31/12/2018

Décembre (b)

Araucanie
- La Corporation de Développement Indigène (de l'Etat) a acheté cette année 26.500ha de terres pour les remettre aux mapouches.
- Le ministre de Développement Social s'est réuni avec le Conseil de Loncos (chefs de communautés).

Police
- Le président Piñera a demandé la démission du général-directeur des Carabiniers, pour manque d'autorité sur sa troupe, un nouvel enregistrement policier de vidéo de l'assassinat du mapouche ayant apparu, ce qui était ignoré par lui, et n'ayant pas progressé dans les enquêtes administratives internes sur de multiples irrégularités. Mais celui-ci a refusé de la présenter, argumentant que ce serait reconnaître des erreurs qu'il n'admet pas. D'accord avec la Constitution, le président a alors dû signer un décret avec fondements pour le destituer, décret qui devait être communiqué au Parlement (lequel s'est réuni spécialement pour en prendre connaissance) puis à la Cour des Comptes, qui doit en "prendre raison" pour qu'il puisse être appliqué. Ce général n'avait assumé son poste qu'en mars dernier, après que son prédécesseur et 13 autres généraux avaient dû abandonner l'institution des suites des faux témoignages policiers qui avaient inculpé une douzaine de mapouches en 2017. Dix autres généraux ont aussi été mis à la pension, supprimant ainsi toute une génération d'officiers supérieurs, pour entamer une rénovation et modernisation de la police. Le nouveau général-directeur a assumé le même soir, passant de 2 à 4 étoiles, tous les généraux de 3 étoiles ayant dû quitter l'institution (Au début de l'année, il était 32e en ancienneté). Après quelques jours, il a formé son nouveau commandement mettant 5 généraux de plus à la pension et élevant 19 colonnels à généraux.[Voir commentaire en "Extra"]
- Après Noël, le père du mapouche assassiné à appelé à une manifestation en Araucanie, occupant pour 2 jours la maison communale de Ercilla (sa commune), coupant l'autoroute du sud et "exigeant" la démission du bourgmestre et du ministre de l'Intérieur. Une maison de campagne a aussi été incendiée.
- Une manifestation parallèle à Santiago s'est tournée en attaque`aux carabiniers, en blessant 5, dont l'un avec traumatisme crânier.
- Le président Piñera a fait connaître qu'il a envoyé au père du décédé une lettre de condoléances, mais celui-ci a déclaré qu'il n'a rien reçu. [Rien d'étonnant si elle a été envoyée par la poste nationale!]

Politique
- Le projet de loi sur les migrations est ce qui préoccupe le plus le gouvernement en cette fin d'année.
- 27% des hauts fonctionnaires publics ont été remerciés cette année, contre 50% durant la première année du gouvernement Bachelet.
- En 10 ans, la confiance dans les députés a baissé de 32% et envers les sénateurs de 26%, envers les partis politiques de 24%, envers les prêtres de 40%, envers les carabiniers de 17% (ils restent les 3° les plus confiables... parce que les autres ont aussi baissé). Les dénonciations d'abus du clergé et de fraudes et mensonges des carabiniers ont été les faits les plus saillants de l'année. En 20 ans, ceux qui se déclarent catholiques ont baissé de 73 à 55%, mais la confiance dans l'Eglise est tombée de 51 à 13%. Mais sur une si longue période, il faut considérer diverses causes et non seulement le cas des abus sexuels: la sécularisation due au progrès matériel, etc.
- 63% des gens se disent sans position politique (contre 6% il y a 30 ans). 14% s'identifient avec la gauche, 8% avec le centre et 16% avec la droite. De 40% d'adhésion en 1996, la démocratie chrétinne est tombée maintenant à 2,1% et aucun parti n'a maintenant plus de 5,9% d'appui.
- Le président Piñera a obtenu la note 6,1/10 pour son gouvernement de cette année, mais le taux de réprobation (46%) dépasse celui d'approbation.

