31/07/2020

Juillet (b)

Santé
- A ce jour (31 juillet), au total: 354.000 contagiés depuis le début, 17.500 contagiés actifs actuels (qui peuvent contagier d'autres personnes), 9.400 décédés avec PCR confirmé plus environ 3.000 décédés possiblement contagiés. Il y a maintenant plus de 90% de patients récupérés et le taux de positifs des tests PCR est tombé à 10%.
Avec les chiffres normalisés par population, le Chili arrive en tête des listes d'infections et de décès par million d'habitants (avec plus de 17.000 cas et 451,61 décès). Mais il est leader en tests de laboratoire (PCR) réalisés pour mille habitants (75,6), 3 fois plus qu'au Brésil. Et il est deuxième dans la proportion de récupérés sur le total infecté (92,40%).
Statistiques dynamiques ici: https://www.biobiochile.cl/mapacoronavirus/
- Le ministère de la Santé a défini un plan de déconfinement qui aura 4 étapes, sujettes à l'évolution de la contagion, d'au moins 15 jours chacune et définie ville par ville ou même commune par commune, selon la situation locale. La première étape ouvre la liberté de circulation, de jour, du lundi au vendredi. Le passage d'une étape à l'autre dépendra d'indicateurs épidémiologiques, du réseau d'institutions de santé et du traçage (suivi) des contagiés et leurs contacts. Les protocoles des activités autorisées sont ajustés selon les situations locales.
- Vu les 4 mois de confinement obligatoire soufferts par les plus de 75 ans, par pression des médecins et pour leur santé, on les a autorisés à sortir 3 jours par semaine, entre 10 et 12h ou 15 à 17h, pour se promener à l'air libre, dans un rayon de 200 mètres, et portant toujours le masque et conservant la distance sociale.
- La première région déconfinée (Araucanie) est en 3e étape et les deux suivantes (Aysén et Valdivia) sont en première étape et ne peuvent pas passer à la suivante, vu que la contagion y a augmenté de 25 cas en 5 jours mais est contrôlée. Les villes de San Antonio et San Felipe, ainsi que 5 communes de Santiago et 2 voisines viennent aussi de passer à cette étape, mais la plus grande partie de la ville reste en confinement total. La contagion a baissé de 87% en région métropolitaine, mais ce n'est pas encore suffisant pour y permettrer le déconfinement de toute la ville, car il y a des communes où la contagion est encore haute.
- Les villes de Coquimbo, La Serena et Puerto Montt ont dû entrer en confinement total.
- 3.000 volontaires participeront au premier essai de 3 vaccins contre le Covid-19. L'Université Catholique de Santiago a déjà pour cela un accord avec la firme chinoise Sinovac. On cherche un accord avec l'Université d'Oxford.
- En août, on commencera à utiliser le test de salive pour détecter la présence du virus.

Politique et administration
- L'approbation de la gestion du président Piñera est tombée à 12%.
- Ce 31 juillet, le président Piñera rend compte d'une année de sa gestion devant le parlement et la nation. Des écoles de journalisme ont organisé des groupes d'étudiants pour vérifier ses affirmations ("factchecking") sur ce qui a été réalisé.
- Curiosité: Le bureau du président Piñera: symbole du chaos au gouvernement, se demande une radio, ou seulement de son stress? "Vous êtes trop occupé, vous n'êtes pas vraiment concentré sur quelque chose, ce qui vous rend plus réactif que proactif. Des gens comme lui ne peuvent pas se concentrer sur ce sur quoi ils travaillent, il leur est difficile de fixer leurs priorités et leur travail devient généralement déroutant", a déclaré au journal britannique The Independent à ce sujet l'experte en organisation Patty Cruz-Fouchard.

