30/06/2020

Juin (b)

Santé (Plus de la moitié du pays en confinement total)
- A ce jour (30 juin), au total: 276.000 contagiés depuis le début en mars (plus qu'en Italie et Espagne), 34.270 contagiés actifs actuels (qui peuvent contagier d'autres personnes), 5.575 décédés avec PCR confirmé (plus de 100 par jour) et 2.850 de probables contagiés. Santiago est la 4e ville du monde avec le plus de contagiés. Le Chili est maintenant, en proportion à sa population, entre les 10 pays avec le plus de cas et 80% sont dans la Région Métropolitaine. 10 millions de personnes sont maintenant en zones de confinement. Plus d'un million de tests de PCR ont été réalisés jusqu'à présent (un record latinoaméricain).
Statistiques dynamiques ici: https://www.biobiochile.cl/mapacoronavirus/
- La contagion a augmenté de 380% durant le premier mois de "quarantaine" totale à Santiago et les décès de 1.202%. Mais le rythme de contagion a un peu baissé ici ces derniers jours, alors qu'il a augmenté en province (ce qui a mené à y mettre plus de communes en confinement). 
- Selon enquête de la quinzaine passée, 72% des gens reconnaissent être sortis de chez eux malgré l'ordre de confinement et 85% croient que "les autres" ne prennent pas la chose au sérieux. Dans 59% des foyers de la capitale quelqu'un sortait encore travailler (ce que de nouvelles règles tenteraient de réduire). 78,9% sont d'accord avec la sortie du ministre de la Santé, 51,6 % considérant qu'il informait mal. 91,2% estiment que le pays n'est pas préparé pour éviter la contagion massive, 73,8% que le contrôle de la pandémie va de mal en pis et 58% que le gouvernement ne pourra pas résoudre la crise. Le nouveau ministre de la Santé a eu 66% d'approbation à la fin de sa première semaine de travail.
- Cet échec de la quarantaine à Santiago est dû au peu de respect pour l'interdiction de se déplacer (les transports en commun sont toujours pleins et aussi les rues commerçantes), contournée grâce à des "resquices" comme prendre rendez-vous au médecin et ne pas s'y présenter (dans le seul but d'avoir un permis de déplacement), au peu de contrôles dans les rues et à la grande quantité de travailleurs d'entreprises qui se considèrent "essentielles" (elle accumuleraient 3 millions d'employés!), chose qui sera davantage contrôlée. Une étude a aussi montré que seulement 34% des possibles contagiés vont au médecin. Et une autre "débilité" reconnue par le gouvernement est le manque de suivi des contagiés non hospitalisés et de contrôle (et quarantaine préventive) de leurs contacts immédits, chose à laquelle le nouveau ministre de la Santé tente de porter remède. Moins de gens ayant été demander le test PCR, le ministère se propose d'aller faire les tests à domicile au moyen de "mobiles sanitaires" visitant les quartiers pour tester les "cas suspects" ou "à grand risque".
- Le ministère de la Santé informe longuement tous les matins, par radio et télevision, des avancements de la pandémie et des mesures prises.
- Les peines pour les infractions des mesures sanitaires seront augmentées (jusque 5 ans de prison pour se déplacer en étant contagié, et amandes jusque 12 millions de CLP = 13.560€). Les autorisations pour circuler sont réduites de 5 à 2 par semaine à Santiago et la définition des services et entreprises considérées "essentielles" a aussi été revue, pour limiter le nombre de travailleurs autorisés à se déplacer; un catalogue a été établi par le ministère de l'Économie, trop d'entreprises tentant de se définir comme essentielles; 15 fonctionnaient avec des autorisations frauduleuses et le ministère public enquête sur 7 qui ont déclaré faussement être "essentielles" pour que leurs travailleurs puissent se déplacer. Les directeurs pourraient écoper de 3 ans de prison.
- Le ministère de la Santé a demandé que les mères n'abandonnent pas les contrôles et la vaccination des enfants en bas-âge (ce qui avait baissé). Les services primaires (communaux) de consultations de santé seront ouverts 24h/24 et on demande de s'y rendre le plus tôt possible si l'on a des symptômes de covid19 ou demander par téléphone le transport à une résidence sanitaire. On demande aussi des donations de sang, car celles-ci ont baissé de 50% depuis mars.
- La Chine a offert au Chili de participer aux essais de son vaccin contre le SARS-Cov-2.

