14/07/2020

Juillet (a)

Santé (Plus de la moitié du pays en confinement total)
- A ce jour (14 juillet), au total: 320.000 contagiés depuis le début, 23.000 contagiés actifs actuels (qui peuvent contagier d'autres personnes), 7.000 décédés avec PCR confirmé plus 2.850 décédés possiblement contagiés.
- Le mois de juin a été celui qui a eu le plus de mortalité depuis qu'on a cette statistique, mais en juillet la contagion a enfin commencé à diminuer (une baisse de 35% la dernière semaine).
Statistiques dynamiques ici: https://www.biobiochile.cl/mapacoronavirus/
- De nouveaux ventilateurs (respirateurs) mécaniques sont encore arrivés. En temps de pandémie, leur quantité a été multipliée par huit. En 6 mois, le pays a triplé le taux d'augmentation de la décade passée de lits et équipes de traitement critique dans les hôpitaux et cliniques, ce qui a permis qu'aucun malade n'ait été laissé pour compte jusqu'à présent.
- L'Université Catholique de Santiago a signé un accord avec Sinovac pour tester son vaccin.
- 300 entreprises ont été sanctionnées pour fonctionner sans autorisation, n'étant pas "essentielles".
- Il y a encore toujours des gens qui se réunissent pour faire la fête ou vont à des gymnases (qui fonctionnent illégalement).
- 430 personnes contagiées de covid ont été arrêtées dans les rues (et quelques unes même dans des supermarchés) depuis mars, ne respectant pas leur quarantaine.
- Les mères de nouveaux-nés auront droit à 3 mois de congé maladie en plus des habituels 3 mois de congé post-natal.
- Le gouvernement a annoncé le début du déconfinement pour les régions d'Aysén et de Los Ríos (Valdivia): les commerces pourront rouvrir (avec pas plus de 10 clients à la fois), inclus les bars, restaurants et salles de cinéma et théâtre mais avec une limite de 25% de leur capacité et des mesures spéciales d'hygiène. On recommende là-bas aux seniors, pour leur santé, de sortir se promener une fois par jour pendant une heure (préfixée). Il y aura une frontière sanitaire autour de ces régions.
-Les footballistes de 1ère division et les athlètes olympiques pourront reprendre leur entraînement.
- L'association des pensionnés proteste parce qu'on les traite comme des gosses, on ne différencie pas les valides des non-valides et on ne fait rien pour aider ceux qui ne savent pas utiliser internet (nécessaire pour obtenir divers bénéficesde l'Etat).

Politique et administration
- Actuellement 71% des chiliens désapprouvent la conduction du gouvernement du Président Piñera vs 17% qui l'approuvent; 34% approuvent la façon dont le gouvernement conduit le pays face à la crise sanitaire et sociale. 59% sont satisfaits de l'action du ministre de la Santé. 70% signalent que les rentrées de leur foyer ont baissé significativement.
- Le Registre Civil a inscrit un enfant comme fils de deux mères, par ordre d'un tribunal (l'union civile des homosexuels étant permise).
- Les notaires admettent maintenant des démarches par vidéoconférences.

Economie
- L'économie du pays est tombée de 15,3% en mai. On estime que juin aura été pire. L'économie actuelle se retrouve au niveau de 2012, mais la baisse n'aurait pas eu d'équivalent depuis 1982.
- Le traitement des parlementaires et ministres sera baissé de 25% et celui du président de la république, sous-secrétaires et gouverneurs de 10% (déterminé par une comission spéciale qui le reverrait tous les 4 ans). Les députés espéraient une baisse de 50%.
- 25% des emplois ont été perdus, selon une enquête de l'Université Catholique. L'assurance chômage sera étendue pour 2 mois de plus, avec un paiement équivalent à 30% du traitement moyen de la dernière année travaillée et un maximum de 279.838 CLP (302€) et un minimum de 83.951 CLP (91€).
- Pour les PME, le paiement de la TVA au fisc sera retardé de 3 mois, de même que le paiement provisionnel mensuel d'autres taxes.
- Le président Piñera a fait connaître un plan complémentaire d'aide aux classes moyennes qui comprendrait: 1) un crédit à 0% d'intérêt financé par l'Etat équivalent à 70% de la baisse de revenu, pendant 4 mois, avec un maximum de 650.000 CLP (700 €) par mois, remboursable en 4 ans; 2) le report pour 6 mois du paiement des crédits hypothécaires; 3) subside de 150.000 CLP (160 €) par mois, pour 3 mois, pour la location d'un logis en cas de besoin; 4) crédit avec aval de l'Etat pour étudiants de l'enseignement supérieur qui ne l'auraient pas obenu en début d'année. La Démocratie Chrétienne est en désaccord (et d'autres partis de gauche aussi), car c'est "pousser la classe moyenne à continuer à s'endetter". Mais on signale aussi les énormes différences entre les membres de cette classe.
La gauche a présenté un projet alternatif qui permettrait le retrait de 10% des fonds de pension (avec un maximum de 4,3 millions de CLP = 4.700 €), ce qui serait compensé dans l'avenir par l'État et les employeurs dans un "fond solidaire" (et donc pas remis sur les comptes individuels). Ce projet a l'appui de quelques parlementaires de droite, causant une fracture dans la coalition de droite et avec le gouvernement, qui s'y oppose, car cela ne ferait qu'agraver le problème des basses pensions. Les deux projets sont en discussion au parlement.
- Le gouvernement a disposé une nouvelle remise de 3 millions de boîtes d'aliments pour les foyers dans le besoin; la moitié sera pour Santiago.
- Le commerce extérieur du pays est tombé de 14% pendant le premier semestre; les exportations baissèrent de 9,9% et les importations de 18,5%.