Economie
- La Chambre et le Sénat ont approuvé, pensant à la classe moyenne, une loi qui permettra le retrait de 10% des fonds de pension (ou même plus, pour ceux qui y ont peu d'épargne et la moyenne serait de 44% selon le ministre des Finances), avec un maximumj de 4,3 millions de CLP (4.670 €). Le projet fut lancé par la gauche, mécontente du peu qui a été fait par le gouvernement pour les classes moyennes [et toujours désireuse de "saboter" le système de capitalisation individuelle], et a eu l'appui de 13 députés de droite, dont 3 ont renoncé à leur parti à cause de la menace d'y être passés au tribunal de discipline partidiste, ainsi que de 5 sénateurs de droite. C'est une déroute du président Piñera, qui s'opposait à cette idée, et tous les économistes -même de gauche- y étaient opposés comme lui, car cela débilite le système de pensions. La loi a dû être promulguée par le président le jour suivant.
Ce même jour se sont formées de longues queues devant les bureaux des fonds de pension, alors que la loi ne fut publiée au Moniteur que 3 jours plus tard. Leurs sites web ont aussi été saturés. Leur association a annoncé que les demandes devraient se faire par internet et qu'il ne faut donc pas aller à leurs bureaux. Selon une enquête, 86% des affiliés feraient le retrait. Le premier jour d'opération, 3,4 millions de demandes de retrait ont été faites (environ 1/3 des affiliés).
- L'opposition a réitéré son désir de supprimer les fonds de pension de capitalisation individuelle et le retour au système de répartition, qu'elle appelle "solidaire", ou bien à un système qui garantirait un minimum "au-dessus du niveau de la pauvreté", universel, avec possibles compléments individuels.
- Le jour de la votation à la Chambre de ce projet, le président Piñera a annoncé son projet pour les classes moyennes: un bon non-remboursable de 500.000 CLP (545€) pour ceux qui gagnaient entre 500.000 et 1.500.000 CLP (545 à1.635€) par mois et ont perdu 30% ou plus de cette rentrée, plus un "prêt solidaire" pour compenser jusque 70% de cette perte, avec un maximum de 1.950.000 CLP (2.120€) divisé en 3 mensualités, intérêt nul et 3 ans pour le remboursement, ainsi qu'un subside de 3 mois à la location, de 250.000 CLP (270€), pour logis de moins de 600.000 CLP (650€) de loyer à ceux qui ont perdu 50% ou plus de leurs rentrées. Pour les propriétaires, les impôts fonciers -sous une valeur limite- du 2e semestre seront reportés. Le remboursement des prêts pour l'éducation supérieure sera aussi reporté de 3 mois. Cela bénéficierait 850.000 personnes. Le parlement a approuvé ce projet une semaine après celui du retrait des 10% des fonds de pensions.
- Selon une enquête, 82% des gens disent qu'ils retireraient les montants autorisés de leur fond de pension.
- La discussion et approbation de la loi de retrait des 10% a provoqué une telle crise dans la droite (où les opinions étaient divisées) et au sein du gouvernement que le président Piñera a décidé un changement dans son gabinet: 4 nouveaux venus - des "figures" importantes des 2 principaux partis de droite -, et 2 qui changent de ministère, apparemment pour "concilier les conflits" du secteur et peut-être se préparer pour les élections de l'année prochaine. Intérieur et Affaires étrangères sont entre les changements.
- Les taux d'intérêt des prêts hypothécaires ont baissé (ils sont 2,68% en moyenne) mais ceux des prêts à la consommation ont augmenté (ils sont de 20,63% en moyenne).
- Une enquête réalisée par Ipsos et Espace Public a analysé le fonctionnement de la quarantaine dans 8 communes de province et à la capitale. L'étude a révélé une profonde inégalité, où 50% des travailleurs appartenant aux groupes socio-économiques les plus vulnérables, C3, D et E, ont dû aller travailler malgré le confinement, dans une proportion similaire dans les régions et dans la capitale. Cependant, à Santiago, alors que 48% à 42% des groupes socio-économiques les plus élevés, comme ABC1 et C2, peuvent travailler à domicile, ce pourcentage tombe à 34% et à 33% dans les régions du pays.