Economie
- 40% des travailleurs souffriraient de stress en fin d'année à cause des dépenses à faire (selon la coutume locale).
- La cibersécurité et la protection des consommateurs sont les principales préoccupations de la banque locale.
- En réunion avec le président Piñera, les représentants de la Confédération de la Production et du Commerce ont fait connaître leur préoccupation pour la grève d'un syndicat portuaire (qui dure déjà un mois et affecte les exportations de fruits, avec une perte estimée de 2.000 millions de dollars), l'emploi (affecté par l'automatisation) et les difficultés pour les investissements. Mais le président a insisté sur le dynamisme de l'économie et la création d'emplois.
- La PIB per capita a doublé depuis l'an 2000.
- La chute mondiale des marchés a répercuté sur les fonds de pension, où les deux les exposés aux risques ont perdu 6,57% et 4,54% respectivement pendant cette année.
- Pour exécuter un nouveau projet d'investissement, 2.000 autorisations peuvent être nécessaires, selon un étude commandée par le président Piñera en vue de simplifier les démarches.
- La confiance des entreprises termine 2018 en zone négative.

Infrastructure
- La première partie de l'agrandissement de l'aéroport de Santiago est enfin ouverte, pour les vols intternationaux, avec 10 manches d'embarquement, 1.900 m2 de locaux commerciaux, et une capacité de 13.000 passagers par jour. En juin prochain s'ouvrira un autre bras avec 12 manches. La construction complète se terminera en 2020. Cette année, il y a eu plus de 10 millions de voyages à l'étranger.
- Selon une étude de la banque Santander, en 2034, 54% de la matrice energétique sera encore de génération thermique et, selon le ministère de l'Energie, 11% seront encore au charbon en 2040, considérant la vie utile des installations. Plusieurs centrales à charbon ont été installées cette dernière décade à cause de la hausse du prix du pétrole et la suspension de l'arrivée du gas naturel argentin (reprise cette année).

Santé
- Le ministère public affirme avoir des peuves de ce que les intoxications massives d'août passé, à Quintero et Talcahuano, furent le résultat du déchargement de pétrole iranien, qui reste dans des psicines de décantation à l'air libre, d'où les gas ont affecté la population.

Climat
- Le changement du climat signifie moins de neige et plus de vent dans la région du détroit de Magellan.

An Nouveau
- 30 tonnes de feux d'artifices seront lacés cette nuit en mer face à Valparaiso et Viña-del-Mar pour le traditionnel "An Nouveau sur la Mer". A Santiago autant en seront lancés, dans plusieurs communes.

Bonne année à tous!

EXTRA: Crise des Carabiniers
(Editorial, 23/12/2018)
Du point de vue judiciaire, les [nouvelles] images [connues il y a quelques jours] ont réaffirmé qu'il n'y avait pas eu d'affrontement armé entre Catrillanca [le mapouche tué] et le groupes d'Opérations Spéciales. Mais elles ont également confirmé le manque de contrôle de l'ancien directeur- général Hermes Soto, qui a de nouveau été surpris par les événements.
Il convient de rappeler que peu de temps après son arrivée au pouvoir, le président Piñera a été contraint de demander la démission du directeur général de l'époque, Bruno Villalobos, à la suite de la fraude millionnaire au sein de l'institution et de la dite "affaire Hurricane", dans laquelle diverses manipulations [de preuves et témoignages] ont eu lieu. Quelques mois après cet épisode, une crise grave est réapparue, ce qui remet en cause la confiance dans l'institution des carabiniers, qui a finalement conduit à la destitution de la plus haute autorité de la police.
Un épisode malheureux est que le président a été poussé à bout, le contraignant à formuler un décret bien fondé pour obtenir le départ d'Hermès Soto, en raison de son refus de démissionner. Cette situation, et en particulier son comportement à la suite de la demande de démission - y compris des déclarations à la presse - peut être interprétée comme une épreuve de force absurde présentée au gouvernement par les sortants en uniforme, ce à quoi le pouvoir exécutif a bien réagi. Cet enchaînement d'événements révèle que la situation que vivent les carabiniers est encore plus critique qu'on ne le pensait et qu'elle nécessite par conséquent de profonds changements pour que l'institution puisse être renforcée.
Le gouvernement, pour sa part, n’est pas sorti indemne de cette situation regrettable. En plus d'avoir presque complètement perdu le contrôle de l'ordre du jour, le ministre de l'Intérieur a dû prendre en charge tous les effets politiques causés par l'épisode, ce qui a nui à son image et affaibli son rôle.
Toute l'image décrite endommage la figure présidentielle. Pour cette raison, le président est tenu de déployer toutes les énergies pour surmonter la crise et rassembler toutes les forces politiques autour d'un large accord de réforme des carabiniers.