Sécurité et justice
- Des manifestastions de mécontentement, avec barricades incendiées, concert de caceroles et même coups de feu ont eu lieu le soir dans plusieurs communes de la capitale, de Valparaiso et autres villes, en réponse à des invitations par réseau social [apparemment faite par anciens résistants de la dictature]. La "crise sociale" se refait entendre. Il y a eu peu d'interventions de la police et de détenus (39).
- Nouvelles attaques incendiaires en Araucanie: 3 machines agricoles et plusieurs camions. Des troupes seront envoyées pour patrouiller dans le sud de la zone conflictive.
- Un procureur enquête sur les possibles violations des droits humains de la part du président Piñera durant les semaines de l'explosion sociale de la fin de l'année passée.
- Des procureurs imposent l'arrêt domiciliaire nocturne ou l'interdiction de sortir du pays au lieu de prison provisoire jusqu'à ce que se réalise le procès de voleurs. Quel sens cela a-t'il lorsqu'il y a couvre-feu et que les voyages sont contrôlés?

Transports et Communications
- La lecture de journaux imprimés n'atteint plus que 24%; la consommation de télévision a aussi baissé fortement ces dernières années, les deux remplacés par l'utilisation du smartphone (83%) pour lire ou voir les nouvelles, avec préférence pour Facebook et Whatsapp (mais avec haute méfiance).
- Les seniors ne devront plus payer que 50% de la valeur du ticket dans les transports publics. Les transporteurs de province (bus ruraux) ont appelé à la grève car ils n'ont pas été informés de la façon dont ils seront conmpensés.
- La douane du port de San Antonio a saisi 43.600 jouets falsifiés venus de Chine.
- Facebook a éliminé un réseau de fausses nouvelles de comptes établi au Canada et en Équateur qui incluait des mensonges sur le Chili.

Science et environnement
- De fortes pluies dans la région centrale ont provoqué des innondations (1.000 maisons, avenues et tunnels) ainsi que des coupures d'électricité pendant plusieurs heures (14.000 clients).
- Pour la deuxième fois un puma a été capturé lorsqu'il se promenait dans le haut de la ville (en bordure de la cordillère) et été ensuite reporté plus loin dans son habitat. (C'est une espèce protégée, dont la chasse est interdite.)