- Les banques ont approuvé 230.000 demandes de crédit d'entreprises en fonction de la loi qui offre un crédit avec aval de l'Etat, 81% des demandes, et loin du million de possibles demandes estimé par les autorités. 97% sont des PME.
- Entre janvier et avril, le gouvernement a déjà dépensé 200.000 millions de CLP (220 millions d'€) en raison de la pandémie.
- Selon le centre d'études The Economist Intelligene Unit, le Chili serait entre les 8 pays latinoaméricains qui pourraient récupérer leur croissance économique d'ici fin 2021.
- En un an, 1,7 millions d'emplois ont été perdus.

Sécurité et justice
- Un culte protestant qui a réuni plus de 40 personnes a été réalisé dans une commune de Santiago. Les organisteurs risquent une peine de 3 ans de prison. Cependant, à Concepcion, un juge a dictaminé que l'interdiction des cultes était illégale et excédait les facultés des autorités de santé. (Il faudra attendre l'opinion des tribunaux supérieurs.)
- Une soixantaine de manifestations violentes se sont produites dans plusieurs villes, incluant des attaques à des comissariats de police, des saccages de commerces et l'incendie d'un vendeur d'automobiles, motivées par un "appui" au projet de loi de retrait de 10% des fonds de pension. Le ministre de l'Intérieur a appelé à condamner la violence.
- Les vols avec homicide ont augmenté de 120% à Santiago au premier semestre, en comparaison à l'année passée. Les homicides ont augmenté de 41% depuis janvier.
- Araucanie: Trois petites écoles ont été détruites par le feu ainsi que 2 maisons, un hangar, 6 camions, une excavatrice et 2 automobiles volées. Dans l'un des cas, les carabiniers présents sur les lieux ont été attaqués avec armes de gros calibre. Des conducteurs sont attaqués tous les jours à coups de feu sur des routes de la zone, ainsi qu'un train de marchandises. Les camionneurs réclament pour l'absence de protection par les forces de l'ordre. Quatre maisons communales ont été occupées par des mapouches, pour appuyer les revendications de leurs membres emprisonnés pour divers délits qui font la grève de la faim et se considèrent "prisonniers politiques". Le gouvernement a offert une "table" de conversation. Le nouveau ministre de l'Intérieur se rend sur place.
- Une station de pompiers de San Bernardo (Santiago) a été attaquée 8 fois par des délinquants et a décidé de fermer. Elle pourrait s'installer à un autre endroit.

Transports et Communications
- Un règlement vient d'être fixé pour rendre opérative la loi qui oblige les firmes de télécommunication d'informer leurs clients de la vitesse minimum garantie de communication par internet et de réclamer si elle n'est pas respectée. (Jusqu'à présent, les compagnie vendaient seulement des plans de diférentes vitesses maximum, sans informer la minimum, qui tombe souvent à zéro par moment, motif de nombreuses réclamations.)
- Le métro de Santiago a rouvert 6 stations fermées depuis les événements d'octobre passé. Il en reste encore 2 en reconstruction.
- Le confinement a provoqué une hausse de 40% du traffic d'internet, ce qui obligé les entreprises a augmenter leur capacité et leur service technique, malgré quoi il y a eu des centaines de réclamations au travers du Sous-secrétariat de Télécommunications du ministère des Transports et Télécommunications et du Service des Consommateurs.
- Le parlement a approuvé une loi qui interdit aux entreprises de services d'eau et électricité de suspendre le service pour non payement durant l'état de catastrophe.

