauvreté La seule chose qui n'a pas progressé a été l'égalité et l'intégration sociale.
Le modèle économique imposé par la dictature a fait retomber l'énorme responsabilité de la croissance économique sur l'entrepreneuriat, ce qui en a fait la clé du bien-être des citoyens. Pour sa part, la classe politique renouvelée se chargea de réglementer le fonctionnement de l'économie et de générer des politiques publiques visant à promouvoir l'équité. À cette fin, des accords ont été conclus entre hommes politiques, hommes d’affaires et syndicalistes, et des critères techniques ont été appliqués, permettant de concentrer les dépenses sur les plus pauvres. Cependant, les classes moyennes émergentes promues par le même modèle ont été exclues des politiques sociales.
Peu à peu, un sentiment d'impuissance entre les groupes intermédiaires et d'abus s'est installé dans une partie importante de la citoyenneté. Cette déception muta en indignation suite aux scandales qui ont touché le cœur du monde des affaires et du monde politique au cours de la dernière décennie et qui s'est soldé par des sanctions très mineures concernant la gravité des crimes commis.
Mais cette même classe politique, fortement contestée, n'a pas hésité à augmenter progressivement sa rémunération et ses indemnités, ainsi que le nombre de représentants au parlement. Et l'entreprise n'a pas apporté de changements profonds pour recouvrer sa légitimité et ne pas être perçue comme de simples agents de capture de profit.
À l'exception de la gratuité universitaire approuvée à la suite de la forte mobilisation des étudiants, la plupart des demandes sociales ont été rejetées avec des arguments techniques ou avec des réponses très malheureuses, comme celle d'un ministre qui a recommandé aux utilisateurs du métro de se lever plus tôt pour accéder aux horaires les plus économiques.
Le moment actuel est critique, mais c’est aussi une formidable opportunité de générer un large accord politique qui, tout en conservant les plus grandes réalisations, modifie nos priorités et nous redonne un sens nouveau. Il est urgent de faire appel à la capacité de dialogue des hommes politiques, des hommes d'affaires, des syndicalistes, des universitaires et du grand public. Mais ce dialogue doit contenir une empreinte éthique capable d'ouvrir une voie certaine vers une plus grande justice sociale dans le pays.

Au sujet de la "répression"
Les uniformés de toutes les unités de police du pays sont autorisés à utiliser les fusils anti-émeute (à pellets) mais doivent diriger les tirs vers les jambes. Le général-directeur des carabiniers a exprimé que "Nous agissons dans le contexte de graves altérations de l'ordre public. La grande majorité des procédures que nous avons adoptées s'inscrivent dans le cadre juridique. Nous avons un mandat constitutionnel. À mon avis, nous avons bien fait." En ce qui concerne les plaintes pour violences policières, il a déclaré: "Ce sont les cas exceptionnels qui m'occupent et me préoccupent. Nous avons reçu les plaintes sérieuses et responsables, nous avons reçu les plaintes de l'Institut des Droits Humains et toutes ces plaintes sont acheminées, d'une part, au ministère public et, d'autre part, les enquêtes administratives ont été initiées".
[Plus haut ont été signalés le nombre de manifestants, le nombre de détenus et le nombre d'accusations.]

Autres Extras (causes, détonants, etc.): Voir post du 23/10/2019