EXTRA: Le monde parallèle qui se vit dans les méga-tours de Santiago où la quarantaine ne règne pas (Extraits) (BBC News, 30/06/2020)
Depuis que la pandémie a frappé Santiago du Chili, Johannie a tenté de s'éloigner des 774 familles vivant dans son immeuble. Elle est préoccupée par le fait que dix résidents sont déjà infectés par le coronavirus et que son fils de 11 mois est immunodéficient. Garder ses distances avec les autres habitants n'est pas facile: les couloirs de son immeuble sont étroits, il y a peu d'ascenseurs, et l'énorme tour de 32 étages abrite plus de 2 000 personnes.
En seulement deux ans, la municipalité de la Gare Centrale a approuvé la construction de 75 bâtiments comme celui de Johannie, entre 30 et 43 étages, sans limite de densité, c'est-à-dire sans aucune réglementation sur le nombre d'appartements pouvant être construits sur la même surface. Ainsi, entre 200 et 700 appartements par immeuble ont été construits, où les vide-ordures sont fréquemment remplis et bouchés et où l'éclairage ou la ventilation sont insuffisants. Il n'y a pas non plus de réglementation sur le nombre de mètres minimum que les appartements doivent avoir pour permettre une vie décente. Il y a des appartements de 28 mètres carrés - pour les studios à un seul espace - à 46 mètres carrés, pour deux chambres et deux salles de bains. Dans le plus petit, après avoir mis un lit, une table et un réfrigérateur, la personne ne peut faire que cinq pas d'un côté à l'autre. En temps normal, y a parfois des queues de 15 minutes pour monter dans les ascenseurs. Pendant des années, les organisations de la société civile ont essayé d'empêcher la poursuite des constructions de ce type. En 2019, la Cour suprême a déterminé que certains des permis de construire étaient illégaux, déclenchant un débat public sur la possibilité de démolir les tours. Mais le confinement est arrivé.
Ils sont en quarantaine depuis plusieurs semaines. Dans les tours, l'une des formes les plus appréciées est la vente par livraison de plus de 200 produits de toutes sortes: des hamburgers aux chaussons. Malgré le risque de contagion, des centaines de résidents quittent leur appartement chaque jour et marchent dans les couloirs pour livrer leurs commandes, utilisant les ascenseurs et les espaces communs car, avec Santiago confiné, le commerce à l'intérieur de ces tours est devenu la meilleure opportunité de subsistance pour les nombreux migrants qui y vivent. Heidi propose toutes sortes de vêtements et vend des bouteilles de jus et des paquets de ballons qu'elle achète à des Chinois locaux. Jhon passe par les couloirs avec un chariot qui porte sa machine à laver et à sécher pour offrir ce service, peu disposant d'une telle machine. Il vend aussi de l'eau purifiée à ses voisins et, la nuit, il dirige l'entreprise interne de hamburger que préparent des amis d'un autre appartement.
Ces services de livraison (delivery) acceptent les paiements en espèces et les virements bancaires et font la promotion de leurs produits et services dans six groupes de WhatsApp dédiés exclusivement aux ventes dans les deux tours. Chacun compte au moins 250 personnes. C'est un monde parallèle où le bâtiment ressemble à un Vénézuela miniature installé au cœur de Santiago. La liste des produits semble interminable.
À l'extérieur, les bâtiments semblent normaux; mais à l'intérieur, un flux constant de personnes interrompt l'enfermement, comme si les tours étaient vraiment une grande galerie de boutiques.
A la réception de l'immeuble, une femme entoure la salle d'attente avec une bande qui dit Danger. Elle est chilienne, son nom est Sandra et elle est déterminée à fermer les espaces communs pour protéger la communauté d'une éventuelle source de contagion. Elle est préoccupée par le virus car elle vit avec son père, qui est une personne âgée, et a organisé une collecte auprès des habitants pour acheter 20 litres d'ammonium quaternaire et désinfecter quotidiennement les espaces communs des deux tours. Elle sait qu'il est essentiel de garder les trois ascenseurs de chaque tour désinfectés, qui sont normalement utilisés par 612 familles. Elle garde un registre des infections de covid-19 dans la communauté, mais ne rapporte pas dans quels appartements vivent les voisins infectés, ni quels sont leurs noms. Quand elle a connaissance d'un cas confirmé ou suspecté, l'étage entier entre en quarantaine interne à ce moment précis. Personne ne devrait en traverser les couloirs. Selon ses dossiers, entre les deux tours, ils avaient jusqu'à 19 étages confinés.
Pour réduire le risque de contagion, l'administration de l'immeuble a établi qu'un maximum de quatre personnes peuvent entrer dans les ascenseurs: une par coin. L'avis est collé au mur, mais parfois deux hommes se disputent à la porte de l'ascenseur du hall parce que l'un veut monter, bien qu'il y ait déjà quatre personnes à l'intérieur.
Bien qu'il soit interdit par l'état d'exception qui est en vigueur au Chili depuis mars, parmi les milliers de résidents, il y a ceux qui organisent encore des fêtes et reçoivent des visites de l'extérieur du bâtiment. Avant, le concierge donnait trois avertissements s'il y avait des bruits gênants, mais maintenant, après un seul avertissement, il appelle des policiers en espérant [qu'ils donnent] des amendes.
Les autorités semblent ignorer les dizaines de méga bâtiments de cette commune: le secrétaire régional ministériel à la Santé a assuré n'avoir aucune information sur ce qui s'y passe ou s'ils représentent un point d'infection particulier. Et le bureau du maire n'a pas répondu aux questions sur les mesures que la municipalité pourrait prendre pour empêcher ces tours de devenir des sources infectieuses.