Science et environnement
- Les bareaux des lits de la salle de traitement intensif de l'hôpital de l'Université du Chili sont recouverts de cuivre: son pouvoir anti-micriobien a réduit de 94% les microbes qui pourraient s'y trouver, comme cela a été prouvé là, à l'hôpital de Calama et à l'Université de Southampton au Royaume Uni. Sur le cuivre, le SARS-CoV-2 disparait en 4 heures. A la clinique de Las Condes (Santiago) on a aussi mis à l'épreuve une combinaison de cuivre et d'autres micromatérieux en suspension dans un polymère qui en permet l'application sous forme de peinture, 10 fois plus économique, et qui tue 99,9% des bacteries en 2 heures, un produit appelé Copper Armour, développé par un laboratoire privé chilien. Il reste à vérifier l'effet sur le coronavirus. Une autre firme chilienne, de Valparaiso, fabrique des masques de toile contenant des fils de cuivre, certifiés comme anti-bactériaux au Chili et au Brésil, déjà exportés dans plusieurs pays.
- Il y a eu un séisime de 5,9 R dans le nord du pays, sans grandes conséquences.
- 16 supermarchés du pays utilisent un robot développé par l'Université Catholique de Santiago pour parcourir ses couloirs, vérifiant l'existence des produits et la correction des prix, indiquant aussi au personnel ce qu'ils doivent remplacer dans les gondoles, leur traçant la route la plus efficace. Ils pourraient aussi indiquer la meilleure route aux acheteurs qui leur passeraient leur liste d'achat, leur obtenant 30% d'économie de temps. 80 de ces robots seraient fabriqués cette année et quelques uns ont déjà été vendus en Colombie et aux Etats-Unis.
- Des scientifiques chiliens ont développé et breveté une nouvelle thérapie pour une maladie neurodégénérative mortelle.
- Des physiciens de l'Université du Chili ont découvert des ondes naturelles qui peuvent provoquer des distorsions dans les fibres optiques.

Religion
- A 92 ans est décédé le père jésuite Josse van der Rest, un bruxellois qui a dédié presque toute sa vie à diriger, à Santiago, une petite fabrique de maisonnettes en bois pour les nécessiteux.


EXTRA: Quand le Chili a-t-il foiré? (Extraits)
Par Mario Waissbluth, éducateur (El Mostrador, 16/07/2020)
Depuis l'arrivée de Christophe Colomb, les institutions économiques d'Amérique latine, dont le Chili, ont été ... devinez ... absolument extractives, conçues pour favoriser les conquérants, plus tard l'élite créole de l'indépendance et, au siècle dernier, aux immigrants européens - comme mes grands-parents - qui ont saisi un autre morceau de richesse à force de travail, mais aussi des avantages, des protections tarifaires, des évasions, des fuites et des collusions. Un demi-millénaire et nous ne pouvons toujours pas nous libérer de ce fardeau. La grande question de mon insomnie: ce seront, au moment des décisions, les mêmes parlementaires et chefs de partis qui modifieront les règles du jeu politique et économique qui les ont protégés ainsi que leurs financiers? Est-ce pour cela qu'au Chili Vamos [coalition de droite], ils sont si hystériques parce que leurs maires ne pourront pas être réélus? Selon un Douglass North implacable, aucun groupe politique ne modifie volontairement les règles du jeu pour perdre ce pouvoir politique.
Dans mon insomnie, je me désespérais avec la question quand, quand? C'est à ce moment-là que je me suis souvenu du concept d' "institutions", qui est également très important pour comprendre le structurel et l'ancien de la façon dont nous sommes foutus.
Commençons par le prix Nobel d'économie 1993, Douglass North: "Les institutions formelles ne sont pas créées pour être socialement efficaces, mais pour servir les intérêts de ceux qui ont le pouvoir de négociation pour concevoir de nouvelles normes." Fort cela. Ne cherchez plus et nous, les abusés, prétendant que le Congrès, notre élite politique créole, délibère pour le bien commun, pour résoudre les problèmes du peuple. Un exemple au bord du paroxysme a été cette nouvelle du retrait de 10% des fonds de pension. Ils le proposent en sachant que, comme les gens ne comprennent pas grand-chose, ils croient vraiment qu'ils vont résoudre leurs problèmes et c'est pourquoi ils votent pour eux. C'est ce qu'on appelle le populisme, un terme que les populistes diffament et détestent. Note nécessaire de divagation collatérale: tous les parlementaires ne sont pas méchants, voués avant tout à leur réélection, populistes ou incompétents, il suffit que les 2/3 le soient. [Les 2/3 sont requis pour une réforme constitutionnelle, comme celle requise pour permettre un retrait des fonds de pension.]
