14/02/2020

Février 2020 (a)

Politique
- Record historique dans le traitement de projets de lois au parlement depuis le 18 octobre: la discussion et approbation a duré en moyenne 15 jours au lieu de 2 ans [mais il y a encore des lois discutées plus d'un an].
- Plus de 14.000 militants ont abandonné les partis politiques depuis le début de la crise sociale.
- L'approbation du président Piñera continua à baisser: 9%.

Economie
- L'épidémie de coronavirus en Chine a affecté nos exportations vers ce pays. La baisse du commerce chinois cause un drame pour les pêcheurs des îles Robinson Crusoë, qui vivent de l'exportation de la langouste (90$ vers la Chine).
- 132.500 personnes ont perdu leur travail en janvier. 80% des nouveaux emplois sont occupés par des émigrants.
- Plus de 130.000 entreprises sont en retard de paiement de leurs dettes -en moyenne 40 millions de CLP (46.000 €)-, dont 80% sont des PME.
- Le taux des fraudes avec cartes de crédit a augmenté de 44% en 2019, arrivant à un record de 87.908 cas.
- 70 supermarchés mis à sac ou incendiés après le 18 octobre n'ont toujours pas rouvert leurs portes, obligeant leurs voisins à faire de longs trajets pour leurs achats.

Sécurité
- Selon le Ministère Public, les dénonces pour infractions aux droits humains, depuis le 18 octobre, se montent à 5.558.
- Dans le pays, 340 croisements ont vu leurs sémapahores détruits depuis le 18 octobre (l'un d'eux remis et détruit à nouveau 20 fois). Environ la moitié manque encore.
- Le ministère la Culture a compté 881 monuments endommagés depuis le 18 octobre.
- Il y a 1.861 procès pour infractions aux droits humains depuis le 18 octobre. Vingt policiers sont déjà expulsés de l'institution. Environ 9.800 arrestations de violentistes ont été faites.
- L'association de propriétaires de camions a demandé au gouvernement de "rétablir l'ordre public en Araucanie", vu les agressions qu'ils y souffrent.
- Des barricades faites de pneus incendiés ont été installées presque toutes les nuits dans diverses rues de la capitale.

Transports et Communications
- Le déficit du système de transports en commun de Santiago a atteint 800 millions de dollars en 2019.

Education
- 86% des enfants de Santiago entre 10 et 13 ans disent avoir leur propre smartphone et l'utilisent pour jouer 49% du temps et voir des vidéos 40% du temps. 30% ont peur d'agressions par internet. 50% des moins de 9 ans ont un dispositif d'accès à internet.

Science et environnement
- Onzième année de sécheresse. On demande de ne pas mouiller les trottoirs à Santiago et de me pas laver les autos à grande eau; on suggère aussi de réduire les pelouses. Dans certaines communes du sud, l'eau courante est coupée plusieurs heures par jour.
- Multiples incendies de forêts (11 millions d'hectares ont été brûlés en 10 ans).

EXTRA: L'élite doit céder le pouvoir, pour pouvoir vivre en paix et harmonie (Extraits)
Jeannette von Wolfersdorff, exdirectrice de la Bourse de Santiago (Deutsche Welle, 2/2/2020)

L'économie doit être réinventée et cela nécessite un engagement de ceux qui ont du capital: financer de nouveaux entrepreneurs, ouvrir des oligopoles et laisser d'autres entreprises se développer. Si nous n'avons pas cet engagement commercial, il sera complexe de financer l'agenda social pour les systèmes de retraite, d'éducation et de santé, entre autres. En plus de tous les investissements dans les infrastructures dont nous avons besoin pour la quatrième révolution industrielle, nous devons également nous concentrer sur une économie circulaire qui prenne soin de l'environnement ... Au Chili, nous avons la possibilité de repenser le modèle, afin qu'il soit plus équitable et mette plus au centre le consommateur.
Il ne s'agit pas de changer le modèle capitaliste. Il s'agit de sauver les valeurs du libre marché. En ce sens, nous devons revenir aux postulats d'Adam Smith, qui parlait de justice, d'équité et de consommation. Il ne faut pas manipuler le consommateur pour qu'il achète quelque chose dont il n'a pas besoin.
Les hommes d'affaires et les syndicats importants doivent avoir un diagnostic commun et, avec cela, faire des propositions pour que l'économie profite à la société. Lorsque l'économie se porte bien, la société devrait se porter mieux. Et si cette relation ne fonctionne pas correctement, il faut proposer des solutions pour faire de l'économie un moteur de bien-être et d'opportunités, et non de captures d'une élite, qui vit dans des quartiers reculés et à qui manquerait pratiquement un mur et un président propre pour dire qu'elle a déjà son propre pays ... Pour continuer à être une société qui vit paisiblement, cette société doit avoir un minimum en commun: il ne peut se faire que le secteur public ait un système de santé avec des milliers de personnes qui meurent, tandis que les secteurs aisés ont leurs cliniques privées qui fonctionnent très différemment.
Je vois plusieurs entrepreneurs prêts à participer à un changement. Mais maintenant, nous devons voir comment réaliser cet engagement pour les grands syndicats. J'aimerais qu'ils s'engagent d'abord à avoir un diagnostic commun à court terme, que les objectifs soient fixés devant le pays et qu'ils se traduisent en actions concrètes pour les entreprises. La solution peut être de produire un "Sovereign Wealth Fund" ou un "Future Fund", un fonds public, où est apporté par le secteur privé.
Le défi est que l'on ne se sente pas reconfirmé par des gens qui pensent déjà la même chose, mais que l'on arrive à ouvrir les esprits pour que chacun puisse comprendre chaque partie, à rechercher un consensus. Donc, je vois toujours cela comme une question en suspens, car nous, dans notre proposition de changer le modèle économique, ne pouvons pas le faire sans entrepreneurs.
Si l'élite n'est pas disposée à apporter des modifications au système, nous allons avoir des manifestations permanentes. De plus en plus de systèmes de sécurité privés, de plus en plus de ghettos de riches vivant dans un pays séparé.