Politique
- Le Président Piñera a signé avec les représentants des partis de l'officialisme et des 3 principaux partis d'opposition un "Accord pour la Protection Sociale et la Récupération des Emplois", qui se traduira en un ensemble de nouvelles lois et mesures administratives. A part les apports aux familles, il prévoit des mesures de protection des petites entreprises et d'activation de l'économie, comme des investissements publics. Il a déjà signé le projet de loi qui augmente l'apport aux familles moins nanties -60%- (100.000 CLP par personne, soit 113€) pour 4 mois.
- Le Président Piñera a renouvelé pour 3 mois l'état d'exception (qui réduit les libertés pesonnelle et permet l'utilisation des militaires).
- Il bénéficie, pour sa gestion, de l'approbation de 24% des chiliens (majeurs) selon l'enquête Cadem, mais seulement de 13,6% selon l'enquête Activa Research. 4 bourguemestres de communes de Santiago ont une approbation de plus de 50%, ainsi que la présidente (communiste) du Collège des Médecins. 40% de la population approuve la gestion du gouvernement face à la crise sanitaire.
- Le bourguemestre (communiste) d'une commune de Santiago a intenté procès contre le président Piñera et les autorités du ministère de la Santé pour quasi-délit d'homicide et négation d'aide dans le cas de la mort de patients de covid-19 de sa commune. "Ils n'ont pas pris de décisions drastiques à cet égard, mais seulement des mesures partielles et fantaisistes sans l'expression d'un critère clair et juste pour leur application ou leur compréhension. Ces mesures étaient des actions marquées par un parti-pris social et politique clair dans l'adoption de certaines mesures à certains endroits, en rejetant d'autres sans aucune justification."

Economie
- 82% des enquêtés seraient à faveur de pouvoir retirer jusque 10% des fonds de pension pour faire face aux nécesités actuelles.
- Des fonds ont été disposés pour aider les seniors à payer leur loyer et les postulations sont ouvertes.
- Le parlement a approuvé la loi qui dispose un subside aux travailleurs indépendants qui émettent des factures pour travail réalisé: 100.000 CLP (113€) pour ceux qui gagnaient moins de 500.000 CLP (565€) par mois et un prêt de 650.000 CLP (634€) à ceux qui gagnaient plus, par mois pendant 3 mois. Le gouvernement assure "être à la recherche d'une solution pour la classe moyenne".
- Plus de la moitié des chiliens croient que les magasins ne devraient plus accepter de paiements en métallique.
- Les magasins (non d'aliments ou médicaments) qui vendaient encore par internet ne peuvent plus le faire à Santiago car leurs travailleurs ne sont plus autorisés à se rendre à leurs dépôts.
- La FAO calcule qu'un million de chiliens souffriront de faim.
- Les cliniques privées ont fait un appel urgent au gouvernement pour recevoir le paiement des services prêtés aux patients de covid-19, ayant dû diminuer drastiquement leurs autres services, ce qui les met dans une situation économique très compliquée, d'autant plus qu'elles ne sont pas considérées entre les entreprises qui peuvent bénéficier d'aides financières en raison de la catastrophe.
- 55% des PME déclarent être "gravement affectées" par les restrictions de la crise sanitaire.
- Plusieurs communes de Santiago ont interdit pour 2 semaines les marchés, ayant détecté qu'ils sont le principal foyer de contagion vu la grande aglomération de clients. Les commandes peuvent être passées par téléphone et la commune met un véhicule à disposition pour la remise à domicile sans frais extra. Les maraîchers pourront aussi vendre à leur domicile. D'autres communes ont décidé de diviser les marchés et les répartir en plus petites unités, et d'autres les ont interdites la moitié de la semaine [ne pensant pas qu'il y aura alors plus d'aglomération les autres jours?]
- La Banque de l'État a étendu son horaire de fonctionnement pour réduire les aglomérations dans ses sucursales.
- Le Chili (président Piñera) a participé avec 9 autres pays latinomaéricains à un conférence avec le FMI, la Banque Mondiale et l'ONU en vue d'élaborer des mécanismes d'appui et d'aide financière dans leur situation.
- Les rentrées du fisc ont baissé de 25% le mois passé.
- 43.000 personnes ont renoncé à leur assurance privée de santé, faute de pouvoir payer les mensualités. On estime que 400.000 pourraient le faire.
- Critique de père jésuite Felipe Berríos: "Pour [obtenir] tout les bénéfices, il faut toujours aller quelque part, s'inscrire, faire la demande [généralement par internet], mais les plus pauvres sont justement ceux qui ont le moins de possibilité de le faire. Cela devrait être le contraire: que l'État les cherche."