Suivant Acemoglu et Robinson, dans leur livre magistral "Pourquoi les pays échouent-ils?", nous ne sommes pas foutus parce que "la race est mauvaise", comme certains aiment à le dire. Ce n'est pas que les gènes ou la culture latine, chilienne, indigène, saxonne ou asiatique soient l'explication centrale de la prospérité ou de la pauvreté des pays. Ni les Chiliens sont génétiquement et culturellement malhonnêtes, ni les Finlandais génétiquement et culturellement prolixes. Ce sont de bonnes nouvelles, car cela signifie que nous pouvons changer. Il y a de l'espoir, citoyens. Cela prendra du temps, mais à un moment ou l'autre, nous pouvons changer ... ou aurai-je bu un excès d'Ingénu Fort?
Selon ces auteurs, l'explication va dans le sens contraire: les institutions économiques «inclusives» sont celles où les règles du jeu, les lois ou les organisations permettent la participation de la grande majorité des gens à des activités qui tirent le meilleur parti de leurs talents et capacités et permettent que chaque individu puisse choisir ce qu'il veut. Ils ouvrent évidemment la voie à la technologie, à l'innovation, au commerce, aux échanges équitables et non collusoires, et bien sûr à une éducation bonne et équitable.
En revanche, les institutions économiques «extractives» sont celles qui visent à extraire les rentes et la richesse d'un sous-ensemble de la société au profit d'un sous-ensemble différent. Quelques-uns deviennent riches et puissants et les autres sucent leur pouce. Cela vous semble-t-il familier? Non seulement ils se sucent le pouce, mais ils meurent plus tôt, attention. Le taux de mortalité COVID-19 est cinq fois plus élevé à La Pintana [quartier "populaire"] qu'à Vitacura [quartier riche]. Cinq fois, pas 5%!
La grande question de mon insomnie [reste]: ce seront les mêmes parlementaires et chefs de partis qui modifieront les règles du jeu politique et économique qui les ont protégés ainsi que leurs financiers?

Analyse de la situation politique (Intégral)
(Traduit de Deutsche Welle, 19/7/2020)
La situation politique au Chili connaît un moment de tension particulière. Il ne s'agit pas seulement de l'approbation, par la Chambre des députés, d'une réforme qui permettrait aux citoyens de retirer 10% du capital accumulé dans leurs fonds de pension, mais aussi de la faible popularité et du désordre dans les rangs de la bureaucratie. Plus précisément: le gouvernement de Sebastián Piñera ne passe pas par un bon moment.
Si l'on ajoute à cela le nombre croissant de voix qui non seulement doutent de la capacité du président à ordonner son secteur, mais remettent en cause à juste titre la viabilité de son gouvernement, le tableau est encore plus sombre. L'anthropologue Pablo Ortúzar, un des nouveaux intellectuels de droite, a déclaré sur Radio Infinita le mercredi 15 juillet: «Je ne suis pas certain que Piñera puisse terminer son mandat; le président est seul, isolé dans un État qui s'effondre".
Une lecture moins extrême, mais tout aussi peu encourageante, est faite par d'autres personnalités de ce secteur politique. Dans une interview à l'hebdomadaire The Clinic, le politologue Daniel Mansuy a assuré que le processus constitutionnel, l'interrogation sur les fonds de pensions et la rupture potentielle de la coalition de droite pourraient laisser Piñera comme "le fossoyeur du présidentialisme au Chili".
L'analyste Patricio Navia, quant à lui, a écrit dans El Líbero qu'il est "tout à fait clair que la droite chilienne, comme nous la connaissions, est morte" et que le gouvernement "navigue sans but".