Qui surveille les surveillants? F.J. Covarrubias (Extraits)
(El Mercurio, 22/12/2018)
Depuis plusieurs années, nous assistons à la décomposition des carabiniers du Chili. Ces dernières années, il y a eu trois faits graves: les 28 milliards de CLP volés, l'opération ratée d'accusations de mapouches [de 2017] et l'affaire odieuse de l'assassinat [du mapouche] Catrillanca [cette année]. Mais, si cela ne suffisait pas, cette semaine s'ajoute un autre: la rébellion du général-directeur Hermes Soto [qui n'a pas voulu démissionner].
Le même Soto dans lequel il y avait beaucoup d'espoir qu'il soit le premier à collaborer avec ce gouvernement. Le même pour lequel il fallut mettre à la retraite [d'autres généraux] pour qu'il puisse assumer. Le même qui a bien débuté, avec un langage franc et de bons signaux. Le même qui a bien commencé, mais qui s'est mal terminé. L'affaire Catrillanca a montré une absence totale de contrôle.
Malgré tout ce qui a été dit, le gouvernement n’a pas été mal. Mais le problème des carabiniers est trop profond. À son inefficacité dans la lutte contre le crime commun s’ajoute la corruption de son haut commandement, le discrédit suite aux opérations inventées et une division profonde avec des cliques internes. La seule réserve morale qui reste dans l'institution est le policier du coin [de rue]. Le stoïcien. Le circonspect. L'incorruptible.
Ainsi, la vieille question du poète romain Juvenal "qui surveille les surveillants?", celle qui avait été faite cinq cents ans avant par Platon, a plus de sens que jamais.

Anomie des Carabiniers (Extraits)
C.Peña, avocat, recteur (23/12/2018)
La crise que subissent les carabiniers n’est pas le résultat de personnes perdues ou d’esprits malsains qui ont oublié leur devoir, mais la conséquence d’un ethos, une forme de comportement consolidée depuis longtemps.
Ce qui s’est passé (depuis la dictature), c’est que, dans les corps armés, on a développé progressivement un certain isolement de la société et du pouvoir civil. Les carabiniers, l'armée et la marine ont commencé à développer des formes de commensalité, des pratiques de consanguinité, des récits de fierté professionnelle, des codes de conduite, etc., totalement séparés de la société à laquelle ils appartiennent et auxquels ils doivent obéissance.
Ils ont commencé à créer une culture qui leur est propre et qui, laissées seules, sans confrontation ni contrôle -comme cela s'est passé avec des ministres qui l'acceptaient au lieu de le confronter [gouvernements de gauche]- finissant par glisser vers le vice du corporatisme puis une culture autoréférentielle, avec sa propre idée de ce qui est juste et légitime, avec sa définition des fins et des moyens. L'anomie apparaît à ce moment-là, ce qui n'est pas strictement l'absence de règles, mais l'apparence de règles propres.
C'est que ce qui s'est passé chez les carabiniers et dans une certaine mesure dans l'armée, qui se sont constitués en corps autoréférentiels, avec une culture qui tourne autour de soi, qui expérimente peu de limites et qui finit par générer son propre éthos, son propre sens de la loyauté, de ce qui est légitime et de ce qui ne l’est pas. Depuis la dictature, ils se sont érigés en mesure de la vie civile, et ont continué ainsi, en raison de la paresse ou de l'incompréhension ou de la peur, pendant les gouvernements de la Concertation.
C'est pourquoi il est nécessaire de célébrer la décision du président de faire démissionner le haut commandement des carabiniers. C’est la seule façon de commencer à soumettre ces organes au pouvoir civil, aux valeurs de la vie civique dans son ensemble, et il est inévitable, comme l’a fait le Président, de leur rappeler qui est le patron.