Sécurité
- 2.000 doses de cocaïne ont été saisie dans la ville de Los Angeles et 824 kg dans la région de Concepcion, où 11 personnes ont été arrêtées, dont un ex-dirigeant d'un des groupes rebelles mapouches. 6.947 kg de drogue ont été saisies dans le pays depuis mars, dont 2 tonnes de cocaïne, et plus de 13,5 M d'€ en biens dus au lavage d'actifs.
- En un an, plus de 300 funérailles de narcotraficants, accompagnées de feux d'artifice et coups de mitraillette en l'air ont eu lieu. La plupart du temps les cortèges funèbres ont une escorte de police "pour protéger la population"(!).
- Selon le ministre de l'Intérieur, 472 bandes de délinquants ont été désarticulées depuis la déclaration de l'état de catastrophe.
- En cette quinzaine, 11 attaques incendiaires ont eu lieu en divers endroits de l'Araucanie. Pour une fois, il y a eu 4 arrestations sur le fait, et il y a en ce moment 14 détenus. Deux antennes de télécommunications ont été détruite avec des explosifs et des radios des travailleurs d'une entreprise forrestière ont été volées: elle permettent de connaître les déplacements des camions et des patrouilles de police! Des patrouilles de l'armée seront enfin envoyées pour surveiller les routes, mais les dirigents mapouches ne sont pas d'accord.
- Un sujet a été arrêté lorsqu'il tentait de vendre par internet des ventilateurs (respirateurs) mécaniques volés.
- Environ 800 personnes sont arrêtées chaque jour en région métropolitaine pour ne pas respecter les obligations sanitaires.
- 700.000 paquets de cigarettes de contrebande, pour une valeur de 2,1 millions de dollars, ont été confisqués à Antofagasta.

Science et environnement
- Tempête dans le sud, avec des vents de 40km qui ont renversé des arbres et des piliers de lignes électriques, et même une trombe qui a enttièrement détruit une maison. Il a neigé dans le haut de Santiago. On a enfin eu plusieurs jours de pluie dans la capitale. la semaine suivante, defortes pluies dans le centre, centre-nord et centre-sud du pays (de La Serena à Puerto-Montt) ont causé de ultiples innondations (1.000 maisons et les tunnels) et des glissements de terrain. Un village a reçu 120mm de pluie en 24 heures. 23.000 clients sont sans électricité suite à la coupure des lignes. Le mois de juin a été le plus pluvieux depuis 2005 mais est loin de mettre fin }a la sécheresse.
- Des scientifiques chiliens et américains ont découvert en Antartique un oeuf de près de 30 cm qui semble d'un dinosaure qui y aurait vécu il y a 66 millions d'années.

EXTRA: La sortie du ministre de la Santé (Extraits)
Jaime Mañalich a quitté le ministère de la Santé après des semaines au cours desquelles les changements de méthodologie pour le comptage et le signalement des victimes mortelles avaient semé la confusion et les critiques, et quelques heures après la publication d'un rapport dans Ciper Chile [journalistes dédiés à des études en profonfeur] qui signalait l'écart entre les nombre de décès signalés à l'OMS et celui signalé dans les rapports épidémiologiques habituels. (La Tercera, 15/06/2020)
Il est compréhensible, et dans une certaine mesure juste, que les politiciens proches de l'ancien ministre de la Santé reconnaissent son dévouement, mettant en évidence les sacrifices personnels qu'il a fait en menant la stratégie de santé du gouvernement dans la crise du coronavirus. Cependant, à l'exception d'une minorité fébrile qui attribue de mauvaises intentions, les vertus personnelles de Jaime Mañalich ne sont pas en litige. Pas toutes les critiques qui ont été faites à sa direction sont infondées ou malveillantes. Il y a un certain consensus sur l'échec de la stratégie sanitaire, comme Mañalich lui-même a en quelque sorte reconnu. Ce n'est pas impardonnable.
Le défi était inconnu. En ces cas, il est normal que nous construisions des connaissances par essais et erreurs. Mais l'échec de l'administration Mañalich - et pour vrai du gouvernement - n'est pas seulement sanitaire, mais politique. Dès le premier jour, ils savaient les conditions de polarisation laissées par le flambée sociale [d'octobre-novembre], le manque de crédibilité des autorités, la nécessité de projeter un sens collectif intériorisé par les citoyens, l'importance de tisser des complicités politiques transversales et de rechercher des alliés dans la société civile et la communauté d'experts. Tout cela pouvait se faire et n'a pas été fait, ou n'a pas été fait correctement. (C.Bellolio, El Mercurio, 17/06)