En même temps que le gouvernement est impuissant, il a en face une opposition inerme. Le journaliste et analyste politique Ascanio Cavallo l'a défini ainsi sur Tele13 Radio: «Chile Vamos (la coalition au pouvoir) a été laissée comme l'opposition, fragmentée et sans offrir de gouvernance. Par conséquent, nous sommes dans un moment sans alternatives.»
Est-ce vrai? «C'est un fait que le président subit des pressions considérables. Cependant, le gouvernement n'est pas responsable de la crise sanitaire ou de la crise sociale de l'année dernière: sur les 30 dernières années, 24 ont été gouvernées par le centre-gauche», explique Andreas Klein, politologue et représentant au Chili de la fondation allemande Konrad Adenauer.
Pour le spécialiste, un éventuel départ de Piñera "ne signifierait pas automatiquement que la gauche gagnerait les nouvelles élections". À son avis, la responsabilité est maintenant de trouver des solutions à partir du même système. "Je pense que le président Piñera terminera son mandat et que cela est également correct d'un point de vue démocratique", dit-il. Le grand problème actuel de la politique chilienne est sa dispersion. Il n'y a plus de gros blocs compacts comme lors du retour à la démocratie, mais des secteurs atomisés qui cherchent des accords dans certaines circonstances.
«Le problème de l'opposition au Chili a plusieurs dimensions. L'un est générationnel. Ensuite, il y a un groupe qui rejette les accords transitoires post-dictature, qu'ils considèrent comme faux, puis un autre groupe qui les considère comme des consensus de gouvernance. Il y a aussi ceux qui apprécient les institutions de représentation politique comme les partis ou les syndicats et qui les considèrent comme de simples instruments d'étouffement de l'énergie du changement social. Aucune de ces dimensions de l'opposition n'atteint une articulation et il serait raisonnable de s'attendre à ce que le processus constitutionnel les oblige à dialoguer, mais cela reste à voir», a déclaré à DW Mario Álvarez, docteur en communication politique de l'Université de Leeds et professeur à l'Université Alberto Hurtado.
L'opposition a réussi à unir ses forces pour voter pour 10% [du retrait] des AFP [fonds de pensions], ce qui avait été peu prévu sous le gouvernement actuel.
Cette alliance a-t-elle un avenir ou est-elle circonstancielle? "Il est vrai que l'opposition est actuellement unie derrière cette question, mais la motivation de chacun des partis me semble partiellement différente. Si certains préfèrent supprimer les AFP, d'autres ne semblent pas vouloir remettre complètement en cause ce système. Je ne pense donc pas que nous assistons actuellement à la montée d'un bloc d'opposition unifié. Les objectifs politiques à long terme sont trop différents", explique Klein.
Les problèmes découlant de la crise du coronavirus ont une nouvelle fois déclenché des manifestations de rue et remis en question l'efficacité de l'État à répondre aux besoins des Chiliens.
Bien que ce manque apparent d'alternatives qui donnent la gouvernance soit un nouveau phénomène dans le Chili post-dictature, Klein met des draps froids. «Le Chili est confronté à de grands défis: nous devons surmonter la crise sanitaire et démarrer l'économie. 2021 est une année avec de nombreuses élections et une Constitution doit être réécrite. Je pense qu'il est temps de rompre avec la pensée classique des blocs traditionnels et d'établir une force centrale qui unit l'expérience économique à la responsabilité sociale», estime-t-il.
Álvarez, pour sa part, met en garde contre les risques liés non seulement à la délégitimation de l'activité politique, mais aussi à l'inaction de l'État. «Piñera a déjà renoncé à gouverner. Il peut rester en fonction, mais ne gouverne pas. Le problème avec cela est que les institutions doivent leur légitimité, entre autres, à leur efficacité, et si la démocratie ne s'avère pas minimement efficace pour résoudre les problèmes de la vie, son existence même est menacée», dit- il.