Rapport de l'agence AFP: Le coronavirus a transformé la classe moyenne chilienne en nouveaux pauvres (Extraits) (Radio Bibio, 1/7/2020)
Au cours de plus de trois décennies d'aubaines au Chili, la classe moyenne s'est développée mais n'a jamais été forte. Les dettes pour s'éduquer, couvrir sa santé et ses pensions privées l'ont rendue si fragile que trois mois de pandémie laisseront beaucoup dans la pauvreté. "Les 10% les plus riches sont le seul secteur relativement blindé au Chili", explique Dante Contreras, directeur adjoint du Centre d'études sur les conflits et la cohésion sociale (Coes) et professeur à l'Université du Chili, qui calcule que la pauvreté va augmenter de 9% à 15%. Le revenu familial d'urgence créé pour la crise est destiné aux ménages dont le revenu peut atteindre 400 000 pesos (490 dollars), qui ne représentent que 34% des ménages chiliens, excluant toute la classe moyenne, qui équivaut à presque la moitié de la population chilienne de 18 millions d'habitants.
Pablo Martínez, 44 ans, est le reflet vivant de cette précarité. En un peu plus d'un an, il est passé d'un ingénieur prospère et solvable résidant dans un quartier de la classe moyenne supérieure à simplement survivre. Depuis qu'il est devenu chômeur en mars de l'année dernière, Pablo n'a plus retrouvé d'emploi. Les premiers mois, il a consommé son épargne et son assurance chômage. Il a ensuite travaillé comme chauffeur Uber, mais après les manifestations d'octobre, les voyages ont beaucoup baissé et avec la quarantaine, ils ont pratiquement atteint zéro. Aujourd'hui, il n'a même pas pu payer le loyer de sa maison. «C'est vivre ou payer le loyer. Iln'est pas possible de faire les deux», affirme-t-il. Il ne reçoit aucune aide de l'Etat.
Depuis 1990, le Chili a considérablement réduit la pauvreté, de 40% à 9%, mais au prix d'une classe moyenne qui a eu accès à de meilleurs niveaux de vie grâce au crédit. Aujourd'hui, une fraction importante de ces familles (70%) vit avec un niveau d'endettement excessif. Selon une étude de l'Université du Chili, le plus grand impact de la pandémie se produit chez les travailleurs indépendants, qui signalent une réduction allant jusqu'à 60% de leurs rentrées.

Attendons-nous une explosion sociale 2.0? (Extraits)
(La crise de la droite) (Radio Cooperativa, 10/7/2020)
Au milieu de la situation tendue de [la coalition de droite] "Chile Vamos", avec des récriminations croisées et même contre le gouvernement, le dirigeant du [parti] Renouveau National [RN], Mario Desbordes, peut faire un sérieux "mea culpa" sur le contexte qui a conduit à la crise interne, marquée par le débat sur les mesures de soutien aux citoyens touchés par les effets de la pandémie. "Qu'allons-nous faire avec la classe moyenne? Attendons-nous que des gens viennent manifester et qu'il y ait une explosion sociale 2.0? Pourquoi ne sortons-nous pas dans la rue y voir ce qui s'y passe? Faisons un mea culpa sérieux", a déclaré le député en conversation avec le Journal de [radio] Cooperativa.
La crise officialiste, qui a commencé après la promulgation de la limite de réélection des parlementaires et bourguemestres [le gouvernement n'étant pas d'accord en ce qui concerne les communes], s'est accentuée après que la Chambre basse a approuvé l'idée de légiférer la réforme pour permettre le retrait de 10% des fonds de pension, avec 13 voix du bloc [de droite]. Après cela, la critique s'est centrée sur la direction politique du gouvernement et certaines également sur Desbordes lui-même, l'un des premiers du parti au pouvoir qui a déclaré qu'il était ouvert au retrait partiel de l'épargne-pension pour faire face aux effets de la pandémie, mais qui s'est finalement abstenu lors du vote du mercredi 9. "J'ai toujours dit que c'était la dernière option, et grâce à cela, nous avons maintenant des propositions pour la classe moyenne."
Il a considéré le désaccord avec les derniers plans de soutien à la classe moyenne annoncés par le gouvernement: "Je pense que les mesures sont bonnes, mais les députés n'étaient pas convaincus qu'ils fussent aussi énergiques que ce que les citoyens demandent." Il a également demandé de prendre le débat sur les pensions "au sérieux" et de reprendre le processus de réforme que le gouvernement promeut depuis quelques années.