De l'individualisme et de la solidarité en période de pandémie (Extraits)
(Cooperativa, 19/6/2020)
En Amérique Latine, avec la montée du néolibéralisme, nous avons caractérisé nos sociétés comme individualistes, dans la logique du «sauve qui peut» et «grattez vous avec vos propres ongles». Au Chili, plus que les institutions, ce sont les réseaux interpersonnels et les réseaux communautaires qui ont servi de support face aux urgences et aux besoins. Plus que la boîte de marchandises livrée par le gouvernement, c'est la cacerole commune et la salle à manger solidaire, le prêt sans échéance ou quotidien [dans le petit magasin de quartier], le "vous avez besoin de quelque chose, voisine?" et le "vous me le rendez quand vous pouvez".
Il est vrai que le néolibéralisme-individualiste-entrepreneur a fait son travail pour enlever du terrain à cette solidarité communautaire dans nos consciences et dans nos pratiques, mais aussi, par la force des crises, elle sait émerger et se positionner comme ce réseau pourtant devenu mince, devenu le dernier et souvent le seul sauveteur. En ces temps où le débat public a une fois de plus fait des gros titres avec la faim, la surpopulation et les maladies, morbides à certains moments, c'est aussi le moment pour que s'épanouissent les pratiques de solidarité de toutes sortes. Les caceroles communes, pratique et symbole par excellence du besoin le plus profond et de la solidarité, ont été déployées dans les territoires populaires, défiant tout le monde et rejoignant ces autres actions communes des «temps normaux»: tombolas, bingos, travaux de support mutuel.
Les exemples sont nombreux et ils oppriment le cœur, car cela peut ne pas se produire partout, mais ce ne sont pas des cas isolés, et si dans certains lieux «cela a toujours été comme ça», dans beaucoup d'autres, cela s'est perdu avec le temps, jusqu'à atteindre une normalité où vous ne connaissez pas vos voisins, vous ne leur demandez pas s'ils ont besoin de quelque chose et vous les aidez encore moins. Aujourd'hui la solidarité fleurit, cultivons-la et ne l'oublions pas. C'est une bonne chose en pleine catastrophe.
Le coronavirus, l'inégalité, la discrimination et la précarité sont l'affaire de tous, et la possibilité de contrer les attaques d'une logique qui cherchera à profiter de la crise sanitaire pour les approfondir (automatisation des emplois, investissements modérés, coupes dans les dépenses) est au retour du coin. Peut-être pouvons-nous faire des progrès en transférant quelque chose de la logique de la solidarité communautaire à ces institutions qui sont souvent si loin des gens, mais pas depuis la nécessité, sinon de la dignité, des droits et du bien-être commun. Dans le cadre du processus constitutionnel, nous pourrons peut-être définir une institutionnalité publique qui promeut la dignité, l'intégrité et le bien-être d'une société qui a besoin de tout cela.

L'agonie de Valparaíso aggravée par Covid-19 (Extraits)
(Euronews, 18/06/2020)
Avec 315 000 habitants, Valparaíso est l'un des principaux foyers du coronavirus au Chili, où la pandémie semble ne pas s'arrêter et il y a plus de 220 600 infections et 3 615 décès [au 16 juin). Selon le centre d'étude Espacio Público, les cas à Valparaíso ont augmenté de 121% au cours de la dernière semaine de mai, forçant le gouvernement à ordonner le confinement vendredi dernier.
Les experts craignent que la pandémie n'aggrave la situation dans laquelle vivent de nombreux habitants, avec des emplois informels et des logements précaires, sans eau courante ni chauffage. On estime que 19,5% de la région à laquelle appartient Valparaíso souffre de pauvreté multidimensionnelle et que dans la ville elle-même, il y a 55 000 familles très vulnérables.
Connu pour ses maisons multicolores et ses funiculaires centenaires qui relient les collines escarpées, Valparaíso a été pendant des années l'un des ports les plus importants du monde. Son effervescence a fait tomber Neruda amoureux, dont la maison reste l'une des attractions de la ville, avec les nombreuses tavernes qui servent du poisson frais. Le déclin de la ville n'a pas été immédiat, mais s'est maintenu pendant des décennies, et a commencé lorsque le canal de Panama a été inauguré et que les navires ont cessé de traverser le détroit de Magellan. Plusieurs incendies et tremblements de terre dévastateurs, la construction du port voisin de San Antonio et la fuite des classes riches vers Viña del Mar ont englouti la ville - située à 120 kilomètres de Santiago et siège du Congrès - dans une spirale de déclin, qui s'est accélérée avec la récente crise sociale.
Les caceroles communes - une sorte de salle à manger de quartier - sont apparues dans les années 1920, mais sont devenues très populaires lors de la crise de 1982, au milieu de la dictature. Aujourd'hui, elles sont liées à l'autogestion et à la solidarité et sont la preuve de l'inefficacité d'un modèle de protection sociale qui résiste encore aux politiques de protection sociale de grande envergure [du gouvernement].
Le gouvernement chilien a approuvé un ensemble de mesures pour les plus vulnérables, qui comprend des subventions et 2,5 millions de boîtes de nourriture, mais beaucoup dénoncent qu'elles sont "insuffisantes". "Préparez -vous (président) Piñera car la deuxième épidémie sociale va être plus difficile", prévient une femme que tout le monde appelle "Tante Sole", tout en remuant les spaghettis mis dans la cacerole. Une affiche a l'emblème populaire de la pandémie: "Soit la couronne nous tue, soit la faim nous tue."