Le Chili a besoin d'un secteur public capable de générer une nouvelle politique de développement (Extraits)
Par José Gabriel Palma, économiste, professeur de l'Université de Cambridge (El País, 5/2/2020)

Le modèle chilien a été, pendant des années, un exemple à suivre pour beaucoup, mais est déjà épuisé: il a déjà donné ce qu'il pouvait donner. Le secteur des services ne se développe qu'en raison de l'augmentation des emplois à bas salaires et le secteur des exportations, qui est purement extractif, a atteint un plafond et ne souhaite croître que dans les pays voisins. Ce modèle ne donnera pas, à l'avenir, au-delà de 2% ou 2,5% de croissance. Oui ou oui il faut industrialiser le secteur de l'exportation, notamment le cuivre et le bois. Plus de 1 000 navires avec du cuivre concentré quittent le Chili chaque année, un matériau qui ne contient que 30% de cuivre, le reste étant de la scorie: le principal produit exporté par le Chili est, en volume, des ordures. Imaginez la pollution inutile générée par son transport. C'est absurde; cela n'a pas de sens.
Il faut une politique industrielle et commerciale: ce que l'Asie a fait tout au long de sa vie. Dans le cas du cuivre, par exemple, ce que je propose, c'est de facturer une redevance [royaltie] différenciée en tant qu'instrument de politique industrielle, pour l'obliger à être au moins fondu au Chili.
Si les ressources naturelles payaient leurs redevances, la pression fiscale diminuerait et nous pourrions avoir un système de santé, des infrastructures, l'éducation et la sécurité sociale d'un pays civilisé. Aujourd'hui, le cuivre est censé payer une redevance qui est un mensonge, et ce sont des ressources qui sont nécessaires. C'est l'une des plus grosses hontes et révèle un manque absolu de vision à long terme. La Constitution dit que nous, les Chiliens, possédons toutes les ressources naturelles du pays et avons droit à tous leurs revenus. Ne pas avoir de vraies redevances est quelque chose de tout à fait inconstitutionnel.
Le Chili est l'une des économies relativement moins diversifiées au monde et sans intervention publique directe, aucun changement ne se produira. Nous sommes sur le point de franchir un demi-siècle de néolibéralisme et rien n'indique, zéro, que le secteur des exportations souhaite se diversifier. L'État chilien est subsidiaire, il se concentre sur la résolution des problèmes que le secteur privé laisse, apaise le mécontentement et ne regarde pas vers l'avenir. Le Chili n'a pas besoin de plus d'État au sens de la quantité: il a besoin d'un État capable de générer une nouvelle politique de développement. Un cycle a déjà été bouclé et l'État doit passer à un nouveau, en conduisant le secteur privé et allant en fin de compte au fond du problème.
Pourquoi a-t-on renoncé à la politique industrielle? Par idéologie et parce que le secteur privé a un lobby très fort sur le gouvernement. La concentration de la richesse conduit à une concentration du pouvoir. La politique économique est restée la même sous les gouvernements progressistes. Le centre-gauche chilien a séparé la politique économique de la sociale dans son esprit. Il a fait une politique progressiste du côté des valeurs: divorce, avortement, droits du collectif gay ... Mais économiquement il n'a rien fait d'original. Au point que bon nombre des abus, comme les pires concessions d'infrastructure, furent les siens.